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CHAPITRE I PARTIE THÉORIQUE

4. Les liens fragilité – dénutrition – déglutition

4.3. Liens fragilité déglutition

Les études portant sur les liens fragilité – déglutition sont rares. Au contraire, nombreuses sont celles qui disent s’intéresser à ce lien mais qui traitent en réalité de la déglutition dans le contexte de la dépendance. Cela est probablement dû au manque de définition unanimement acceptée pour la fragilité. C’est pourquoi la prudence est de mise. Nous rappelons qu’en raison de la qualité de « gold standard » de la définition de Fried, c’est celle que nous considérons dans ce travail. Malgré ces biais, la déglutition et la fragilité sont également reliées.

Comme nous l’avons évoqué plus haut, la sarcopénie constitue une cause conséquente de la fragilité. La perte de poids est un des marqueurs de fragilité du phénotype de Fried, modèle que nous avons vu être le plus reconnu. Selon Fried et al. (2004), la dénutrition est le symptôme le plus associé à la fragilité. Nous avons vu précédemment les relations qui existent entre la dénutrition et les troubles de la déglutition. Pourtant, si de nombreux professionnels de santé sont cités comme étant concernés par la problématique de la fragilité, cela n’est pas le cas de l’orthophoniste (Theou & Kloseck, 2007). Lorsqu’une personne est entrée dans la fragilité, de nombreux domaines nécessitent une surveillance – voire des actions – en raison de la multiplicité des systèmes touchés dont la nutrition (HAS, 2013). Rolland (2016) décrit des recommandations nutritionnelles auprès de plus de la moitié des sujets fragiles. Pourtant, il n’est fait mention nulle part d’une évaluation de la déglutition.

Un autre critère reliant la fragilité à la déglutition est la réduction de l’activité physique. Elle serait en effet liée au développement de la dysphagie selon Maeda et al. (2016). Selon une autre étude, les capacités de déglutition sont affectées par les déficits de force et de volume des muscles squelettiques et la réduction de la fonction physique ; cette réduction musculaire squelettique ainsi que celle de la force de poigne sont en lien avec la dysphagie (Maeda & Akagi, 2016). Selon Sakai et al. (2017), la pression linguale est liée au statut nutritionnel et à la force de poigne, et cela d’autant plus chez les sujets qui ne sont pas en parfaite santé.

Les troubles de la déglutition peuvent avoir des conséquences sur la fragilité de Fried, voire l’initier. 38% des patients fragiles présentaient une dysphagie. Sur un an, plus de 60% des sujets masculins avec une dysphagie oro-pharyngée ont perdu en force de poigne, contre 40% de ceux sans dysphagie. Cela montre un effet de la dysphagie sur la

force musculaire. Cette réduction de la force musculaire, marqueur de la fragilité, peut promouvoir à son tour les troubles de la déglutition. Ainsi, il est probable que la dysphagie participe à l’inauguration de la fragilité (Serra-Prat et al., 2012).

La fragilité a donc elle-aussi des répercussions sur la déglutition. Les personnes fragiles ont souvent perdu beaucoup de poids. Cela favorise les pneumonies d’aspiration (Almirall et al., 2008). D’un autre côté, la diminution de la force de poigne est, comme nous l’avons vu, un des marqueurs du phénotype de fragilité. Certains marqueurs de fragilité (de Fried) induisent de ce fait des répercussions sur la déglutition. Il existe ainsi un lien entre la force de poigne, la force physique et la force linguale. Or, la puissance linguale joue un rôle évident dans la fonction de déglutition, notamment pour le contrôle et la propulsion du bolus. Dans cette étude, les patients avaient deux fois plus de risques de présenter une dysphagie en cas de force de poigne faible, tandis que la vitesse de marche n’avait pas d’effet sur le développement de la dysphagie (Hathaway et al., 2014). Cela est cependant à nuancer. Ces résultats n’ont été mis en évidence que dans l’analyse univariée et non dans la multivariée. Mais la fragilité est possiblement un facteur de risque de dysphagie.

Semba et al. (2006) montrent que la réduction de la qualité de l’état dentaire, les troubles de mastication et de déglutition qu’elle entraîne sont reliés à la réduction de l’index de masse corporelle et par conséquent à la dénutrition, la fragilité et à plus long terme la mortalité

Enfin, il semble y avoir un lien entre dysphagie et pré-fragilité (González- Fernández, Humbert, Winegrad, Cappola, & Fried, 2014). Dans cette étude, environ 23% des sujets vivant à domicile et présentant une dysphagie étaient non fragiles, 70% étaient pré-fragiles et 6% étaient fragiles. Si cette étude préconise plus de recherches pour établir un lien entre fragilité et dysphagie, elle semble tout de même aller dans ce sens. Les auteurs attribuent l’absence de lien établi à la taille, trop réduite, de l’échantillon, ou à la possible mortalité substantielle de ces personnes.

Il existe des liens bidirectionnels entre la dysphagie et la fragilité. Les études sont encore trop peu nombreuses, tout comme les moyens mis en œuvre pour éclaircir ces relations. Toutefois il semble clair qu’une causalité existe, de même qu’un cercle vicieux qu’il faut contrer.

La dysphagie, la dénutrition et la fragilité sont interdépendantes. Les liens entre ces trois notions clés mériteraient davantage de recherches pour une meilleure compréhension, mais il semble évident que chacune a une influence sur les autres, et réciproquement.

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