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Mon dernier objectif de thèse a consisté à développer une stratégie multifonctionnelle visant à cibler de manière conjointe les récepteurs A2A et mGlu5 (mGluR5). Il est aujourd’hui admis qu’une approche multicible présente un avantage thérapeutique majeur dans des pathologies multifactorielles telles que les MNDs. En effet, il n’existe actuellement pas de stratégies médicamenteuses pour la MA et la MP visant à réduire de manière conjointe : les troubles comportementaux, les lésions sous-tendant ces pathologies (synucléinopathie, amyloïdogenèse et tauopathie), la neuroinflammation et la mort neuronale.

Partant d’antagonistes du récepteur A2A développés jusqu’à présent au laboratoire, nous avons évolué dans ce travail vers une stratégie de ligands mixtes.Les récepteurs mGlu5, et plus particulièrement leurs modulateurs allostériques négatifs, ont suscité notre attention pour plusieurs raisons. Premièrement, ils font l’objet de nombreuses études pour leurs effets bénéfiques dans le cadre des MNDs. Deuxièmement, il existe une ressemblance structurale entre certains modulateurs allostériques négatifs rapportés dans la littérature et les composés quinazoliniques développés durant ces travaux de thèse. La comparaison et la superposition des pharmacophores de ces structures nous ont permis de concevoir et de synthétiser de nouveaux ligands à visée mixte. C’est pourquoi, en plus de l’hétérodimérisation existante entre ces deux récepteurs, nous avons choisi de cibler le récepteur mGlu5 en plus du récepteur A2A.

Cette stratégie de ligands duaux vise donc à développer des composés agissant en tant qu’antagonistes des récepteurs A2A et en tant que modulateurs allostériques négatifs des récepteurs mGlu5. Cette approche thérapeutique est d’autant plus innovante qu’elle n’est pas encore rapportée dans la littérature. De plus, c’est la première fois au sein de notre laboratoire que cette stratégie est étudiée.

Le squelette quinazolinique a servi de première base à la conception et à la synthèse de ces ligands mixtes. Ces travaux ont notamment fait appel à la chimie précédemment mise au point au laboratoire (cf. Chapitre 2). Dans un second temps, grâce aux relations structure-affinité précédemment obtenues autour de l’hétérocycle quinazolinique, des composés pyrimidiques rassemblant des éléments pharmacophoriques pour les récepteurs A2A et mGlu5

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I. La maladie d’Alzheimer : une maladie aux multiples facettes

Comme déjà énoncé dans l’introduction, la MA a été décrite pour la première fois en 1906 par Aloïs Alzheimer. Aujourd’hui, plus de 100 ans après sa découverte et malgré les efforts intenses de la recherche, il n’existe pas de traitements curatifs.

À ce jour, son étiologie n’est pas encore clairement identifiée mais les progrès constants dans la physiopathologie de cette dernière ont permis de mettre en évidence plusieurs hypothèses. En plus des deux lésions principales abordées dans l’introduction (cf. Figure 3, p6), la MA résulterait d’un enchevêtrement de plusieurs événements complexes et interconnectés, comme illustrés en figure 57, faisant d’elle une maladie neurodégénérative multifactorielle.

Figure 57. La maladie d’Alzheimer : une maladie multifactorielle Figure adaptée de Mohamed Benchekroun(126)

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Parmi ces événements, nous pouvons citer :

• La formation de plaques amyloïdes (1) qui résulte de l’agrégation extracellulaire du peptide β-amyloïde (Aβ40-42).

• Un déficit cholinergique (2) se traduisant par une diminution du taux d’acétylcholine. • Les dégénérescences neurofibrillaires (3) qui résultent de l’agrégation intracellulaire

de la protéine Tau hyper- et anormalement phosphorylée.

• L’excitotoxicité de certains neurotransmetteurs (4)comme le glutamate.

• Le stress oxydatif (5) qui est une perturbation de l’équilibre entre la production d’espèces réactives de l’oxygène (radicaux libres et peroxydes) et les défenses antioxydantes.(127) Ce phénomène fait l’objet de nombreux travaux et semble jouer un rôle majeur dans la mort neuronale.(128,129)

• La neuroinflammation (6) qui provoque une inflammation du SNC. • L’altération de l’homéostasie calcique (7) du réticulum endoplasmique. • Facteurs environnementaux et génétiques (8) (cf. p5)

Comme abordé dans l’introduction de ce manuscrit, il existe à ce jour uniquement des traitements symptomatiques face à cette maladie. En effet, ces traitements à visée « mono-cible » visent soit le déficit cholinergique (2) par des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, soit l’excitotoxicité du glutamate (4) par un antagoniste des récepteurs NMDA (mémantine). Malheureusement, ils présentent une faible efficacité et sont associés à des effets secondaires importants.

Par conséquent, face à ces difficultés, une nouvelle stratégie thérapeutique appelée stratégie multifonctionnelle ou « multi-cibles » suscite un intérêt de plus en plus grandissant.

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II. Qu’est-ce que la stratégie multifonctionnelle ?

1. Définition

Jusqu’à la fin du XXème siècle, la découverte et le développement de substances actives médicamenteuses (SAM) reposaient exclusivement sur le paradigme suivant : « une pathologie est associée à une cible thérapeutique unique » (Figure 58).

Figure 58. Développement de SAM selon le paradigme traditionnel

Cependant, le manque d’efficacité et les effets indésirables de certains médicaments actuels ainsi qu’une meilleure connaissance de la physiopathologie de certaines maladies ont amené le domaine de la pharmacologie à évoluer et à nuancer ce paradigme. En effet, les progrès dans la connaissance de la pharmacologie permettent de relier certaines pathologies à des mécanismes complexes. De plus, beaucoup de maladies dont l’incidence est élevée, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer, l’asthme ou encore les MNDs sont le résultat de mécanismes physiopathologiques multiples (cf. Figure 57, p117).(130) Depuis quelques années, il existe donc un intérêt grandissant pour un nouveau concept thérapeutique : la thérapie multifonctionnelle ou « multi-cibles ».

Par définition, une substance active agissant via plusieurs cibles thérapeutiques est dite multifonctionnelle.(131) Une substance active agissant en partie via des mécanismes impliquant des cibles inconnues est aussi appelée multifonctionnelle. Plusieurs termes anglo-saxons sont actuellement rapportés dans la littérature pour décrire de telles substances :