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a. Présentation

Tous les vaisseaux sanguins, des plus grandes artères et veines aux plus petites veinules, sont tapissés de CEs. La fonction de ces cellules est multiple et peut varier considérablement selon la localisation et la taille des vaisseaux. Elles sont impliquées dans la régulation de la pression sanguine, la coagulation, le recrutement leucocytaire, l’angiogenèse… Au vu de l’importance de ces cellules, il a été entrepris de développer des modèles d’endothélium qui permettent des expériences in vitro représentatives de la biologie de l’endothélium in vivo. Une grande part de nos connaissances sur les fonctions endothéliales vient d’expérimentations réalisées sur les HUVEC primaires. Cependant, ces CEs macrovasculaires ont de nombreux inconvénients (approvisionnement en cordons ombilicaux pour leur isolement, courte stabilité du phénotype, variabilité selon le donneur, non représentative de l’endothélium microvasculaire…). Plusieurs laboratoires ont donc décidé d’isoler et d’immortaliser des CEs, pour obtenir des lignées stables, tout en conservant leurs caractéristiques endothéliales. A partir de biopsies, le laboratoire de Claudine Kieda a ainsi établi des lignées endothéliales humaines de divers organes lymphoïdes primaires et secondaires, et de tissus périphériques (peau, cerveau, intestin, poumons…-brevet CNRS 99-16169). Plus précisément, l’idée était de développer une lignée à partir de chaque organe et ainsi obtenir plusieurs modèles microvasculaires de la physiologie de l’endothélium, en conservant le phénotype original. En les caractérisant, il a été confirmé que ces lignées ont conservé leurs caractéristiques endothéliales et présentent des différences de phénotypes selon leur organe d’origine205. En effet, l’immortalisation par transfection de la sous-unité catalytique de la télomérase humaine (human telomerase reverse transcriptase hTERT) permet de conserver le phénotype différencié et les caractéristiques des cellules parentales. Ainsi, la morphologie, la capacité à former des tubes, l’expression de la majorité des molécules de surface et l’anoïkie des cellules immortalisées sont similaires à celles des cellules primaires quiescentes211-213. Nos modèles cellulaires sont donc représentatifs des tissus sources205.

Lors de cette étude, nous avons utilisé deux lignées représentatives des CEMs de la peau et des ganglions périphériques, tissus impliqués dans la progression du mélanome. Afin de bien connaître ces cellules, nous avons réalisé une comparaison des deux lignées au niveau de leur morphologie,

88 ainsi que de leurs propriétés à former l’angiogenèse, à exprimer des molécules de surface et à activer la voie du NO, les trois axes majeurs de cette étude.

b. Morphologie

Si les HSkMEC et les HPLNEC.B3 présentent des propriétés propres selon leur origine tissulaire205, elles ont aussi un aspect différent. La figure 27 montre la morphologie de ces deux types cellulaires.

Figure 27 : Les cellules HSkMEC (A) et HPLNEC.B3 (B) isolées (à droite) et à confluence (à gauche). Les CEMs sont cultivées sur plastique dans du milieu OptiMEM supplémenté de 2% de SVF, à 37°C sous atmosphère humide enrichie de 5% de CO2.

Les HSkMEC sont de plus grande taille (≈55 µm) que celles de ganglions lymphatiques périphériques (≈40 µm) et paraissent plus étalées. Les HPLNEC.B3 ont, quant à elles, des bords nets et présentent une forme moins arrondie, voire tétraédrique.

De plus, ces deux types cellulaires se développent à des vitesses différentes : les HSkMEC ont un cycle cellulaire plus lent (≈32h) que celui des HPLNEC.B3 (≈19h).

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c. Angiogenèse

In vivo, une des fonctions principales des CEs est de pouvoir former des vaisseaux sanguins. In vitro, cela peut se mimer en cultivant les cellules sur une matrice riche en facteurs de croissance et protéines de la matrice extra-cellulaire : le MatrigelTM. La figure 28 montre la formation de pseudo-vaisseaux par les HSkMEC, en fonction du temps et une comparaison de l’angiogenèse à 24h, pour les deux types de cellules étudiés.

Figure 28 : Exemple de cinétique de l’angiogenèse des HSkMEC en normoxie (A) et comparaison de la structure finale des réseaux sur les HSkMEC et HPLNEC.B3 (B). Les CEMs sont déposées sur une fine couche de MatrigelTM à T0. La formation des pseudo-vaisseaux a été visualisée à l’aide du microscope inversé Zeiss Axiovert 200M et suivie pendant 24h en temps réel.

Au début de la cinétique, les CEs migrent rapidement les unes vers les autres et se regroupent en amas. A partir de 10h après dépôt des CEMs sur le MatrigelTM, les cellules s’étirent. Les amas indépendants sont joints par des pseudo-vaisseaux : c’est la formation des ramifications ou

« branching ». On observe alors un réseau de CEM organisé et complexe (figure 28A). A la fin de la cinétique, il apparaît que l’angiogenèse des deux types cellulaires est légèrement différente : les

90 HSkMEC, par rapport aux HPLNEC.B3, ont tendance à former des réseaux plus importants avec des structures tubulaires longues et très organisées (figure 28B). Par cette technique, l’angiogenèse n’est pas stable longtemps, car après 24h, les réseaux ont tendance à se désagréger.

d. Les molécules de surface

Nous avons ciblé cette étude sur les molécules fortement impliquées dans l’angiogenèse, le recrutement leucocytaire et la liaison des chimiokines.

La figure 29 permet de visualiser le phénotype des HSkMEC et HPLNEC.B3 pour plusieurs molécules d’adhésion qui seront étudiées par la suite: PECAM-1/CD31, CD34, ICAM-1/CD54, ICAM-2/CD102, VCAM-1/CD106 et VE-cadhérine/CD144.

Figure 29 : Profil d’expression des molécules d’adhésion étudiées sur les lignées cellulaires HSkMEC (A) et HPLNEC.B3 (B). Les niveaux d’expression ont été révélés par immuno-marquage et analysés par cytométrie en flux. Les résultats sont présentés en intensité de fluorescence relative (intensité de fluorescence pour le couple d’anticorps dirigé contre la molécule d’intérêt à laquelle est soustraite l’intensité de fluorescence de l’isotype correspondant). Moyenne de 7 à 42 expériences ± SEM.

PECAM-1/CD31, marqueur spécifique des CEMs, est largement présent sur ces lignées. Ceci démontre, de nouveau205, que ces lignées ont conservé leur caractère endothélial. Les principales différences de profil d’expression viennent des autres molécules. CD34, une addressine ligand de la

91 L-selectine, présente une expression plus forte pour les HPLNEC.B3 ; le rôle de cet organe dans la domiciliation et le recrutement des lymphocytes tend à expliquer cette observation. ICAM-1/CD54 présente, à l’inverse, une expression plus importante sur les HSkMEC que les HPLNEC.B3. Cette molécule est largement impliquée dans les phénomènes d’inflammation, notamment de la peau.

Deux des membres de la superfamille des immunoglobulines : ICAM-2/CD102 et VCAM-1/CD106 ont une expression 2 fois supérieure sur la lignée HPLNEC.B3 par rapport à HSkMEC. Par contre, VE-cadhérine/CD144 n’est quasiment pas exprimé à la surface des 2 types cellulaires ou les conditions expérimentales utilisées ne permettent pas de visualiser cette molécule d’adhésion.

De même, nous avons étudié plusieurs molécules impliquées dans la liaison aux chimiokines : les glycosaminoglycannes chondroïtine sulfate (CS) et héparanne sulfate (HS), ainsi que les récepteurs de chimiokines CCR5, CX3CR1, CXCR4 et CCR7 (figure 30).

Figure 30 : Profil d’expression des molécules de liaison aux chimiokines étudiées sur les lignées cellulaires HSkMEC (A) et HPLNEC.B3 (B). Les niveaux d’expression ont été révélés par immuno-marquage et analysés par cytométrie en flux. Les résultats sont présentés en intensité de fluorescence relative (intensité de fluorescence pour le couple d’anticorps dirigé contre la molécule d’intérêt à laquelle est soustraite l’intensité de fluorescence de l’isotype correspondant). Moyenne de 9 à 17 expériences ± SEM.

La CS est très exprimée sur la lignée HSkMEC uniquement, ce qui pourrait indiquer un recrutement leucocytaire augmenté dans la peau, grâce aux chimiokines liant ce GAG. En revanche, le taux de HS

92 est important et identique dans les 2 lignées. Pour les récepteurs de chimiokines, les profils présentés sont assez similaires, avec expression prédominante de CCR5, récepteur de RANTES, et CXCR4, récepteur de SDF-1.

e. La voie du NO

Le monoxyde d’azote est un point central de cette étude. Par conséquent, nous avons étudié le statut des lignées HSkMEC et HPLNEC.B3 vis-à-vis de cette molécule et de sa voie de synthèse.

i. Les enzymes de production du NO: les NO Synthases

Dans un premier temps, nous avons évalué la présence de deux des enzymes responsables de la production du NO : la forme constitutive dans les CEs NOS3 et la forme inductible NOS2. Cette détection a été réalisée pour les ARNm et les protéines des NOS.

Expression des ARNm

La présence des ARN messagers codant ces protéines a été détectée pour les deux lignées (figure 31).

Figure 31 : Expression des ARN messagers de la NOS3 (A) et de la NOS2 (B) sur les lignées HSkMEC et HPLNEC.B3. Les ARN sont purifiés, puis transformés en ADN complémentaire, par transcription inverse. La séquence d’intérêt de l’ADNc est amplifiée en utilisant des amorces spécifiques, par PCR. Les produits de PCR sont visualisés sur gel d’agarose, additionné de BET, sous lampe à ultraviolets.

Il apparait que les ARNm des deux NOS sont détectables dans les HSkMEC, alors que cela n’est pas le cas pour les HPLNEC.B3.

93 Expression protéique

Pour confirmer ces résultats, des Western blot ont été réalisés pour visualiser les protéines de la NOS3 (figure 32A) et de la NOS2 (figure 32B) dans les deux lignées en comparaison avec des cellules primaires HUVEC.

Figure 32 : Expression protéique de la NOS3 (A) et de la NOS2 (B) sur les lignées HSkMEC et HPLNEC.B3 en comparaison d’une primoculture d’HUVEC (2ème passage). La détection est faite par Western blot. La fluorescence est quantifiée à l’aide du système d’acquisition d’image Odyssey® de LICOR. Les photos présentées ont été traitées de la même manière, hormis pour le marqueur de taille. Les résultats présentés correspondent à une culture cellulaire représentative sur les 6 réalisées.

La NOS3 a été mise en évidence dans les 2 lignées, mais plus faiblement que dans la lignée primaire d’HUVEC. En quantifiant les résultats par le logiciel ImageJ, nous avons évalué que la protéine était présente environ 20 fois moins dans les HSkMEC et 15 fois moins dans les HPLNEC.B3, que dans les HUVEC. La NOS2, par contre, est présente dans les trois types cellulaires avec une expression plus proche : les HPLNEC.B3 et HUVEC ont des taux similaires et HSkMEC présente environ 2 fois plus de NOS2 que les deux autres types cellulaires.

La différence au niveau ARNm entre HSKMEC et HPLNEC.B3 n’est pas retrouvée au niveau expression protéique. Au contraire, elle semble plus exprimée dans les HPLNEC.B3. Pour trancher sur ces différences, nous allons réaliser prochainement des expériences de PCR quantitative, permettant de visualiser la présence des ARNm codant la NOS3 dans les deux types cellulaires.

ii. La production de NO

Dans un second temps, nous avons analysé la production de NO par ces cellules, car bien que présentes, les NOS peuvent être dysfonctionnelles. Pour ce faire, nous avons utilisé la propriété du NO à activer la GCs pour produire du GMPc. La détection de cette dernière molécule est plus facile que celle du NO, car le GMPc est plus stable. De plus, en utilisant le kit « cGMP[125I] RIA » (Izotop), la détermination est quantitative et très sensible (à partir de 2 fmol par tube).

La figure 33A présente les résultats de quantification de GMPc dans les lignées cellulaires HSkMEC et HPLNEC.B3 en comparaison de culture primaire d’HUVEC.

94 Figure 33 : Production de GMP cyclique par les lignées cellulaires HSkMEC et HPLNEC.B3. Taux de base, en comparaison avec des HUVEC primaires à p2 (moyenne de 2 expériences chacune en triplicat ± SEM) (A) ; après traitement par le DPTA-NONOates pendant 2-15min (moyenne de 2 expériences chacune en triplicat ± SEM) (B) et après diminution du taux cellulaire de NO, par inhibition des NOS (LNAME 0.1 mM et 1400w 1 µM) pendant 24h ou piégeage du NO (carboxy-PTIO 0.2 mM) pendant 30 min (moyenne d’une expérience en triplicat ± SEM) (C). Les résultats sont présentés en femtomoles de GMPc par microgramme de protéines.

Les taux de GMPc mesurés sont supérieurs dans les CEMs que dans les cultures primaires (figure 33A), en particulier dans les HPLNEC.B3, où cela est corrélé avec l’expression plus importante de la NOS3 que dans les HSkMEC. La présence de GMPc suppose une activation de la GCs par le NO. Pour vérifier que le NO est capable d’activer la production de GMPc dans les lignées nous avons préalablement traité les cellules par le DPTA-NONOate à des temps courts (de 2 à 15 minutes), mais suffisants pour l’activation de la GCs. Les taux de GMPc comparés dans ces conditions sont présentés sur la figure 33B. Pour les deux lignées endothéliales, la production de GMPc est augmentée après 15 min en présence du NONOate. Dans notre système cellulaire, le NO est donc bien capable d’activer

95 la GCs, laissant supposer que le NO est à l’origine de la production basale de GMPc observée précédemment (figure 33A).

Enfin, nous avons essayé de mettre en évidence l’implication du NO dans la formation de GMPc observée, en inhibant les NOS ou en piégeant le NO (figure 33C). Nous avons été surpris de voir que, pour aucune des deux lignées, les différentes molécules testées ne diminuent la production de GMPc. Dans notre modèle, la production basale de GMPc observée n’est donc peut-être pas dépendante de la production de NO. Le même type d’expérience a été réalisé par les chercheurs de l’institut de recherche Servier : sur les HUVEC primaires, en inhibant les NOS par 10-4M de N-nitro-L-arginine, la production de GMPc est diminuée d’environ 30%. Le milieu de culture des HUVEC étant riche en L-Arginine, l’inhibition compétitive des NOS par le N-nitro-L-arginine n’est pas suffisante pour abolir totalement la synthèse de NO. Dans notre système, il ne nous a pas été possible de connaître la composition exacte du milieu de culture, mais le même type d’explication reste possible.

iii. Discussion sur l’étude de la voie du NO

Les passages successifs des cellules en culture sont souvent utilisés comme modèle de vieillissement et de dysfonction de l’endothélium. En effet, les CEs sénescentes présentent une diminution de la production de NO•214, une expression en NOS3 plus faible et un recrutement leucocytaire augmenté par rapport aux CEs à faibles nombres de passages215. Cependant, Matsushita et al. ont montré que l’immortalisation de CEs par hTERT permet de préserver l’activité de la NOS3, la production de NO et l’adhésion monocytaire à des niveaux similaires à ceux des cellules primaires n’ayant subi que peu de passages en culture215. Dans nos modèles cellulaires, nous avons montré que les NOS sont présentes, la NOS3 étant en plus faible quantité que dans les HUVEC primaires. Les résultats du dosage de GMPc attestent que nos modèles cellulaires produisent du GMPc, en quantité plus importante que les HUVEC et que la voie du GMPc est bien activée par un apport de NO exogène. Cependant, il ne nous a pas été possible de montrer directement l’implication du NO endogène dans ce processus car ni les inhibiteurs de NOS, ni un piégeur de NO n’ont été capables d’inhiber cette production. Cette expérience n’ayant pu être réalisée qu’une seule fois, ce dernier point reste à confirmer. Dans la suite de ce travail, à l’inverse, nous vous présenterons des résultats qui montrent, indirectement, la production de NO par les CEMs. Sachant que la cinétique de dosage du GMPc est très importante, les conditions expérimentales de mesure sont-elles idéales? Le milieu de culture est-il trop riche en L-Arginine pour permettre une inhibition importante de la production de NO? L’activation de la guanylate cyclase est-elle attribuable à d’autres molécules, comme le monoxyde de carbone par exemple ? Autant de questions restées en suspens, pour lesquelles des études complémentaires seraient nécessaires.

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2. EVALUATION DE LA TOXICITE DES MOLECULES UTILISEES POUR