FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DEBORDEAUX
A.NNÉE 1901-1902 23
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DE
s»-©-
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
présentée et soutenue publiquement
le 29 Novembre 1901
PAR
Pierre-René-Adolphe SAINT-PAU
Né à La Rochelle (Charente-Inférieure), le 18 janvier 1873.
( MM. PICOT, professeur.... Président.
, . . , .
\
LAYET, professeur.... i Examinateurs de la Dièsej
rondot,agrégé Juges.
[
PR1NCETEAU, agrégé 'Le Candidat répondra aux questions quilui seront faites sur les diverses
parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17, Hun Poquelin-Molière, 17
(ancienne ruemontméjan) 1901
FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORiîEAlJXM. dk NABIAS Doyen. | M. PITRES.... Doyenhonoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ )
DUPUY [ Professeurs honoraires.
MOUSSOUS MM.
l PICOT Clinique interne j
Cliniqueexterne
j paNeSjNGIJE.
Pathologieetthérapeu¬
tique générales VERGEE Y.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire... MASSE.
Clinique d'accouchements LEFOUR.
Anatomiepathologique CO YNE.
Anatomie CANNIEU.
Anatomie générale et
histologie VIA U ET.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
MM.
Médecinelégale MORACHÇ.
Physique médicale BERGONIÉ.
Chimie BLAREZ.
Histoirenaturelle GUILLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matière médicale deNABIAS.
Médecineexpérimentale. FERRE.
Cliniqueophtalmologique BADAE.
Clinique des maladies chirurgicales
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
Clinique gynécologique.
Clinique médicale des
maladies des enfants. A.MOUSSOUS Chimiebiologique DENIGES.
. SIGALAS.
Physique pharmaceutique
AGRÉGÉS EN EXERCICE :
section de iwedecine (Pathologie interneetMédecine légale).
MM. SABRAZES.
LE DANTEC.
HOBBS.
MM. MONGOUR.
CABANNES.
MM.CHAVANNAZ.
Pathologieexterne<( BRAQUEHA YE BÉGOUIN.
section ie chirurgie et accouchements
MM.FIEU.X.
Accouchements
ANDERODIAS.
section des sciences anatomiques et physiologiques
Anatomie
j
(MM*
CAVAL1E. Physiologie MM. PACHON.Histoirenaturelle BEILLE.
Chimie
section des sciences physiques
M. BENECH. | Pharmacie M. DUPOU Y, COURS COMPLEMENTAIRES
Cliniquedes maladiescutanéesetsyphilitiques Clinique des maladies des voies urinaires Maladies dularynx, des oreilles etdu nez Maladies mentales
Pathologie externe Pathologie interne Accouchements Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologieetminéralogie Pathologie exotique
MM. DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS. ,
DENUCE.
RONDOT.
FIEUX.
PACHON.
PRINCETEAU.
LAGRANGE.
CAIILES.
LE DANTEC.
Le Secrétaire de la L'acuité : LEMAIRE.
Tardélibération du5 août 1879, la Facultéaarrêté queles opinions émisesdansles Thèses qui
sont présentéesdoivent être considéréescomme propres à leursauteurs,et qu'elle n'entend leur
donner ni approbation ni improbation.
A MA MERE
Faible témoignage de mon affection.
A MES SOEURS
A MES REAUX-FRERES
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*
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur PICOT
Professeurdeclinique médicale à la Faculté de médecine de Bordeaux, Membrecorrespondant del'Académiede Médecine,
Officier de l'Instruction publique, Chevalierde laLégion d'honneur.
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DE
LTOlÈffi M L\ MM® ffi®
Nous devons l'idée de ce travail inaugural à notre père, le
DrSaint-Pau. Cequi fut pour lui un désir pendant sa
vie,
nousest devenu un pieux devoir après sa mort.
Nousn'avons point la prétention d'apporter à
l'étude de 1 hy¬
giène de la première enfance des lumières bien
vives
; nousavons simplement voulu faire une revue générale
de la
ques¬tion à laquelle nous avons ajouté les documents et les
réflexions
qui sont le fruit de l'expérience médicale de notre père,
les
quelques observations dues à l'obligeance de quelques-uns
de
nos amis, et les conseils de maîtres autorisés, recueillis par
nous durant notre pratique hospitalière.
Nos remercimentsiront tout d'abordà M. le professeur
Picot,
qui, dès le début de nos études, nous témoigna une
paternelle
sympathie etdont la bonté pour nous ne s'est
jamais démentie
;à M. le professeur Boursier,dans le service duquel s
écoula
unedes parties les plus fructueuses de notre stage
hospitalier
;à
M. le professeur Moussous, qui fut notre maître à
1 hôpital des
Enfants et dontnous ne pouvonsoublier les
conseils éclairés qui
nous ont bien souvent guidé dans la rédaction
de
cesquelques
— 14 -
pages; à
M. le professeur Layet qui
occupe avectant de dis¬
tinctionla chaired'hygiène et dont nous ne pouvons
oublier
les magistrales leçons; enfin, àM. le professeuragrégé Princeteau,
auquelnous sommesheureux d'apporter ici l'hommage de notre
respectueuse
sympathie.
Nous adressons aussi à tous nos maîtres de la Faculté et des Hôpitaux l'expression
de
notrereconnaissance
pourleurs pré¬
cieuses leçons etpour les exemples de haute conscience médi¬
cale etde dévoûmentdont ils nous ont si souventrendu témoin.
C'est aussi vers nos camarades et vers nos amis qu'en ces
dernières heures de la vie d'étudiant vont nos souvenirs les plus chers et nos regrets
les plus vifs. L'évocation de
nosannées
d'études nous sera, grâce àeux, encore le plussùr réconfort aux heures âpres de la pratique, souvent
si dure, de
notreprofes¬
sion.
I
Considérations générales
Depuis longtemps déjà, le ralentissement progressif de la
natalité inquiète à juste titre l'opinionpublique, etle législateur
a pensé que le meilleur moyen de remédier à ses pires consé¬
quences était de diminuer la mortalité et d'affermir la santé de
nos enfants. La loi Roussel assurément est là pour faire veiller
les pouvoirs publics sur les soins donnés aux nourrissons par l'allaitementmercenaire.Par la créationde Comitésdépartemen¬
taux, locaux, d'inspecteurs et de sous-inspecteurs, on
pourrait
croire qu'elle suffît à sauvegarder l'existence des petits êtres
confiés auxnourrices.
Mais combien d'articles de la loi et non des moins importants
sont négligés par les maires! Le certificat qu'ils donnent pour le placement des nourrissons est cependant un peu important.
Il est une garantie pour les nourrices. On ne doit pas
faire
voyagerun enfant sans que le certificat ait assuré que l'enfant
est suffisamment développé pour supporter le voyage et
qu'il
n'est atteint d'aucune maladie contagieuse. C'est une garantie
pourles parents, puisqu'il affirme la moralité et l'aisance
de la
nourrice. Et cependant, maires, parents et nourrices,
s'enten¬
dentsouvent pour s'affranchir de cette formalité (1).
Aussi, la plupart des médecins-inspecteurs départementaux
se plaignent-ils de l'incurie et quelquefois du mauvais
vouloir
évident des municipalités. Combien de fois avons-nous éténous-
(1)F.Porak,Rapport annueldela commission permanente de l'hygiène del'en¬
fance,1899.
même le témoin d'irrégularités dans le fonctionnement de la
loi : et notre pratique, cependantencorebiencourte, nous a per¬
misd'apprécier à sajuste valeur le saisissant tableau des dan¬
gers physiques et moraux de l'allaitement mercenaire, magis¬
tralement tracé par M. Brieux dans les Remplaçantes. C'est là
une page de la vie campagnarde : et c'est là une plaie qui doit
solliciter vivement notre attention.
M. le Dr Barutier, de Juvigny (Aube), dans son « Enfance au
village » et dans son « Rapport sur le service de la protection
de l'enfance » (résultat général de l'application de la loi Rous¬
sel), fait un lamentable tableau des erreurs, des préjugés qui président à l'hygiène et à l'alimentation déraisonnable du nour¬
risson; il en arrive cependant à une conclusion consolante, c'est
que l'on pourrait sauver des enfants, et de nombreux enfants,
pardes précautions bien faciles à suivre : à l'appui de ses dires,
11 apporte une statistique qui fournitune mortalité de 20, 21,
22 p. 100. Sur les enfants soignés dans leur famille, de 7 à
12 p. 100; sur les enfants surveillés par le service de Protection
de l'enfance, de 4 à 4 1/2 p. 100; de 6 p. 100 pour les Enfants-
Assistés.
Il entrouve une autre preuve dans les résultats de la loi
Roussel à Juvigny, où la mortalité infantile est tombée de
16 p. 100 en 1882, à 10 p. 100 en 1887.
Donc, si le mal est grand et si le danger est pressant, nous
en connaissons le remède : c'est par une hygiène bien entendue
et cependant bien simple, surveillée par une
Administration
vigilante, que nous pourrons enrayer la mortalité infantile dontles proportions sont, depuis quelques années, devenues effrayantes.
Nousallons, passantsuccessivementen revue les diversmodes
de nutrition de l'enfant, dire quelles nous paraissent être les
mesures à prendre, et nous discuterons, chemin faisant,non
seulement les erreurs grossières commises par les familles ignorantes, mais encore certaines théories médicales dont les applications nous paraissent nuisibles à
la
santé de l'enfant.Nous avons dit les divers modes de nutrition, c'est en effet
autour de l'allaitement que se trouve l'intérêt d'une
question
d'hygiène infantile. L'enfant est pourainsi dire tout intestin, la
moindre infection, le moindre défaut d'assimilation a d'emblée
une répercussion sur l'état même
du petit être et l'on conçoit
aisément combien graves peuvent être les conséquences
d'une
alimentation déraisonnable dans un organisme que l'ingestion
de quelques grammes
d'aliments
nonappropriés perturbe
au point de mettre sa vie endanger.
Nous passeronsdonc enrevue les
divers modes d'allaitement
:1° L'allaitement maternel ; 2°L'allaitement mercenaire:
3° L'allaitement mixte;
4° L'allaitementartificiel.
Et nous terminerons par quelques
considérations
surle
sevrage, et sur les soins de propreté et
les vêtements, ayant
toujours en vue, dansnos
affirmations
et noscritiques, l'allaite¬
ment et l'hygiène courante dans
les
campagnesqui
noussont
familières, les campagnesdu Gers, des
environs de Condom.
II
Mères et nourrices. — Eu choix d'une nourrice.
« L'allaitementest le mode d'alimentation propre au nouveau- né » a dit Jacquemier. Jusqu'à une époque relativement rap¬
prochée, l'allaitementétait la source, de la part de nombreuses
mères et nourrices, d'erreurs profondes, de fautes graves et
souvent irréparables, dont les conséquences ont attiré l'attention
active des hygiénistes et même des moralistes modernes.
Nous ne saurions, en effet, nous désintéresser de la question morale, dont l'importance est si haute en l'espèce que l'appari¬
tion d'une œuvre littéraire 1a. mettant en vue a déterminé des
polémiques passionnées.
L'allaitement par la mère nous parait, en effet, de beaucoup préférable aux autres et cela non point tant au point de vue de
la bonne nutrition de l'enfant que des excellentes conséquences
morales qui endécoulent pour la suite surtout. M. Brieux, dans
les Remplaçantes, nous a montré la jeune mère plus soucieuse
de ses succès mondains que de la santé de son enfant, le con¬
fiant, avec la complicité du médecin, aux soins d'une nourrice
qu'elle ne surveille pas; il a quelque peu poussé le tableau au
noir, mais nous avons été témoin de scènes semblables à celle que nous présente M. Brieuxet celanon seulement à l'intérieur de familles de la mère, mais encore et surtout dans le pauvre
ménage de la nourrice, désemparé après son départ.
Ce n est point ici le lieu de montrerles conséquences toujours
graves de cet état de choses au point de vue moral chez la mère et la nourrice, physique chez l'enfant de la nourrice. Et même
nous parait-il utile de bien indiquer, à l'enc-ontre de ce que
— 19 —
proclamentlesapôtresde l'allaitement maternel absolu,quetou¬
tesles mcresnepeuvent allaiter. Evidemment, commeils le disent
fort bien, une femme doit prendre certaines précautions hygié¬
niques durant les mois qui précèdent l'accouchement. Elle doit
se soumettre à une alimentationrégulière etsuffisamment abon¬
dante, en ayant soin de bien surveiller le fonctionnement du
tube digeslif. Elle doit aussi ne se fatiguer ni moralement ni physiquement pour se trouver dans les meilleures conditions possibles au moment de l'accouchement. Ces conditions faciles
à remplir dans les classes aisées, seraient un leurre dans les ménages pauvres, si dans ces derniers temps on n'avait créé,
grâce à l'initiative privée et à la charité publique, des refuges-
ouvroirs pourfemmes enceintes. Cesétablissements hospitalisent,
dans les derniers mois de lagrossesse, les femmes pauvres pour leur permettre de mettre au monde des enfants bien constitués
et de les allaiter elles-mêmes.
La future nourrice doit prendre, en effet, à ce point de vue spécial, certaines précautions. « Elle doit proléger ses
seins
contre toute lésion, même la plus légère, pour éviter toutes cre¬
vasses douloureuses pendant l'allaitement; on doit encore
lui
recommander des lotions astringentes surle boutdesseins avec de l'eau-de-vie, de la teinture d'arnica ou de l'eau de Cologne.
» Certains auteurs ont conseillé de préparer le bout des seins
par la succion exercée soit par un enfant, soit par un
adulte.
Mais ces pratiques sont dangereuses et peuvent donner
lieu
àdes accidents de contagion. Le professeur Fournier a
signalé de
véritables épidémies de syphilis dues à la succion des
mamelons
par des matrones se donnant comme spécialistes pour le
traite¬
ment des seins des femmes enceintes et des nouvelles accou¬
chées. Mais ces précautions et ces soins pris par la femme
dans
les derniers mois de la grossesse sont-ils suffisants pour
lui
permettre dedevenir aussitôtaprèsl'accouchement
bonne
nour¬rice? Dans ces derniers temps, la question a été
fortement dis¬
cutée et les avis sont partagés. Certains auteurs ont
affirmé
quetoute femme peut nourrir l'enfant qu'elle a mis au
monde,
fiuellea toujours assez de lait pour l'alimenter
suffisamment.
— 20 —
En vérité on ne doit pas être trop exclusif. Si un grand nombre
de femmes renoncent à allaiter leurs enfants alorsqu'elles pour¬
raient être nourrices et même de bonnes nourrices, il y en a d'autres qui ne peuvent nourrir elles-mêmes » (1).
« Certaines ont des seins mal conformés : des mamelons trop
courts ou rétractés, ne permettant pas à l'enfantde les prendre
pour téter. Par suite de soins insuffisants ou de tétées trop pro¬
longées, les seins peuvent devenir le siège de gerçures et de
crevasses apparaissant au niveau des mamelons, et pouvant aboutir, par la douleur qu'elles occasionnent, à mettre la mère dans l'impossibilité de poursuivre l'allaitement. Il n'est pas
rare, non plus, devoir des femmes présenter des seins atrophiés
avecdes glandes insuffisantes,sécrétant trop peu oupasde lait.
» Enfin, mettant à part les femmes atteintes d'affectionschro¬
niques, tuberculeuses, nerveuses, il en est qui accouchent dans
le cours d'une maladie contagieuse ou fébrile : à celles-là, il
est rigoureusement interdit de donner le sein dans l'intérêt de l'enfant et dans celui de la mère, l'enfant pouvant, par un contact prolongé avec la mère, contracter l'affection dont celle- ci est atteinte, la mère ayant besoin, pour se rétablir, d'un
repos absolu et de grands ménagements incompatibles avec l'allaitement.
» Si la mère nepeut allaiterelle-même, le mieuxestde confier l'enfant à une nourrice au sein » (Y. obs. I et II Budin) (2).
Cela dit, il nous paraît utile d'indiquer quels sont les prin¬
cipes qui devront guider le médecin dans le choix d'une nour¬
rice.
Il existe deux sortes de nourrices : les unes, installées dans la maison même des parents, choyées, soignées, surveillées, peuvent, lorsque leur lait est bon, fournir un allaitement qui
vaut bien l'allaitement maternel, et quelquefois même lui est préférable : les autres, à la campagne, loin des parents, sont
livrées à elles-mêmes. Le prix des voyages empêche la mère
(1) De Rothschild, Progrès médical, 1895.
(2) De Rothschild, Progrès médical, 1895.
21
de venir surveiller souventson enfant. De là, l'incurie, la négli¬
gence constatée dans certains villages, véritables nourriciers
des grandes villes, et par suite l'effrayante proportion des
décès des enfants pauvres ainsi exilés.
Nous choisirons notre nourrice type entre vingt et trente ans;
nousla choisirons robuste et sans tare de maladie acquise ou héréditaire. Nousnousinquiéteronsaussi de son caractère, nous la voudronsdouce et calme pourêtrebien assuré de l'excellence
des soins qu'elle donnera à son nourrisson.
Nous exigerons qu'elle soit relevée de sescouches
depuis deux
ou trois mois et pourrons juger de l'excellence
de
sonlait
parl'état de son enfant. Nous préférerons à tout autre un
lait de
deux ou trois mois. Cependant certains auteurs se sont
trouvés
très bien d'un lait vieux de huit à quinze mois qui,
disent-ils,
est parfaitement digéré par le nouveau-né; et nous
choisirons
en outre, autant que possible, une nourrice ayant
déjà allaité
;nous serons sur ainsi qu'elle sera expérimentée et nous aurons
une garantie de plus de la qualité de son
lait.
Nous emprunterons à l'étudedocumentée
de M. de Rothschild
l'examen de la nourrice au point de vue
général
etlocal
:Au point de vue général, on doit porter son
attention
surla
coloration du visage, sur l'état des dents, sur la
conformation
des membres, du tronc et sur l'état du cœur et des poumons.
Il
est indispensable que la nourrice ait de bonnes
dents
:d'abord
c'est l'indiced'unétatgénéral satisfaisant, puis
c'est
unegarantie
pour l'alimentation et la digestion, deux
conditions auxquelles
sontintimement liées la sécrétion laiteuse et la qualité du
lait.
On devra examiner de très près toutes les
cicatrices du
couet
du corps pour bien se rendre compte qu'il n'y a pas
de lésions
syphilitiques anciennes ou récentes. Enfin, ondoit examiner le
cœurpour bien s'assurer qu'iln'existe pasde
lésions cardiaques
ou tuberculeuses.
L'examen local comprend l'examen des
deux seins. Il devra
porter :
1° sur la glande; 2° sur le mamelon.
D'une façon générale, si la glandeest forte, le lait reste abon¬
dant. Mais il ne faut pas confondre la glande avec le sein lui-
mêmequipeut être chargé de graisse et ne contenir que peu de
tissu glandulaire. Les seins de bonnes nourrices sont ordinai¬
rement sillonnés de veines bleuâtres, indices de l'activité de la circulation. Quant au mamelon, il ne doit être ni trop gros, ni trop petit, ni trop court, pour que l'enfant puisse le prendre
facilement et qu'il n'échappe pas de sa bouche. 11 ne faut pas
qu'il soit ombiliqué, c'est-à-dire rentrant, ou remplacé par une
petite cupule. Il faut qu'il soit percé d'un nombre suffisant d'ori¬
fices pour que le lait puisse en sortir facilement et qu'en pres¬
sant la base du mamelonleliquide jaillisse en gerbe.
Pour permettre à l'enfant de prendre la ration lactée qui est indispensable à sondéveloppement normal, il faut que la nour¬
rice puisse lui donner de 1200 à 1300 grammes de lait parjour
et de70 à 135 grammes partétée. Une bonne nourrice donneen moyenne 900 à 1300 grammes de lait parjour, mais pour peu
qu'elle soit « entraînée », c'est-à-dire forcée de donner le lait à
plusieurs enfants à la fois, elle peut fournir des quantités de beaucoup supérieures. C'est ainsi que certaines nourrices du
service des débiles à la Maternité, appelées à allaiter trois ou quatre enfants débiles, ont pudonner 1900, 2000et 2200 gram¬
mes de lait parjour (Dr Budin). Seule la comparaison de deux seins, bien effectuée, l'un avant l'autre après chaque tétée, per¬
metde constater la quantité de lait pris.
Malgré lessoins apportés dans le choix de la nourrice, celle-ci peut n'être pas bonne ou ne pas convenir au nourrisson qu'elle
doit allaiter, en raison de la qualité de son lait. On doit alors,
dans le plus bref délai, pourvoir à son remplacement. Aujour¬
d'hui le changement de nourrice est devenu chose plus facile, grâce àl'emploi du laitstérilisé administrétemporairement dans
certaines conditions.
Donc nous voici en présence d'une mère préparée à nourrir
son enfant, ou d'une nourriceéprouvée choisie pour notre nour¬
risson. Selon quelles règles doit être ordonné l'allaitement au sein?
III
De l'allaitement naturel.
L'allaitement de l'enfant par sa mère ou par une nourrice
sous les yeux de sa famille est donc le mode de nutrition qui
nous parait préférable et qui, par ses résultats heureux, peut
diminuer le plus les chances de
mortalité
des enfants. De l'aviscommun des médecins, le lait doit constituerla principale nour¬
riture de l'enfant pendant les douze premiers mois ou plutôt jusqu'à l'apparition des douze premières dents.
Il
noussemble
que l'on doit être même plus exclusif encore et déclarer que
le
lait doit être la seule nourriture de l'enfant jusqu'environ au quinzième mois. Les observations I et II rapportées à la fin de
ce travail nous montrent quels sont parfois les inconvénients,
du moins dans la clientèle pauvre de la campagne, d'un
allaite¬
mentcompliqué d'ingestion de poudresnutritives
dont les récla¬
mes remplissent les quatrièmes pages de nosjournaux.
La série des observations publiées par Budin nous montre
uniformément l'apparition d'un rachitisme marqué
chez cinq
enfants nourris, comme ils le sont tropsouvent à la campagne,
àl'aide d'aliments solides dans l'intervalle des tétées. C'est là
unpréjugé tenace dans nos campagnes, qu'un peu de soupe
et
de vin font un gars solide du petit être qui, tous les
jours,
mangeà lamême assiette que le père et boit au même verre :
les prêches des médecinsn'y peuvent rien,et devant une erreur
aussivivace, on sent combien est impuissante toute
législation.
Donc, du lait et exclusivement du lait, et pendant les
deux
jours qui suivent la naissance, si l'on est obligé d'attendre lamontée du lait chez la mère ou l'arrivée d'une nourrice, nous
\ r
__ 24 —
donnerons à noire nouveau-né un peu d'eau tiède et sucrée, à
raison d'une cuillerée à dessert toutes les deux heures; nous pourrons même à la rigueur y ajouterun peu de lait.
Dès qu'il prend le sein, l'on doit régler la tétée de l'enfant.
Le réglage des tétées ordonné par la plupart des praticiens
dans certaines affections gastro-intestinales légères des enfants
n'est plus surveillé par eux et cesse dès que la santé du nour¬
risson paraît être rétablie. Il y a là, au contraire, une règle d'hygiène capitaleet,sur ce point, nous semble-t-il, le médecin
doit tout particulièrement insister auprès de la famille. Les in¬
tervalles préférables entrelestétées sont des intervalles de deux heures; mais il n'y a point là de règle fixe et le médecin se doit laisserguider parl'appétit et la force de l'enfant.
Il est à cesujet unepratique qui tend à pénétrer dans la pra¬
tique médicale courante et contre laquelle il nous semble indis¬
pensable de protester.C'est celle qui consisteàréveiller l'enfant
pour lui donner le sein. Il nous a été donné de voir autourde
nous des enfants soumis à uii allaitement aussi draconien et il
n'y avait certespoint lieu de se féliciter de cette innovationque,
d'ailleurs, les parents n'avaient acceptée qu'à regret; onne doit
réveiller l'enfant que s'il est très faible ou bien encore si son
sommeil se prolonge trop, c'est-à-dire dépasse trois heures
durant lejour, cinq ou six heures pendant la nuit.
Un autre détail pour le sommeil de l'enfant nousparait devoir
être rappelé ici : il nous a été donné d'être appelé à donner
nos soins, trop tard d'ailleurs, à un nourrisson écrasé dans la
nuit par sa nourrice. Un usage fort répandu en Armagnac est
de faire coucher l'enfant avec la mère ou la nourrice pour
apaiser les cris. Il est inutile d'insister sur les dangers d'un tel
état de choses; cependant le fait valait la peine d'être signalé, puisqu'il fait l'objet de l'un des articles des « Conseils élémen¬
taires aux mères et aux nourrices, rédigés et complétés par la
Commission de l'hygiène de l'enfance » (1). C'est là, dit le rap-
(1) «Conseilsélémentairesauxmères et auxnourrices, rédigés et complétésparla
Commission del'hygiènedel'enfance de l'Académie » (novembre1892).
"vv ÉSilîÉ;
port, une interdictionformelle que doit faire le médecin : car,
quoi qu'il en paraisse, les faits de la nature de celui que je
viens de rapporterne sont pas rares.
Un dernier point de l'allaitement naturel nous reste à exami¬
ner. En cas de grossesse,la mère ou la nourrice doit-elle cesser l'allaitement?
Tout récemment encore, la majorité des auteurs s'accordait à
conclure qu'il fallait suspendre l'allaitement. L'observation journalière a démontré cependant le peu d'influence qu'une
nouvelle grossesse avait sur le lait de la mère ou de la nour¬
rice, quand la grossesse, du moins, évoluait normalement. Nous
avons tous été témoins de faits semblables. Toutefois, une femme dont la grossesse se supporte mal devra cesser de nour¬
rir son enfant : si elle a des insomnies, des troubles nerveux, si elle est albuminurique, elle devra cesser de donner le sein.
« Une opinion aussi très répandue dans le monde, et surtout
dans la classe ouvrière, estqu'une femme qui a ses règles ne doit plus continuer à allaiter. Le plus souvent, le retour de la
menstruation n'a qu'une très légère influence sur la santé du
nourrisson. On observe parfois, chez les nourrissons qui sont
allaités par des femmes ayant leurs règles, de légers troubles digestifs, un peu de diarrhée et une diminution de poids coïn¬
cidant avec les époques menstruelles >> (1). Si ces troubles
durent troplongtemps, si la santé de l'enfant est trop profondé¬
ment troublée, on devra recourir à une autre nourrice ou à l'allaitement artificiel.
(1) De Rothschild, Progrès médical, 189'7.
Saint-Pau
IV
De l'allaitement mixte.
L'allaitement mixte ne doit donc être institué qu'à l'extrême rigueur, en cas de maladie de la mère ou de la nourrice. Il est
surtoutnéfaste avant le troisième ou le quatrième mois, et l'on
doit faire son possible pour le retarder au delà de ce moment
de l'allaitement. On peut alors, dans certaines circonstances,
alterner les tétées deux ou trois fois dans vingt-quatre heures
avecl'allaitement artificiel :cela, selon les règles dontnousallons
nous occuper dans le chapitre suivant.
On peut compléter ce qui manque de lait à la mère par du
lait de chèvre, de vache ou d'ânesse. Quelquefois une quantité
minime de vrai lait suffit« eton obtient ainsi parfoisune courbe beaucoup plus belle que la courbe normale (1).
Chez certaines personnes, cette aide apportée par le lait d'un
animal n'est que temporaire, et bientôt la sécrétion devient si
abondante que l'on peut en arriver à l'allaitement exclusifau sein. Le Dr Budin rapporte l'exemple d'une femme accouchée
dans son service, le 3juin 1900, et à laquelle il dut, à sa sortie
de l'hôpital, donner chaque jour 250 grammes, puis, ce chiffre
étant insuffisant, 300 grammes de lait pour son enfant. Mais les
mamelles se mirent à sécréter plus abondamment et il put en arriver à ne plus donner quotidiennementque250, 200, 150 puis
100 grammes. « Enfin cette mère ne reçut plus rien, elle éleva
seule son enfant, qui est très beau, et elle constitue encore une nourrice magnifique ».
(1) Budin, Del'allailemeut, Revue scientifique du 15 juin 1901.
C'est grâce à l'allaitement mixte que beaucoup de mères qui
avaient renoncé à nourrir leur enfant ont puarriver à le faire
sans prendre de nourricemercenaire. Comme il leur est aujour¬
d'huipossible de donner à leur enfant un lait qui ne soit pas
dangereux,elles établissent avec succès l'allaitement mixtepour
suppléer à la sécrétion insuffisante de leur sein.
V
De l'allaitement artificiel.
Si la mère ne peutnourrir, si nous ne pouvons nous procurer
une bonne nourrice et s'il nous est impossible même d'instituer
l'allaitement mixle, nous aurons recours à l'allaitement artifi¬
ciel. Nous y aurons recours encore lorsque, ainsi d'ailleurs que le cas se présente souvent, l'enfant, ayant quelque vice de con¬
formation de la bouche, ne pourra pas téter, ou bien encore
qu'il ne voudra pas prendre le sein cependant bien constitué
d'une excellente nourrice ou qu'il nedigérera pas son lait. Dans
ce cas, on doit avoir recours au lait d'une autre femme, l'allai¬
tement artificiel ne doit être qu'un pis aller. Si l'on est obligé
d'en venirlà, ondevra, dès ledeuxième jour après la naissance,
donner à l'enfant soit du lait d'ânesse pur, soit, à son défaut,
du lait de vache et de chèvre additionné d'eau.
« Le coupage du lait de vache ou de chèvre doit être opéré
avec de l'eau pure bouillie et non avec des infusions et des
décoctions » (1).
Cette règlenous parait un peutrop rigoureuse, et ilnous aété
donné de voir les excellents résultats donnés dans le service de M. le D' Rousseau Saint-Philippe par le lait coupé de tisanes de
céréales.
Quoi qu'il en soit, si l'on adopte le mode de coupage par l'eau pure et bouillie, il doit se faire et être donné dans les pro¬
portions suivantes :
Pendant les huitpremiers jours, moitié laitpuret moitiéeau :
(1)Rapportde la commission permanentede l'hygiène de l'enfance, loc. cit.
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endonner deux ou trois cuillerées à bouche toutes les deux
heures, selon la tolérance de l'estomac.
Dèsle commencement du deuxième mois, le coupage du lait
pourra être réduit au quart (trois quarts de lait pur, un quart d'eau) et la dose du liquide portée à un demi-verre environ tou¬
tes les deux heures. A trois mois et les mois suivants, cette dose sera d'un verre toutes les trois heures. Ce n'estqu'à partir
du troisième mois que le lait sera donné pur : la quantité de
laitcoupé ou pur varie d'ailleurs suivant l'appétit, les aptitudes digestives et l'état de santé ou de maladie de l'enfant, selon
aussi la force et la pureté du lait.
La quantité de lait de vache ou de chèvre nécessaire à l'ali¬
mentation de l'enfant pendant vingt-quatre heures devra être
stérilisée chaque jour après coupage effectué. Cette stérilisation
sera de préférence pratiquée régulièrement par la personne
chargée des soins à donner àl'enfant.
C'est là une condition primordiale de l'allaitement artificiel :
nous en voyons une preuve dans l'épidémie d'entérite enrayée
en quelques jours par la surveillance active de la stérilisation
du lait de vache.
Quant au vase destiné à contenir le lait, quelle que soit sa
forme, que ce soit une cuiller, un bol, un petit pot, un verre ou bienun biberon, il ne faut pas que ce vase soit en étain ou en plomb, et s'il s'agit en l'espèce d'un biberon, il faut exiger que l'embout soit en caoutchouc naturel et non en caoutchouc vulcanisé.
Nous ne pouvons passer sous silence les résultats funestes
donnés par les biberons à tubes : la difficulté de nettoyage du
tube en fait un danger très grave; à notre sens, le biberon à
tube doit être rigoureusement proscrit.
Cesdiversrécipients, bols, verres,pots oubiberons ne doivent
dailleurs contenir quela quantité nécessairepour chaquerepas,
car s'il restait du lait, il risquerait fort à s'aigrir : aussi faut-il soigneusement jeter le reste et nettoyer les récipients avec une extrême propreté. Dans l'intervalle des repas, il sera néces¬
saire de laisser le vase dans l'eau bouillie au préalable. C'est là
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un moyen efficace de prévenir les
altérations du lait
et par suite ses conséquences intestinales, coliques,diarrhées,
gastro¬entérites qui sont la principale cause de
la mortalité infantile,
ainsi que nous l'avons vu au
début de
cetteétude.
Ce sont les mêmes craintes qui nous feront veiller à ce que les suçons ne restentpas dans la bouche des
enfants dans l'in¬
tervalle des repas : suçonsdontd'ailleurs l'on
doit tendre
àpros¬crire l'usage au même titre que les tubes
des biberons. Bien
souvent, en effet, nous avons constaté que, pour calmer un en¬
fant en pleurs, la mère lui donnait à téter
le
suçonde
sonbibe¬
ron, etil est telle desgastro-entérites quenous avons été
appelé
à soigner qui étaient uniquement
dues
à cespratiques malheu¬
reusement trop répandues.
Les lignes qui précèdent nous
disent brièvement combien est
délicat l'allaitement artificiel bien entendu : aussi, comme
déjà les statistiques nous le montrent
augmentant les chances
de maladie ou de mort, il faut au moins qu'il soit pratiqué au milieu de la famille avec des soins minutieux et par des person-
sonnes expérimentées. Aussi faut-il éviter encore
de l'appliquer
dans un même local à ungrand nombre d'enfants, et les statis¬
tiques des crèches nous donnent un pourcentage
d'une doulou¬
reuse éloquence.
Vers le septième mois, on pourra ajouter au
lait stérilisé des
jaunes d'œufs, de la farine de fromentséchée
aufour, d'arrow-
root, de poudre de riz, d'avoine, dont on fera
toujours
des pota¬ges d'abord clairs et toujours bien cuits.
Plus
tard, on pourra, danscette préparation,remplacer lelait pardu bouillonde bœuf
léger pour préparer l'enfant au sevrage
(1).
Telles doivent être les grandes lignes deconduite dans l'allai¬
tementartificiel. Il nous reste à dire quelques mots du sevrage, dessoins hygiéniques etdes vêtements.
(1) Rapportdela Commission d'hygiène, toc. cit.
VI
Sevrage. — Soins hygiéniques et vêtements.
Nous croyonsutile, au sujetdu sevrageet des soinsàapporter
aux nouveau-nés, de mettre sous les yeux des lecteurs le texte
entier des conseils adressés aux mères et aux nourrices par le rapporteur de la commission d'hygiène, et de les faire suivre
des réflexions qu'ils nous aurontpusuggérer.
« Sevrage. — Le sevrage pourra être effectué à partir du
neuvième mois, et mêmeplus tôt si lescirconstances forcent d'y recourir; par exemple, lorsque le lait de la mèreoude la nour¬
rice devient insuffisant. Mais quand les conditions de l'allaite¬
mentau seinrestentsatisfaisantes, il est préférable de ne sevrer
l'enfant qu'après le dixième mois, ou même après la première
année.
» Tout aliment solide devant être exclu, il n'est pas indispen¬
sable, pour la pratique du sevrage, que la
dentition soit plus
ou moins avancée.Mais il nefaut sevrer, nià l'époque des grandes chaleurs, ni pendant une éruption dentaire active,ni pendant
uneindispositionde l'enfant. C'est dans l'intervalle de
calme qui
sépare les poussées dentaires que le sevrage peut être com¬
mencé.
» On ne doit etfectuer le sevrage que par degré,
c'est-à-dire
qu'après avoir habitué progressivement l'enfant àdes aliments
supplémentaires, tels que les potages légers avec
le lait.
» Le sevrage une fois accompli, on rendra peu à peu
la
nour¬riture de l'enfant substantielle, en y ajoutant du
pain trempé
dans lejus de viande, des purées de légumes
farineux
:mais il
ne faut pas permettre l'usage de la viande avant