• Aucun résultat trouvé

5.   Discussion 135

5.1   Perspective clinique 136

5.1.5   Limites de l'étude et perspectives futures 146

Certes, plusieurs limitations inhérentes à notre devis expérimental, en plus des différentes considérations logistiques, ont probablement contribué à certaines divergences observées entre les résultats obtenus dans notre étude clinique et ceux précédemment publiés dans la littérature. Évidemment, il est impossible de passer sous silence la taille d'échantillon des sous-groupes de participants à l'étude (PF: n=13; CP: n=7). Sur une période totale de 34 mois de recrutement, 173 participants potentiels ont été rencontrés à la clinique préparatoire à la chirurgie du CHUS. Parmi ceux-ci, seulement 28 patients ont accepté de participer à l'étude, constituant ainsi un taux de recrutement de 16.2%. Huit de ces participants ont par la suite été exclus de l'analyse puisqu'ils ne satisfaisaient pas les critères d'inclusion. L'âge, les comorbidités médicales chez les patients ciblés, la nature du liquide biologique prélevé (i.e., LCR), ainsi que la nécessité d'un déplacement supplémentaire dans nos laboratoires pour l'évaluation psychophysique, constituent les principales variables expliquant le faible taux de recrutement dans cette étude. La petite taille d'échantillon des sous-groupes de participants affecte certainement la puissance statistique des paramètres étudiés, mais est une conséquence attendue lorsqu'on désire effectuer un prélèvement de LCR dans une population si unique de patients. Par conséquent, les sous-groupes de patients qui en résultent représentent un échantillon restreint de la population générale, limitant ainsi la validité externe ainsi que la représentativité de nos observations. En effet, puisqu'un échantillon peut être représentatif par rapport à une ou plusieurs variables (e.g., âge, proportion souffrant de douleur chronique, statut psychologique, etc.), sa représentativité est toujours relative et seulement partiellement vérifiable. Ainsi, bien que notre échantillon de participants soit potentiellement représentatif (par rapport à certaines variables) de la population d'hommes avec une hyperplasie bénigne de la prostate, celui-ci n'est certainement pas représentatif de la population générale d'hommes souffrant de douleur musculosquelettique. Il est donc très important de considérer cette limite lors de l'interprétation des résultats, ainsi que lors de l'analyse de la portée réelle de ceux-ci sur notre domaine d'étude.

Néanmoins, même en considérant la faible représentativité de notre échantillon de participants, la sélection de patients subissant une résection transurétrale de la prostate

demeure un choix pertinent et optimal (éthiquement et logistiquement) pour l'obtention d'une cohorte de sujets où un accès au LCR est possible dans le parcours normal des soins. Par ailleurs, en restreignant notre recrutement exclusivement à ce type de chirurgie urologique, nous avons consciemment éliminé tout potentiel d'inclure des femmes à notre étude. Ce qui est regrettable puisqu'il a déjà été démontré que la réponse cardiovasculaire à la douleur est différente entre les hommes et les femmes, tout comme l'est le risque de développer de la douleur chronique (Tousignant-Laflamme et al., 2005; Girard-Tremblay et al., 2014). Considérant ces limitations (e.g., petite taille d'échantillon, accès limité au LCR et recrutement d'hommes seulement), il n'est pas surprenant que nous ayons obtenu une certaine hétérogénéité dans les différents profiles de douleur chronique spécifique à chacun des 7 sujets CP (i.e., diagnostics différents, temps depuis le diagnostic, sévérité de la douleur, etc.). Pour ces raisons, il est impossible et inadéquat de généraliser nos conclusions à tous les types de douleur chronique. Toutefois, il est important de mentionner que, pour des raisons éthiques, très peu d'étude portant sur la douleur chronique chez l'humain ont analysé le contenu du LCR. Alors, malgré le faible échantillon dans notre étude, nous avons tout de même obtenu des résultats intéressants et originaux dans une population unique de patients souffrant de douleur chronique musculosquelettique.

5.1.5.2 Prise de médicaments

Puisqu'il est rarement possible de faire un sevrage des médicaments dans les études cliniques, les effets pharmacologiques de ceux-ci sur les variables mesurées constituent souvent une considération majeure, ainsi qu'une limite non négligeable dans l'interprétation des résultats. Bien qu'il soit difficile de quantifier l'impact des classes et des doses de médicaments utilisées chez les participants, il est quand même important de s'en préoccuper afin de mieux comprendre les résultats obtenus et de pouvoir les comparer avec d'autres études. Dans notre étude, considérant la condition médicale et l'âge moyen des sujets (66.2 ans), il était logique de supposer que la prise quotidienne d'analgésiques (ou d'autres composés utilisés dans le traitement des symptômes associés) pourrait avoir un impact majeur sur l'efficacité de la MCD. Afin d'obtenir une mesure ponctuelle de l'utilisation d'analgésiques chez nos sujets, nous avons employé une échelle de quantification de la médication (MQS), un outil régulièrement utilisé en recherche clinique en douleur (Baliki

et al., 2011a; 2011b; 2012; Hashmi et al., 2012a; 2012b; 2013; Liu et al., 2013; Baliki et al., 2014).

La MQS, développé par Harden et al (2005), est une mesure quasi quantitative qui fournit un score ponctuel de l'utilisation de la médication chez des patients sous traitement analgésique. Ce score peut être utilisé comme une évaluation individuelle des changements pharmacologiques à travers le temps chez un patient, ou encore comme mesure comparative entre les groupes de patients en contexte de recherche. La MQS repose sur le principe que, pour chaque individu, un score est attribué à chaque médicament utilisé pour traiter la douleur, en multipliant l'effet nuisible pondéré de sa classe pharmacologique par un score associé à son dosage relatif quotidien. La détermination des effets nuisibles pondérés des classes pharmacologiques (Tableau 9a) est basée sur un consensus des médecins membres de l'American Pain Society, tandis que le score de dosage relatif quotidien d'un médicament (Tableau 9b) relève des recommandations thérapeutiques retrouvées dans la ressource en ligne UpToDate®. Le calcul du score MQS se retrouve en annexe pour chacun des participants PF (Annexe 1) et CP (Annexe 2) dans notre étude.

Étant donné que le score MQS était relativement plus élevé chez les sujets CP (13.9 ± 3.6 vs 7.6 ± 1.8 chez les sujets PF; p=0.13; test Mann-Whitney non paramétrique), la prise de composés avec une activité analgésique pourrait avoir un impact sur l'efficacité de la MCD chez les sujets dans l'étude. Ainsi, il était pertinent de contrôler pour cet effet potentiel de la médication sur les différences entre les groupes dans l'efficacité de la MCD (article 1, Figure 1b). Nous avons donc extrait, ou dissocié, l'effet de la prise de médicaments (score MQS) de la différence d'efficacité de la MCD mesurée entre les groupes lors du paradigme expérimental. L'extraction de l'effet du score MQS a été effectuée par régression linéaire où il était présumé que le score MQS était un facteur prédictif de l'efficacité de la MCD. Les résidus non normalisés calculés lors de la régression linéaire ont subséquemment été utilisés comme variable dépendante dans un test de Mann- Whitney. Les résultats obtenus lors du test de Mann-Whitney indiquent qu'une fois que nous avons contrôlé pour le score MQS, la différence d'efficacité de la MCD entre les groupes (i.e., PF vs CP) est toujours présente (p=0.046), suggérant que la prise de médicaments n'a pas d'impact considérable sur nos mesures psychophysiques.

Tableau 9. Effet nuisible pondéré des différentes classes pharmacologiques et le score de dosage relatif utilisés dans la MQS

(a) Effets nuisibles pondérés des classes pharmacologiques basés sur un consensus des médecins membres de l'American Pain Society. (b) Score de dosage relatif basé sur les recommandations thérapeutiques retrouvées dans la ressource en ligne UpToDate®. Adapté de Harden et al. (2005) et reproduit avec autorisation.

5.1.5.3 A posteriori

À la lumière des résultats de l'étude, il aurait été très pertinent d'évaluer en temps réel la réponse cardiovasculaire provoquée par le stimulus conditionnant lors du paradigme de MCD pour tous les participants. Ces données auraient ainsi pu nous donner des indications concernant le lien entre les concentrations plasmatiques basales en catécholamines et le potentiel réactif du système nerveux sympathique. Cette association devra définitivement être approfondie dans le futur. Pour l'instant, les différents paramètres cardiovasculaires (pression artérielle systolique/diastolique, fréquence cardiaque et pression artérielle moyenne) au niveau de base (i.e., lors de la rencontre en clinique préparatoire et lors de l'admission le matin de la chirurgie) ne diffèrent pas entre les patients PF et CP (données non présentées). En plus de compter sur une évaluation constante de la pression artérielle chez les participants, le devis expérimental idéal aurait également comporté des prélèvements de liquides biologiques (sang et LCR) au niveau de base et immédiatement après l'application du stimulus conditionnant. Ces données nous auraient par conséquent permis de renforcer (ou affaiblir) nos conclusions, ainsi que celles avancées par certaines études précédemment publiées.