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• Hétérogénéité et plasticité du métabolisme mitochondrial dans le

cancer :

Il existe une forte hétérogénéité génétique dans les cancers. En effet, l’altération de certains oncogènes, suppresseurs de tumeurs ou encore les mutations d’enzymes mitochondriales influencent et caractérisent le métabolisme des cancers.

Par exemple, le suppresseur de tumeur p53 permet l’augmentation du métabolisme mitochondrial et est retrouvé muté dans près de la moitié des cancers solides. De même, la mutation d’enzymes mitochondriales peut être une caractéristique de certains cancers. La mutation de l’IDH2 est fréquemment associée aux gliomes et aux leucémies, celle de la SDH est rattachée au paragangliome et au pheochromocytome héréditaire (HPGL/PCC) ; La mutation de la FH est associée aux léiomyomes héréditaires et aux carcinomes rénaux. Ces enzymes mutées permettent un remodelage du métabolisme mitochondrial caractérisé par un cycle de krebs tronqué mais viable.

Les mutations oncogéniques vont également influer sur le métabolisme comme notamment l’oncogène BRAFV600E, mutée dans 50% des mélanomes ou encore BCR/Abl dans la LMC qui permettent le shift du métabolisme mitochondrial vers la glycolyse. L’équipe de Yuneva a montré que l’activation d’un même oncogène peut induire des modifications métaboliques différentes selon le type de cancer.

Cette équipe a mis au point des modèles murins de tumeurs inductibles par l’oncogène Myc dans des cellules de foie et dans des cellules de poumon. Bien que ces 2 types de cellules portent le même oncogène, les effets sur le métabolisme sont différents. En effet,

ont démontré que dans les cellules de poumon, Myc permet une augmentation de la biogenèse mitochondriale et une augmentation du métabolisme de la glutamine contrairement aux cellules du foie. Ceci reflète l’hétérogénéité du métabolisme énergétique non seulement en fonction des oncogènes mais également du contexte cellulaire (Yuneva MO et al., 2012).

Un autre exemple, les modifications métaboliques induites par la protéine MONDOA. MONDOA est un facteur de transcription qui appartient à la famille MONDO. Son activité transcriptionnelle dépend de la formation d’un hétérodimère avec MLX, un membre de la famille MYC/MAX/MAD. MONDOA est localisée sur la membrane externe de la mitochondrie et va « senser » l’état énergétique cellulaire. Lors d’un excès de glucose et notamment de Glucose-6-Phosphate, la protéine MONDOA va s’accumuler dans le noyau et va permettre la transcription de TXNIP (Thioredoxin-Interacting Protein) qui régule négativement la captation de glucose (dégradation de HIF-1α et diminution d’expression des transporteurs de glucose) (Wilde BR et al., 2015). Il a été démontré que MONDOA peut interagir en collaboration avec c-myc mais également en opposition avec c-myc en fonction des cancers. Dans le mélanome, il a été démontré que MONDOA inhibe c-myc pour induire l’expression de TXNIP en réponse au vémurafénib permettant ainsi l’inhibition de la glycolyse (Parmenter TJ et al., 2014). Au contraire, dans le neuroblastome, c-myc et MONDOA coopèrent pour permettre d’augmenter le métabolisme de la glutamine (Wilde BR et al., 2015).

L’environnement tumoral est également important et influe sur le métabolisme des cellules cancéreuses. En effet, en fonction de la teneur en oxygène, des nutriments disponibles, les cellules vont adapter leur métabolisme. C’est ainsi, que pour pallier au manque de glucose, les cellules cancéreuses vont pouvoir utiliser les acides gras ou la glutamine au travers la mitochondrie. Dans le glioblastome, le manque de glutamine va conduire la cellule à utiliser la carboxylation du pyruvate pour faire fonctionner ses mitochondries (Cheng T et al., 2011). De plus, les cellules tumorales peuvent coopérer avec les cellules environnantes comme les fibroblastes pour obtenir du lactate qui sera assimilé puis métabolisé par la mitochondrie des cellules cancéreuses (Nakajima EC et al., 2013). Dans un autre modèle, les astrocytes peuvent fournir de la glutamine aux glioblastomes incapables d’en synthétiser afin de permettre leur survie (Tardito S et al., 2015). En plus de coopérer avec les cellules stromales, les cellules cancéreuses peuvent

également coopérer entre elles, ce qui est notamment le cas dans des conditions où la distribution d’oxygène au sein de la tumeur est très hétérogène. Les cellules hypoxiques sont très glycolytiques et peuvent fournir du lactate qui sera métabolisé par les cellules normoxiques ayant un phénotype OxPHOS (Nakajima EC et al., 2013).

Une caractéristique importante qui va conditionner l’hétérogénéité tumorale est surtout le devenir de cette cellule. En effet, une cellule qui a pour but de coloniser et d’induire des métastases ne va pas avoir le même métabolisme qu’une cellule résidant au sein de la tumeur primaire. Il a démontré que la biogenèse mitochondriale induite par le facteur PGC1-α est importante pour l’invasion et la colonisation des cellules cancéreuses de sein (LeBleu VS et al., 2014). En effet, contrairement aux cellules primaires, les cellules circulantes du sein expriment fortement PGC1-α et l’inhibition de ce facteur abolie les capacités invasives et migratoires de ces cellules. Dans d’autres modèles comme le cancer du poumon (Jiang L et al., 2016), du foie (Park JH et al., 2016) ou le mélanome métastatique (Rodrigues MF et al., 2016) ont été démontrés que le métabolisme mitochondrial contribue activement (au travers la glutamine et les acides gras) à l’invasion et la métastase.

Cette hétérogénéité et cette flexibilité rendent le ciblage de la mitochondrie complexe. En effet, des adaptations sont notamment observées lors de traitements ciblant la mitochondrie, ce qui représente un véritable frein.

• Absence de spécificité et toxicité des agents ciblant la mitochondrie :

Un problème récurrent dans les traitements des cancers est la toxicité des agents employés. En effet, la grande majorité des thérapies citées précédemment se révèle toxique en clinique. Cette toxicité est due notamment à l’absence de spécificité de ces composés. Par exemple, la thrombocytopénie induite par les BH3-mimétiques anti - Bcl-2 (navitoclax et venetoclax) est due à l’interaction du composé avec la protéine Bcl-XL. L’utilisation du composé CB-839 dans le cadre de l’inhibition de la glutaminase, lui montre des effets hépatiques néfastes. Les essais cliniques utilisant de la metformine ont mis en évidence l’apparition d’acidose lactique chez les patients. De même, le DCA utilisé pour inhiber la PDK dans les cancers solides montrent des effets neurotoxiques. En plus

l’ABT-737 qui démontre de bons effets dans des études précliniques mais qui ne peut pas être distribué oralement. D’autres agents comme le DCA ont une demi-vie relativement courte ce qui pousse a utiliser des doses plus fortes et à allonger le temps de traitement.