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Les lignes qui précèdent nous disent brièvement combien est

délicat l'allaitement artificiel bien entendu : aussi, comme

déjà les statistiques nous le montrent

augmentant les chances

de maladie ou de mort, il faut au moins qu'il soit pratiqué au milieu de la famille avec des soins minutieux et par des

person-sonnes expérimentées. Aussi faut-il éviter encore

de l'appliquer

dans un même local à ungrand nombre d'enfants, et les statis¬

tiques des crèches nous donnent un pourcentage

d'une doulou¬

reuse éloquence.

Vers le septième mois, on pourra ajouter au

lait stérilisé des

jaunes d'œufs, de la farine de froment

séchée

au

four,

d'arrow-root, de poudre de riz, d'avoine, dont on fera

toujours

des pota¬

ges d'abord clairs et toujours bien cuits.

Plus

tard, on pourra, danscette préparation,remplacer lelait pardu bouillon

de bœuf

léger pour préparer l'enfant au sevrage

(1).

Telles doivent être les grandes lignes deconduite dans l'allai¬

tementartificiel. Il nous reste à dire quelques mots du sevrage, dessoins hygiéniques etdes vêtements.

(1) Rapportdela Commission d'hygiène, toc. cit.

VI

Sevrage. Soins hygiéniques et vêtements.

Nous croyonsutile, au sujetdu sevrageet des soinsàapporter

aux nouveau-nés, de mettre sous les yeux des lecteurs le texte

entier des conseils adressés aux mères et aux nourrices par le rapporteur de la commission d'hygiène, et de les faire suivre

des réflexions qu'ils nous aurontpusuggérer.

« Sevrage. Le sevrage pourra être effectué à partir du

neuvième mois, et mêmeplus tôt si lescirconstances forcent d'y recourir; par exemple, lorsque le lait de la mèreoude la nour¬

rice devient insuffisant. Mais quand les conditions de l'allaite¬

mentau seinrestentsatisfaisantes, il est préférable de ne sevrer

l'enfant qu'après le dixième mois, ou même après la première

année.

» Tout aliment solide devant être exclu, il n'est pas indispen¬

sable, pour la pratique du sevrage, que la

dentition soit plus

ou moins avancée.Mais il nefaut sevrer, nià l'époque des grandes chaleurs, ni pendant une éruption dentaire active,

ni pendant

uneindispositionde l'enfant. C'est dans l'intervalle de

calme qui

sépare les poussées dentaires que le sevrage peut être com¬

mencé.

» On ne doit etfectuer le sevrage que par degré,

c'est-à-dire

qu'après avoir habitué progressivement l'enfant à

des aliments

supplémentaires, tels que les potages légers avec

le lait.

» Le sevrage une fois accompli, on rendra peu à peu

la

nour¬

riture de l'enfant substantielle, en y ajoutant du

pain trempé

dans lejus de viande, des purées de légumes

farineux

:

mais il

ne faut pas permettre l'usage de la viande avant

l'éruption des

premières grosses dents. De même, on interdira, dans l'alimen¬

tation de l'enfant, les gâteaux, les sucreries de toute espèce, le

vin pur et les liqueurs.

» Le sevrage graduel n'exige, pour la mère ou la nourrice,

que certaines ^précautions et une légère médication au moment

elles cessent complètement d'allaiter : quelques purgatifs,

des tisanes diurétiques ou acidulées.

» Soinshygiéniquesetvêtements.Dèsles premiersmoments qui suivent la naissance de l'enfant, la sage-femme doit luilaver

tout spécialement les yeux avec de l'eau que l'on a fait bouillir

pour la purifier et que l'on emploiera tiède.

» L'enfant sera élevé dans une chambre autant que possible

bien aérée et suffisamment chauffée en hiver.

» L'enfant, même né.à terme et bien portant, ne doit pasêtre

sorti avant le quinzième jour, à moins que la température exté¬

rieure ne soit très douce et très sèche. Ne pas oublier que sou¬

vent c'est par la respiration d'un air froid ou trop vif que l'en¬

fant contracte une bronchite.

» Chaque matin, la toilette de l'enfant doit être faite avant la

mise au sein ou le repas.

» Cette toilette se compose : d'un bain de quelques minutes

ou du lavage du corps, surtoutdes organesgénitaux et du siège, qui doivent toujours être tenus très propres; 2° du nettoyage de

la tête, sur laquelle il ne fautjamais laisser accumuler la crasse

ou les croûtes; 3° du changement du linge; la bande enroulée

autour du ventre pour maintenir l'ombilic (nombril) doit être

conservéependant le premier mois.

» Il faut rejeter absolument le maillot complet, c'est-à-dire

celuiqui enveloppe et serre ensemble, à l'aide de bande, etc...,

les quatre membres et le corps, car plus l'enfant a de liberté

dans ses mouvements, plus il devient robuste et bien conformé.

Rejeter aussi tout bandage qui comprime la tête.

» L'enfant doit être vêtu plus ou moins chaudement, selon le

pays qu'il habite et selon les saisons. Mais il faut toujours le préserver avec soin du froid comme de l'excès de chaleur, soit

au dehors, soit dans l'intérieur des habitations, dans lesquelles

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-cependant l'air doit être suffisamment renouvelé, comme nous l'avons dit plus haut.

» Il ne faut pas se hâter de faire marcher l'enfant; on doit le

laisser avec ses propres forces se traîner à terre et se relever; il faut donc rejeter l'usage des chariots et paniers.

» On ne doitjamais laisser sans soins chez l'enfant les moin¬

dres indispositions (toux, coliques, diarrhée, vomissements fré¬

quents); il faut appeler le médecin dès le début.

» Il est indispensable de faire vacciner l'enfant dans les trois premiers mois qui suivent sa naissance, ou même plus tôt s'il règne une épidémie de petite vérole; le vaccinest le seul préser¬

vatif certain de cette maladie ».

Le professeur Budin :

« Parce que leurs mères,à la sortie de l'Hôpital ou lorsque la sage-femme du Bureau de bienfaisance a cessé de les soigner,

ne sont guidées par personne, elles ne reçoivent plus aucun conseil compétent. Ceux qui leur sont donnés viennent de la voisine, de la concierge, de je ne sais qui encore. Elles mettent leurs enfants au sein à chaque instant, les suralimentent, des

troubles digestifs surviennent, qui s'aggravent, et l'enfant non soigné succombe » (1).

Ce sera donc l'œuvre du corps médical de faire pénétrer par¬

tout la lumière de l'hygiène. Il faut multiplier « les gouttes de

lait ».

Aussi simples que paraissent être ces sages conseils, ils sont

totalementignorésdes mèreset des nourricesauxquelles ils sont destinés. Leur rédaction est parfaite en ce sens qu'ils sont mis

à la portée des instructions élémentaires : il nous semble donc

que les pouvoirs publics devraient apporter tous leurs soins à

lesrépandre dans la masse, au même titre qu'ils s'intéressent à répandre partout les « Droits de l'homme » en les faisant affi¬

cher dans les écoles et les lieux publics : ce serait afficher dans

un but aussi noble les « Droits de l'enfant à la vie ».

Car, en réalité, beaucoup d'enfants meurentdans la première

\1)ProfesseurBudin,Rev. scient.,1895, loc.cil,

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année de leur vie : et cela pourquoi le demander? A la consul¬

tation de nourrissons de M. Jonnart, l'éniinent gouverneur de l'Algérie disait que pour cela trois choses suffisaient : une ba¬

lance, un appareil à stériliser le lait et le dévouement d'un médecin..., et l'on n'a, ajoute-t-il, jamais fait un vain appel au dévouement du corps médical.

VII

Observations.

Observation I Budtn.

Femme C. primipare, accouchée chez unesage-femme agréée, le

3 avril 1900. Comme l'enfant était débileet ne pouvait téter, la sage-femme conseilla à la mère de le confier à une nourrice ausein. On

en fit venir une du bureau. Elle emporta l'enfant. Une fois chez elle,

la mère inquiète écrivit au maire du pays pour savoir si la nourrice qu'elle avait choisie donnait bien le sein. Il lui fut répondu que cette

femme était accouchée depuis un an et qu'elle n'avait étéautorisée

àprendre qu'un enfantaubiberon. La mèrepartit immédiatement et

elle trouva son enfant pâle, faible, ayantdes gardes-robes verdâtres.

Elle le prit, revint avec lui à Paris et nousl'amena àla consultation

le 7 mai, c'est-à-dire 34 jours après la naissance. Cet enfant, à cinq

semaines, ne pesait encore que2,530grammes. Nousle prîmes dans

le service avecla mère. Les seins de cette dernière étaientvolumi¬

neux, souples et mous.A la pression, on ne pouvait rien en tirer.

On fit allaiter l'enfant par une nourrice : il se rétablitpeu àpeu

etsacourbe devinttrèsbelle. Asasortie,le 13 mai,il pesait 2,480gram¬

mes. En même temps, nous essayâmes de fairerevenir le lait dans

les seins de la mère; pour cela,on la fit téter par un gros enfant. Le

7 et le 8 mai, je ne pus rien faire sortir. M's sur le plateau de la

balanceavant et après la tétée, il n'avait pas augmenté de poids. Le

9 etle 10 mai, il prit 3 grammes, le 11 mai, 33; le 12, 70; la mère

donnaau gros enfant et au sien propre, elle fournit 143 grammes;

le 14, elle donna 183 grammes; le 13, 273; le 16, 360; le 17,

460; le

18, 593. Elle partit alors, nourrissant seule son enfant,

elle

nous

le

ramenaplusieursfoisàlaconsultation,etle 15 juin,

ilpesait3.110gram-mes. Elle a continué de l'élever seule au sein.

Observation II Budin

Jeune femme D... accouche chez elle le 31 octobre 1900. C'est son

premier enfant né avant terme, débileet ne pesant que2,010 gram¬

mes. On donne le conseil de le porter dans un établissement il y

avait descouveuses.Il y restajusqu'au I I novembre. Acetteépoque,

il pesait 2,060grammes. On le remit à sa mère qui, n'ayantplus de

lait, lui fit boireau verredulaitcoupéd'eaubouillie. Ileutdes vomis¬

sements etde la diarrhée.

Un médecin appelé conseillede mettre l'enfant dans une couveuse et de lui donnerunenourrice ausein. La pauvrefemmen'avaitaucun argent. Un autre médecin mandé près d'elle l'envoya àla clinique

Tarnier. Comme elle étaitdécidéeà tout pour sauver sonenfant, nous la fîmesentrer àl'hôpital,lebébé ne pesaitplusque1,870grammes.Il

veutdu lait de nourrice, sa diarrhée guérit : il se mit à augmenter rapidement. Un gros enfantfut misausein de la mère. Pendantqua¬

trejours, lesmamelles ne donnaient presquerien, mais le cinquième

elles fournirent :

jour 65grammes.

6e » 70

7e » 100

Le seizièmejour,son propreenfant la tétaiten mêmetemps qu'un

autre. Lejour où elle quitta l'hôpital, elle fournissait 700 grammes de lait. Son enfanten absorbait 605 et par reconnaissance elle don¬

nait le reste à nos autres nourrissons.

Observation III (résumée).

Dr A. Saint-Pau

Louis X..., 4 mois, grand etfort pour son âge. Diarrhée striée,

verdâtre. Auscultation poumon gauche, lobe inférieur : râles mu-queux. Peausèche, chairs molles et flasques.

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Mère bonne santé, mais ne peut nourrir, enfant élevé au biberon.

Père sain, musclé.

5 janvier 1884 : T. R., 34,4.

P. 120.

J'ordonne de tenir l'enfant chaud.Toutes les deux heures,lait sté¬

rilisé. J'ordonne en outre de faire opérer surle sein de lamère des

succions par l'enfant d'unevoisine qui se trouve être très supérieur.

7janvier : Lamèrea donné 95 grammesde lait.

9janvier : La mère a donné 150 grammes delait.

11 janvier : Commence à donner le sein à son enfant, donne 215 grammes.

13janvier : Donne 320. Amélioration appréciable de l'état de l'en¬

fant. Selles moins fétides.

17janvier : Donne 725 grammes. Enfant totalement guéri.

L'enfant traité par nous, par la suite, jouit d'une excellente santé.

Observation IV (personnelle).

Famille X..., cinq enfants, l'un 2ans, l'autre 4, les autres, 7, 11,

15 ans.

Père bien portant, pas de syphilis avouée ni probable. Mèresaine.

Lescinq enfants portent tous les mêmesstigmates de rachitisme,

grossesarticulations. Déformation en cimeterre des tibias. Chapelet rachitique chez les deux plusjeunes, grosventre.

Ont tous, dès l'âge de cinq mois, commencéà mangerde la soupe

et à boire du vin et du café.

Le 19 mai1897, naissance d'un sixième enfant,dontlemédecinsur¬

veilla la nutrition. Rien autre chose que du lait dela mère jusquà

18mois. L'enfant a 4 ans, et,seul de sa famille, n'apasde stigmates

rachitiques.

CONCLUSIONS

Le lait doit constituer en principe la nourriture de l'enfant pendant les seize premiers mois.

L'enfant ayant commencéà prendre le sein, doit le prendre

toutes les deux heures environ.

On ne doit pas le réveiller la nuit pour le faire téter sauf

dans les cas de faiblesse extrême.

Ce n'est que sur les conseils du médecin que la mère ou la

nourrice devra cesser progressivement l'allaitement naturel en

cas de grossesse.

Le coupage du lait de chèvre ou devache dansl'allaitement

artificiel doit être opéré avec de l'eau bouillante et doit se faire

de la façon suivante :

a) Pendant les huitpremiers jours, coupage à 50 p. 100. Trois

cuillerées à bouchetoutes les deux heures.

(5) Les jours suivantsjuscju'à la fin du premier mois, deux tiers lait, un tiers eau. Quatre cuillerées à bouche toutes les deux heures.

y) Au commencement du deuxième mois, le coupage du lait

pourra être réduit au quart, on pourra donner un demi-verre

environ toutes les deux heures.

S) Autroisième mois et les deux moissuivants,cette dose sera d'un verre toutes les trois heures,

e) A partir du troisième mois, le lait sera donné pur.

Vu BON A IMPRIMER I

Le Président de la thèse Dr PICOT.

Vu :LeDoyen, B. de NABIA.S.

Vu ET PERMIS D'IMPRIMERI

Bordeaux, le 21 novembre 1901.

Le Recteur:

Gaston BIZOS.

2o,182. Bordeaux, Y. Cadoret, impr., ruePoquelin-Molière, 17.

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