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Lieux d’action et exclusivités dans le couple Plexine-A1 et Sema6D

Par l’étude des souris Sema6D+/- Plexine-A1+/- double hétérozygotes, comparées aux souris KO ou simples hétérozygotes, nous avons pu démontrer que Plexine-A1 et Sema6D interagissent pour jouer leur rôle dans ce mécanisme de ciblage du CGLd par les axones rétiniens. S’il ne semble pas y avoir de mécanismes alternatifs pouvant compenser ces défauts durant le développement des souris déficientes en Sema6D ou Plexine-A1, une interaction exclusive n’a cependant pas été démontrée. Nous savons en effet que Plexine-A1 et Sema6D interagissent dans ce mécanisme mais d’autres molécules pourraient également intervenir pendant cette communication entre Plexine-A1 et Sema6D. De plus, la liaison directe entre Sema6D et Plexine-A1 dans ce mécanisme n’ayant pas encore été prouvée, l’interaction entre elles pourraient également être indirecte via un médiateur ou un corécepteur. Cependant, au vu des mécanismes connus d’interaction entre Plexines et Sémaphorines ainsi que des corécepteurs connus de Sema6D ou Plexine-A1 cette hypothèse semble très peu probable. Néanmoins, pour prouver une liaison directe entre les 2 protéines membranaires dans ce mécanisme il faudrait par exemple muter le domaine Sema de la Sema6D au niveau de son site de liaison à la Plexine-A1 et regarder dans des souris comportant cette mutation si le phénotype dans le CGLd est comparable aux souris KO. La possibilité de complexes protéiques autour d’une liaison directe entre Plexine-A1 et Sema6D reste elle plus envisageable. Il serait intéressant de regarder les projections rétiniennes dans le CGLd par un traçage à la CTB chez des souris déficientes par exemple aux Neuropilines.

Concernant la spécificité de Sémaphorines et Plexines impliquées dans ce mécanisme, il s’avère que Sema6C ne semble pas intervenir dans ces mécanismes de ciblage, alors que

c’est l’autre Sémaphorine 6 connue pour interagir avec Plexine-A1 (Burgaya et al., 2006; Svensson et al., 2008). En effet, ces défauts de ciblage visualisés par ce phénotype présentant des projections ectopiques de l’autre côté du tractus optique, n’est pas observé chez les souris Sema6C-/-. De même le phénotype observé chez les souris double KO Sema6D-/-;Sema6C -/-n’est pas plus important que celui observé chez les souris Sema6D-/- (communication personnelle, par Lu Sun et Alex Kolodkin). Si ce phénotype semble donc être très spécifique de Plexine-A1 et Sema6D et pour lequel aucun mécanisme compensatoire ne semble exister, il n’est pas exclu que ce mécanisme implique d’autres Sémaphorines ou Plexines. Elles pourraient servir de régulateur de l’interaction Sema6D / Plexine-A1 ou leur signalisation être elle-même régulée par celle entre Plexine-A1 et Sema6D. Il serait par exemple intéressant de regarder si une Sémaphorine 3 par exemple serait impliquée. Elle pourrait ainsi constituer un chimio-attracteur ou chimio-répulsif normalement inoffensif sur les axones rétiniens s’ils expriment Sema6D et Plexine-A1, leur interaction bloquant celle avec la Sema3. L’absence de Plexine-A1 ou Sema6D rendraient les axones sensibles à cette molécule de guidage par exemple.

Par électroporation in utero de shARN contre Sema6D ou Plexine-A1 dans la rétine, nous avons montré que chacune d’entre elle était indispensable dans la rétine pour la bonne innervation du CGLd par les axones rétiniens. Néanmoins, le fait que l’électroporation in

utero dans la rétine de souris de shARN ait provoqué des défauts de ciblage dans la carte

œil-spécifique comparables à ceux observés chez les souris KO, n’indique pas que leur expression dans la rétine est suffisante à la bonne innervation du CGLd. Pour prouver cela, un sauvetage du phénotype serait nécessaire chez les souris KO grâce à l’expression rétinienne par électroporation de Sema6D ou Plexine-A1. Ainsi il est tout à fait possible que Sema6D et Plexine-A1 soient également nécessaires dans le CGLd. Cela signifierait un mécanisme complexe impliquant par exemple une compétition entre ligands présents sur les axones rétiniens et ceux présents dans le CGLd, les uns pouvant inhiber ou permettre l’interaction avec les autres. Cependant, cette expérience est difficile à réaliser car la surexpression de Sema6D ou Plexine-A1 ayant un phénotype similaire, il serait difficile de contrôler le taux d'expression de Sema6D ou Plexine-A1 dans la rétine chez le mutant correspondant, ce qui induirait probablement un phénotype mutant dans tous les cas.

En dehors du CGLd, d’autres structures pourraient être impliquées dans cette signalisation, comme les vaisseaux sanguins. En effet, Sema6D et Plexine-A1 comme d’autres Sémaphorines et Plexines ont été associées à certains mécanismes d’angiogénèse et en particulier dans le cancer gastrique (Lu et al., 2016). Il a ainsi été mis en évidence que Sema6D et Plexine-A1 sont fortement exprimées dans les cellules épithéliales vasculaires dans le cancer gastrique et que leur interaction favoriserait l’angiogénèse tumorale dans ce cancer via l’activation de VEGFR2 (Lu et al., 2016). Or, d’autres études ont mis en évidence une relation étroite entre le développement du système vasculaire et celui du système nerveux. Concernant les axones rétiniens par exemple, les souris déficientes en Nrp1 ou en VEGF-A pouvant interagir avec Nrp1 présentent des défauts d’organisation des axones au niveau du chiasma et du tractus optique ainsi que des défauts vasculaires dans le cerveau. Si la Nrp1 est importante dans les CGRs pour le croisement du chiasma et leur fasciculation dans le tractus optique, Nrp1 est également importante dans les cellules endothéliales pour l’organisation des axones rétiniens dans le tractus optique (Erskine et al., 2011). En effet, une ablation de Nrp1 uniquement dans les cellules endothéliales induit la formation de zones « d’exclusion » des axones au sein du tractus optique, mais n’affecte pas leur croisement au chiasma. Les mêmes défauts d’organisation des axones sont observés chez les souris mutantes Vegfa 120/120 ou

Vegfa 188/188 qui présentent des défauts de vascularisation. Dans ce mécanisme impliquant

Nrp1 et VEGF-A, il semblerait que les vaisseaux sanguins ne repoussent pas les axones comme observé par des études in vitro, mais ils constitueraient peut-être une barrière physique pour les axones en développement (Erskine et al., 2011).

Dans notre mécanisme de ciblage impliquant Sema6D et Plexine-A1, une interaction avec des vaisseaux sanguins ectopiques ou non, avoisinant les régions ectopiques du CGLd innervées par des projections rétiniennes reste à envisager. En effet, une telle interaction pourrait expliquer cette localisation étrange des projections ectopiques de l’autre côté du tractus optique. Ainsi il se pourrait que des vaisseaux sanguins ectopiques constituent une barrière en bordure du CGLd que ne peuvent franchir certains axones, se retrouvant ainsi en dehors du CGLd. Un effet répulsif ou attractif de vaisseaux sanguins normaux n’est pas non plus à exclure. Dans ce cas, certains axones deviendraient soit sensibles soit insensibles à ces facteurs lorsqu’ils n’expriment plus Sema6D ou Plexine-A1, les attirant ou les repoussant ainsi à la périphérie du CGLd.