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Interactions inter-axonales et mécanismes de ciblage

Nos expériences de knock-down de Sema6D et Plexine-A1 dans la rétine ont montré un effet non-cellulaire autonome de ces protéines dans le ciblage du CGLd par les axones rétiniens et ce même entre axones provenant d’un œil différent. Cela nous suggère qu’il existe une communication inter-axonale le long du tractus otique, seule portion de trajet partagée par ces types d’axones avant d’innerver le CGLd. Les interactions axone-axone ont souvent été reliées à des phénomènes de fasciculation, permettant un espacement régulier ainsi qu’une disposition parallèle et rapprochée des fibres au sein d’un nerf ou d’un tractus (Tang et al., 1992, 1994; Wang et al., 2011; Jaworski & Tessier-Lavigne, 2012). Cependant chez nos souris Plexine-A1 -/- et Sema6D -/-, nous n’avons pu observer de défauts de fasciculation des axones rétiniens dans le tractus optique, avant leur arrivée dans le CGLd (données non montrées). Cela peut s’expliquer de deux manières : (1) le mécanisme d’interaction inter-axonale suggérée entre les axones rétiniens via Plexine-A1 et Sema6D est un mécanisme important pour le ciblage mais n’intervient pas dans celui de la fasciculation, ou (2) ces 2 mécanismes peuvent être liés mais le nombre d’axones étant affectés par ce mécanisme entre Plexine-A1 et Sema6D étant très faible comparé à l’ensemble des axones rétiniens dans le tractus optique, un défaut de fasciculation les concernant n’a pas pu être distingué.

Il semblerait d’après nos résultats que l’interaction inter-axonale entre Plexine-A1 et Sema6D soit indispensable pour un mécanisme de guidage précis de certains axones rétiniens dans le CGLd. Un tel mécanisme fait écho à de récents travaux mettant en avant une fonction de pré-ciblage des interactions entre axones au sein du tractus. Cela a ainsi été montré par exemple dans la mise en place de la topographie dans le CS, qui nécessite l’interaction entre les axones rétiniens via l’éphrine-A5 (Suetterlin & Drescher, 2014). De même dans le développement des neurones olfactifs chez la souris, la signalisation inter-axonale entre Sema3A et Npn1 régule le tri des axones des OSNs le long du nerf olfactif (Imai et al., 2009), et celle entre Sema3F et Npn2 semble elle réguler la topographie des OSNs le long de l’axe dorso-ventral dans le bulbe olfactif (Takeuchi et al., 2010). Ce dernier exemple de signalisation inter-axonale irait de pair avec l’idée que des axones pionniers guident d’autres axones arrivant plus tard via des interactions inter-axonales. En effet, la Sema3F serait sécrétée par les axones arrivant en premier dans le bulbe au niveau antéro-dorsal et repousserait les axones exprimant Nrp2 arrivant plus tard (Takeuchi et al., 2010).

Grâce à nos expériences d’électroporation in utero de shARN contre Plexine-A1 ou Sema6D dans la rétine, nous avons remarqué qu’un très petit nombre d’axones perturbés par l’absence de Sema6D ou Plexine-A1 à leur membrane était capable de perturber beaucoup d’axones dans le tractus optique. Cette observation nous suggère que les shARN auraient affecté certains axones pionniers dans l’innervation du CGLd et qu’une interaction via Plexine-A1 et Sema6D entre eux et les autres axones régulerait leur ciblage précis dans le CGLd. Cette idée d’axones pionniers dans l’innervation du CGLd a déjà été évoquée depuis bien longtemps chez le hamster, dans lequel on observe plusieurs « vagues » d’axones allant innerver le CGLd (Jhaveri et al., 1996). Il serait intéressant de regarder chez nos souris Sema6D-/- et Plexine-A1-/- comment se comportent les axones durant ces différentes vagues d’innervation. Nous pourrions ainsi tracer à différents âges embryonnaires (entre E14 et P0) les axones rétiniens par injection de DiI.

De plus, si nos résultats concernant la surexpression de Sema6D et Plexine-A1 dans la rétine se confirment, indiquant qu’un taux optimal de Sema6D et Plexine-A1 dans la rétine est nécessaire pour ces mécanismes de ciblage via des interactions axones-axones, cela pourrait également s’expliquer par cette hypothèse d’axones pionniers. Nous pourrions ainsi imaginer un mécanisme de type « fermeture éclair » entre axones pionniers et les autres axones afin de les guider pour rester en périphérie du CGLd et/ou pour entrer dans celui-ci via des collatérales au lieu d’innerver des régions de l’autre côté du tractus optique. Cette comparaison avec une « fermeture éclair » (présentée en Figure 23) illustre bien le fait qu’un taux optimal de Sema6D et Plexine-A1 serait important pour ce guidage inter-axonal. En effet, chaque Sema6D serait complémentaire d’une Plexine-A1 sur l’axone voisin avec un même espacement, formant ainsi une « dent » de fermeture éclair. Si un taux trop important de Sema6D ou de Plexine A1 est exprimé sur l’axone pionnier ou sur les 2 axones, cela gênerait la parfaite interaction tout le long de l’axone entre axone pionnier et axones guidés, menant à des défauts de ciblage. De même si Sema6D ou Plexine-A1 ne sont pas assez exprimées sur l’axone pionnier ou les deux axones, cela gênerait également leur interaction et leur guidage le long des premiers, les laissant innerver des régions anormales du CGLd (Figure 23). Il serait intéressant de pouvoir effectuer un marquage immunologique de Plexine-A1 et Sema6D le long des axones rétiniens et d’observer à très forte résolution leur répartition uniforme ou non. Mais pour l’instant nous ne disposons pas d’anticorps permettant de marquer convenablement Sema6D et Plexine-A1 par immunohistochimie.

Figure 23 : Modélisation du mécanisme ayant probablement lieu entre Sema6D et Plexine-A1 le long des axones rétiniens pour leur permettre de cibler correctement le CGLd.

Dans ce modèle deux axones rétiniens voisins sont représentés par les brins d’une fermeture éclair. Plexine-A1 et Sema6D correspondent, elles, aux dents complémentaires de la fermeture éclair. Une fermeture éclair fermée indique une interaction parfaite entre les deux axones. Suite à cela, les projections rétiniennes dans le CGLd ne présentent aucun défaut de ciblage, comme observé chez les souris Wild-Type. En interagissant parfaitement ensemble, l’un des deux axones peut ainsi guider l’autre vers sa cible si c’est un axone dit “pionnier”, à moins qu’ils se guident mutuellement. (A) Schématisation de l’effet dose dépendant. Dans les différentes souris mutantes pour Sema6D ou Plexine-A1, la diminution de l’expression de ces protéines est associée à un phénotype de plus en plus fort. Ce modèle représente le fait qu’une diminution de l’expression de ces protéines revient à vouloir fermer une fermeture éclair avec des dents manquantes. De ce fait, moins il y a de dents, moins l’interaction est qualitative et plus il y a des projections ectopiques, expliquant ainsi les phénotypes observés dans le CGLd. (B) Schématisation de l’effet non cellulaire autonome. Dans les souris electroporés afin de diminuer ou d’augmenter le taux d’expression de sema6D ou de Plexine-A1 dans certains axones rétiniens, nous retrouvons également ce même phénotype de défaut de ciblage avec des projections ectopiques de l’autre coté du tractus optique. Ce modèle représente là encore le fait que le manque de dents sur l’un des axones de même que la présence de dents supplémentaires empêchent la fermeture parfaite d’une fermeture éclair, conduisant ici à des défauts de ciblage. C’est pourquoi l’altération de l’expression de l’une de ces protéines dans certains