Les sections précédentes ont montré que les modèles de plasticité cristalline et po-lycristalline classiques sont capables de déterminer le comportement macroscopique et le comportement des grains en fonction de leur orientation cristallographique dans les agrégats polycristallins à l’aide des modèles micromécaniques à champs moyens (auto-cohérents) ou à champs complets (EF, FFT). Ils permettent égale-ment d’appréhender les hétérogénéités intergranulaires et intragranulaires observées expérimentalement par les techniques FIB, EBSD, DRX, ... . Les théories classiques sont basées sur le principe de déformation ou de glissement plastique moyen sur chaque système de glissement au travers des équations (1.17) et (1.18). Cela suppose que les dislocations d’un système de glissement peuvent être considérées indépendamment des autres et qu’il n’existe pas de corrélations entre elles. La déformation plastique résulte alors d’un grand nombre d’évènements décorrélés. L’utilisation de ces théories est donc justifiée dans les matériaux où les interactions entre les dislocations sont négligeables. Figure 1.19 – Observation expérimentale d’une structure de murs de dislocations dans un monocristal de Si sollicité en traction-compression cyclique à haute Figure 1.20 – Micrographie optique de cellules géantes de dislocations après crois-sance d’un monocristal de GaAs. La dimension moyenne des cellules varie en fonction inverse de la contrainte interne. Insert : cellules de dislocations visualisées par ima-gerie aux rayons-X : les lignes sombres sont l’image des distorsions de réseau au voisinage de dislocations [174]. Cependant, les opérations de moyennes directes ne sont pas toujours vérifiées lorsque les dislocations se multiplient, s’annihilent et forment des structures au fur et à mesure que la déformation plastique augmente. Ces structures se forment à une échelle de longueur mésoscopique, observables à l’aide de la Microscopie Electronique à Transmission (MET). En effet, la naissance de murs réguliers de dislocations lors d’essais de fatigue sur le Silicium (figure 1.19) [146], ou l’apparition des bandes de glissement localisées à la surface d’un monocristal de Cu-30at% Zn (figure1.1) [243] ou encore la formation des cellules de dislocations dans un monocristal d’arséniure de gallium (GaAs) comme reporté sur la figure 1.20 [174], sont autant d’exemples qui justifient la formation des structures de dislocations internes qui s’organisent de manières correlées. Dans ces situations, les opérations de moyennes ne sont plus jus-tifiées, et le passage de l’échelle microscopique à l’échelle macroscopique doit inclure un passage à l’échelle mésoscopique, où les opérations de moyenne sont effectuées sur un volume élémentaire représentatif à cette échelle [134]. En plus de la formation des structures de dislocations, les théories classiques ne prennent pas bien en compte les effets des interfaces de type joints de grains qui sont en général représentées par des interfaces mécaniques simplifiées. On dénote également la sous-estimation des contraintes intragranulaires. Les théories classiques connaissent également leurs insuffisances dans la prise en compte des effets de tailles et de longueurs internes liés à l’activité plastique dans le matériau. Elles sont égale-ment incapables de prendre en compte l’activité des dislocations géométriqueégale-ment nécessaires (GNDs : "Geometrically Necessary Dislocations" en anglais) qui se créent pour une accommodation géométrique des courbures de réseaux cristallins qui inter-viennent au cours de la déformation plastique. Ce type de phénomène est illustré sur la figure1.21 due à Ashby [14] dans le cas du cisaillement d’un matériau composite constitué de plaques non déformables parfaitement liées à une matrice monocristal-line déformable plastiquement (figure1.21(a)). A proximité des plaques, la matrice ne peut pas être cisaillée, elle est donc obligée de se courber, et cette courbure est géométriquement accommodée par la création des GNDs (figure1.21(b)). Figure 1.21 – (a) : Matériau composite modèle constitué des plaques non défor-mables parfaitement liées à une matrice monocristalline déformable. (b) : Matrice cisaillée sur un système de glissement unique et courbure de la matrice à proximité des plaques avec création des GNDs [14]. Pour prendre en compte tous ces aspects de la déformation plastique à l’échelle intra-granulaire (ou intra-phase) qui échappent à la théorie classique de la plasticité cristalline, différentes techniques sont actuellement développées. Il y a les techniques de simulations purement discrètes comme la statique et la Dynamique Moléculaire (DM) [72, 118, 41] qui permettent de comprendre les mécanismes de formation et d’interaction de dislocations partielles ou parfaites avec d’autres défauts tels que les joints de grains, les solutés ... aux échelles nanométriques. Nous ne nous intéressons pas aux mécanismes de la plasticité à ces échelles fines et donc nous ne pousserons pas plus en avant la description de ces techniques dans ce manuscrit. Une autre technique discrète puissante de nos jours avec la capacité de calcul actuelle est la Dynamique des Dislocations Discrètes (DDD) [133, 12,48], où les dislocations sont représentées par des segments discrets ou des nœuds auxquels on affecte un vecteur ligne et un vecteur de Burgers, ainsi qu’un plan de glissement. La technique des champs de phase appliquée aux dislocations [190, 126, 67] est également une technique récente qui comme la DDD permet de suivre l’évolution des boucles de dislocations dans un milieu élastique linéaire, mais se base sur une fonctionnelle d’énergie et une représentation des dislocations par une distribution de déformations libres de contraintes (ou "eigenstrain"). Ces techniques précédentes ne font pas de différences entre les distributions de SSDs et de GNDs. D’autres techniques statistiques et continues peuvent alors être développées pour étendre la théorie continue de la plasticité. Nous avons : — les théories de mécanique statistique de dislocations [92,242,243], — les théories à gradients [84, 108, 5, 94, 69], — les théories continues de dynamique des dislocations [123, 104,135, 132,244, 103], — la mécanique des champs de dislocations [1, 193, 7]. Une brève description des modèles discrets comme la DDD, des modèles de champ de phase et des modèles continus à base de GNDs sera présentée dans la prochaine section. Notons que ce travail de thèse est basé sur la théorie de la mé-canique des champs de dislocations qui constitue une théorie continue de plasticité intégrant les GNDs et où les équations et les conditions aux limites forment un problème aux limites bien posé au niveau des champs mécaniques. 1.5 Description de différentes techniques de Dans le document Développement et applications d’une technique de modélisation micromécanique de type "FFT" couplée à la mécanique des champs de dislocations (Page 64-67)