Partie III : La diversité génétique du Myrtil décroit avec l’isolement des habitats et
3- Limites de l’étude
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La non-indépendance des mesures de distance est un problème qui ne doit pas être sous-estimé. A
ce titre, il semble que l’adaptation des modèles linéaires mixtes à ce type de données soit une
réelle opportunité pour les futures études de génétique du paysage.
3- Limites de l’étude
a- Conception des plans d’échantillonnage
Choisir des paysages d’étude a priori en fonction de la composition et de la configuration des milieux
est un pari osé. Il faut reconnaître que remplir un tel objectif est un challenge et que cela nécessite
un travail considérable en amont de la phase de récolte des données sur le terrain (Pasher et al.
2013). Avec le recul, cet objectif était surement trop ambitieux au vu des informations géographiques
disponibles. Pour choisir des unités paysagères sur des critères de quantité et connectivité des
prairies, il aurait fallu disposer d’une carte précise de cet usage en amont de la phase de sélection
des fenêtres paysagères.
Alors que d’autres pays européens disposent d’une cartographie fine des habitats (Suisse,
Espagne), au niveau français elle est toujours en développement (projet CARHAB initié en 2010 par le
Ministère en charge de l’environnement, Olivier et al. 2011). L’absence d’une cartographie précise
des milieux est un problème récurrent pour les recherches en écologie du paysage en France (Olivier
et al. 2011). Une des premières étapes des projets scientifiques consiste très souvent à cartographier
les territoires d’étude, ce qui nécessite un investissement important et des compétences en
Systèmes d’Informations Géographiques (retours d’expérience des projets du programme DIVA 3,
séminaire intermédiaire). Au vu des surfaces considérées pour sélectionner les paysages d’étude
(plusieurs départements), la solution pour cartographier les prairies aurait consisté en une analyse
pluriannuelle d’images aériennes par télédétection. Si des méthodes existent, elles sont encore en
développement et ne sont pas applicables en routine. Etant donné qu’aucun des participants du
projet Levana ne disposait de telles compétences, une possibilité aurait été de s’associer en amont
du projet avec un laboratoire de télédétection spécialisé dans l’analyse d’image.
A l’intérieur de chacune des fenêtres choisies, l’échantillonnage génétique était
individu-centré, or si la multiplication du nombre de génotypes dans l'espace qui en résulte permet une
meilleure couverture spatiale, chaque localisation n'est que partiellement échantillonnée. Cette
perte d'information au niveau local, couplée à la démultiplication du nombre de mesures appariées,
est susceptible d'entraîner une augmentation du « bruit de fond » par rapport au signal génétique
que l'on cherche à détecter (Prunier et al. 2013). Pour diminuer ce bruit de fond, plusieurs individus
ont été récoltés par localisation comme recommandé par Prunier et al. (2013). Pour aller plus loin et
de manière à tester le coût relatif de différents milieux à la dispersion du Myrtil, il aurait été judicieux
de réaliser un échantillonnage ciblé : en récoltant par exemple des échantillons de part et d’autre de
grands ensembles homogènes identifiés au préalable (Figure 35). Par ailleurs, des outils de simulation
peuvent être mis à profit pour optimiser le plan d’échantillonnage. C’est le cas de la fonction
« opt.landgen » du package PopGenReport (Gruber et Adamack 2015) qui, en fonction de scenarii de
résistance des structures paysagères, détermine les localisations optimales des échantillons à
récolter pour détecter les effets du paysage sur les flux de gènes en maximisant l’étendue du
gradient échantillonné. Cependant, cela aurait nécessité de disposer de cartographies précises des
zones d’étude et de plus de temps avant les collectes d’échantillons, ce qui n’était pas le cas.
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Figure 35 : Exemple d’un échantillonnage
génétique orienté. Chaque point noir représente
un point d’échantillonnage. Chaque paire de
points est positionnée de part et d’autre d’un
ensemble paysager homogène de manière à
évaluer la résistance du milieu à la dispersion. La
couleur des traits symbolise les milieux séparant
les points.
Enfin, pour tester de manière plus approfondie la corrélation entre diversité génétique et
diversité spécifique (Partie III), il aurait aussi été opportun que les deux plans d’échantillonnage
(génétique et communauté) partagent un plus grand nombre de localisations. Pour cela, les
modalités de chaque plan d’échantillonnage auraient dû être décidées avant le début de la première
campagne de terrain, c’est à dire dès ma première année de thèse, ce qui n’était pas réalisable en
pratique.
b- Le Myrtil comme espèce modèle
La fréquence des microsatellites dans le génome de certains groupes d’insectes est faible (Nève et
Meglécz 2000) et développer des marqueurs microsatellites est compliqué, en particulier chez les
papillons (Sinama et al. 2011; Zhang 2004). Le fort taux de mutation de leur génome peut affecter les
régions flanquantes et créer des allèles nuls
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(Chapuis et Estoup 2007) qui sont indésirables car ils
faussent le calcul des indices génétiques. Ce problème m’a fortement limité dans les analyses car,
parmi les 15 marqueurs développés, seuls 6 ont été utilisés. Or la précision des données et la
puissance statistique augmentent avec le nombre d’échantillons, le polymorphisme, mais aussi le
nombre de marqueurs (Landguth et al. 2012). Une solution aurait été de travailler sur une espèce
dont les marqueurs étaient déjà disponibles et éprouvés, malheureusement, aucun des papillons
disposant de marqueurs microsatellites déjà développés ne correspondait à nos besoins (cf. choix de
l’espèce p. 35). D’autres marqueurs génétiques neutres comme les marqueurs de polymorphisme
mononucléotidique (Single Nucleotide Polymorphism) ou de polymorphisme de longueur des
fragments d'amplification (Amplified Fragment Length Polymorphism) sont peut-être plus adaptés à
l’étude des papillons (Collier et al. 2010; Crawford et al. 2011).
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