• Aucun résultat trouvé

B - Les limites de la fonction d’accueil, du point de vue de l’usager

L’application concrète comporte des limites qui doivent être relevées.

NB : Dans la mesure où la Cour prépare actuellement une évaluation des relations entre la DGFIP et ses usagers, qui a vocation à être publiée, les observations qui ont pu être faites à cet égard lors de la présente enquête y seront reprises et ne sont présentées ici que de manière résumée.

1 - Les lacunes de la cartographie et les inégalités d’accès a) La reconduction du maillage antérieur

Le principe retenu pour la création des SIP la faisait dépendre de l’organisation préexistante : un SIP a été créé là où un CDI et une trésorerie comportant une composante de recouvrement fiscal étaient présents à la même résidence. Cette option a conduit à conserver une géographie administrative résultant des évolutions historiques propres à chacun des deux réseaux et reflétant ainsi des situations (économiques, démographiques, territoriales) antérieures. La fusion n’a donc pas été l’occasion d’une réévaluation de l’adaptation du réseau en termes de couverture du territoire et de desserte des populations. Les importants investissements immobiliers réalisés dans les SIP ont aussi pour effet de figer les localisations.

Les engagements pris lors de l’annonce de la fusion (tant vis-à-vis des élus que des collectivités territoriales) peuvent expliquer ce choix. Il

27 Les principes en sont précisés dans une note de la DGFIP sur l’accueil fiscal de proximité en date du 22 novembre 2010.

présentait également l’avantage de la plus grande simplicité et de la plus grande rapidité, et était donc le plus compatible avec la réalisation de la fusion dans les délais impartis. Cependant il ne pouvait permettre de résoudre d’emblée les problèmes d’adaptation du réseau.

b) Des inégalités dans l’accès au guichet fiscal unique

Selon la DGFIP, la nouvelle organisation permet d'assurer sur l'ensemble du territoire l'offre de service d'un interlocuteur fiscal unique des particuliers. Tel n’est pas en réalité le cas.

- Même après complet déploiement des SIP, près de la moitié de la population relève encore d'un CDI pour l'assiette de l’impôt et d'une trésorerie pour le recouvrement.

- Les contribuables ne bénéficient pas tous de prestations équivalentes. On peut distinguer trois catégories d’usagers :

− les contribuables résidant dans une commune pourvue d’un SIP : ces contribuables bénéficient de tous les avantages du guichet unique ;

− les usagers résidant dans une commune pourvue d’un accueil fiscal de proximité : ils bénéficient, en principe, du guichet unique, mais dans une conception de service réduit et avec des délais plus longs ;

− les usagers résidant dans une commune dépourvue de SIP et d’AFP, qui peuvent se trouver assez éloignés d’un accueil fiscal.

Le problème ne se pose guère dans les départements densément peuplés. Dans les Hauts-de-Seine, les communes où sont implantés des SIP regroupent près de la moitié de la population du département. Celles dotées d’une trésorerie avec AFP environ un quart. Le quart restant de la population réside dans des communes sans implantation. Dans ce dernier quart se trouvent des communes importantes, plus peuplées que des chefs lieux de département de province disposant d’au moins un SIP : Rueil-Malmaison, Antony, Puteaux, Meudon (dont les populations vont de 45 000 à près de 80 000 habitants). Mais aucune de ces communes n’est très éloignée d’un SIP (la distance la plus longue est d’Antony au SIP de Sceaux-Sud, à peine 4 km).

Dans un département comme la Seine-Maritime, la DGFIP indique qu’aucune commune n’est distante de plus de 12 km d’un SIP ou d’un AFP. Dans des départements ruraux peu denses, les distances peuvent être plus élevées. Quelques correctifs existent : par exemple, dans certains départements, des permanences sont encore organisées en mairie par des

DDFIP au moment des campagnes (c’est un héritage des « tournées » de l’ex-DSF). Ces correctifs sont cependant marginaux et se réduisent (comme c’est le cas dans le Nord).

Il n’existe pas de solution parfaite. Non seulement il est exclu d’augmenter le nombre d’implantations, mais le choix des critères de localisation est ardu. La DGFIP aurait avantage à se rapprocher de La Poste, qui a mené des réflexions approfondies sur cette problématique.

Les inévitables difficultés afférentes à l’accès à l’accueil physique font s’interroger sur la pertinence de mettre l’accent, dans le schéma retenu pour la fusion, sur cette seule dimension de la relation avec l’usager. C’est un sujet de réflexion pour l’avenir (cf. chapitre V).

2 - Les limites de la connaissance du public

Aux fins de dimensionnement des locaux consacrés à l’accueil dans les SIP, il était nécessaire de connaître les besoins en capacité d’accueil, d’autant que le dispositif créé aboutissait à concentrer en un seul lieu deux flux précédemment répartis entre deux lieux (avec des périodes de pointe différentes). Or ces besoins ont été évalués de manière approximative, faute en général de suivi statistique suffisant de la fréquentation dans les CDI et trésoreries avant la fusion.

Dans les SIP, les gestionnaires de files d’attente (GFA) permettent maintenant de comptabiliser le nombre de personnes reçues et le temps d’attente moyen des usagers. C’est un progrès par rapport à la situation antérieure. Cependant il s’agit d’un simple comptage, qui donne une vision quantitative mais non qualitative. Dans les trésoreries, la mesure de la fréquentation est encore plus rudimentaire.

Il n’existe pas de mesure qualitative fiable de l’accueil. Les outils disponibles dans les SIP (application SIRIUS), qui portent davantage sur l’assiette que sur le recouvrement, y sont rarement utilisés par les agents d’accueil, ou le sont de manière très sommaire. Les trésoreries ne disposent pas de cette application. Dans les SIP, aucune exploitation à des fins de suivi voire d’adaptation du dispositif n’est faite des données éventuellement saisies par les agents d’accueil. Il n’existe pas de statistiques par type de demande. Il est donc impossible d’analyser de manière fine les besoins et le degré de satisfaction du public. La DGFIP mesure simplement l’évolution du délai d’attente dans les SIP sans en étudier les facteurs.

3 - L’AFP dans les trésoreries

Les trésoreries ont pour tâche de remettre les documents et de répondre aux questions les plus simples (relevant de la catégorie de celles traitées par les accueils généralistes des SIP). Lorsqu’une question est plus complexe, elles la transmettent au SIP de rattachement.

Dans le cadre de l’AFP, la liaison avec le SIP est donc cruciale.

Elle est assurée soit par le recours à une application dédiée, GAIA, soit par les échanges directs entre agents de la trésorerie et agents du SIP, qui peuvent s’inscrire dans le cadre de processus formalisés (désignation de

« référents » spécialisés dans les SIP) ou être plus informels.

Les utilisations de GAIA sont rares (130 000 en 2010). Elle est très lente et les agents considèrent que l’utiliser leur fait perdre du temps. Ils y recourent encore moins pendant les périodes d’affluence. GAIA permet de systématiser la prise en charge des démarches et d’en assurer la traçabilité. Elle est perçue, dans les trésoreries et les SIP, comme un outil de contrôle. GAIA serait toutefois davantage utilisée quand la trésorerie est géographiquement éloignée du SIP.

L’évolution de la fréquentation des trésoreries n’est pas seulement liée à leur nouvelle mission fiscale, mais aussi à leurs tâches traditionnelles de recouvrement, qui connaissent une recrudescence conjoncturelle.

4 - La nécessité d’une réflexion d’ensemble sur la relation à l’usager

L’organisation de l’accueil paraît avoir suivi une logique d’offre qu’une logique de réponse à une demande de l’usager identifiée a priori.

Elle n’a pas été fondée sur une analyse systématique des problèmes d’accueil, ni des attentes du public, ni des possibilités et impératifs propres de l’administration. Elle a consisté en l’application d’un schéma unique dont la mise en œuvre est en fait tributaire des situations locales.

L’insuffisance de la mesure et de l’évaluation empêche d’en apprécier exactement les résultats. Le système est loin d’être stabilisé. Pour en déterminer l’évolution future, il faut concevoir une politique globale de l’accueil, partant des besoins concrets des usagers, intégrant tous les canaux, analysant leur pertinence, incluant des systèmes de renvoi fiables et conviviaux d’un instrument à l’autre, aidant les usagers à utiliser le moyen de contact le mieux adapté à leur demande et le moins coûteux pour l’administration.

- L’accent a été placé sur l’accueil physique, le plus perceptible.

Pour autant, la gestion même de cet accueil physique suscite quelques

difficultés. Il est organisé dans les SIP en trois niveaux : orientation, accueil généraliste, accueil spécialisé. L’installation de box pour l’accueil généraliste est tributaire de la configuration des locaux. Cette organisation est a priori rationnelle, mais semble parfois mal comprise voire mal admise des usagers, très soucieux de confidentialité, de personnalisation du contact. Le problème est en l’occurrence moins la conception du dispositif que sa perception par le public.

Si les SIP des quartiers aisés ne connaissent guère d’affluence, ceux implantés dans des quartiers moins favorisés doivent souvent faire face, dans des conditions de traitement parfois difficiles, à des flux quantitativement importants et à des demandes spécifiques telles que la délivrance de certificat de non imposition, ou le paiement de la PPE. Si le service rendu au public est indéniable dans tous les cas, on observe bien un développement d’activité qui n’est pas lié directement au recouvrement de l’impôt mais relève plutôt d’une politique sociale.

- Surtout, la réflexion sur le partage entre les différents modes d’accueil devrait être approfondie. L’accueil physique n’est qu’une des modalités possibles de contact entre l’administration et le contribuable. Il existe bien d’autres possibilités : le courrier, le téléphone (par exemple avec des services dédiés : un centre impôts-service28, quatre centres prélèvements-service29), l’internet (site impôts-gouv.fr), le courriel, etc.

Malgré les avantages qu’il présente (pas de déplacement pour l’usager, pas de contrainte de localisation du service), l’accueil téléphonique parait trop souvent considéré comme secondaire et traité comme accessoire. De nombreux SIP sont difficiles à joindre par téléphone, de l’aveu des agents eux-mêmes. Il est rare que des SIP soient dotés d’une véritable cellule téléphonique ou que soient envisagées des formules innovantes comme la mise en place d’une plate-forme téléphonique départementale virtuelle30. L’accueil téléphonique est lui aussi mal mesuré.

Cette réflexion est naturellement à articuler avec celle sur l’implantation territoriale. La ministre a annoncé qu’une nouvelle structure chargée de traiter ces sujets serait installée auprès du directeur général afin de définir une stratégie d’ensemble.

28 Un agent répond en direct à toutes les questions fiscales au 0810 46 76 87 (en semaine de 8 h à 22 h et le samedi de 9 h à 19 h).

29 En semaine de 8 h 30 à 19 h, pour toutes les questions relatives au paiement.

30 Réflexion en cours dans les Landes