• Aucun résultat trouvé

7. DISCUSSION

7.6. Effet de la répétition des simulations

7.6.3. Lien entre stress et performance lors de la répétition des simulations

L’analyse de l’effet de la répétition de la simulation sur le stress et la performance a permis de mieux comprendre la relation qui les lie entre eux. D’une part le stress analysé par les paramètres électro- physiologiques a augmenté sans modification du stress ressenti dès la 2e séance, et de la même manière dans les deux groupes, c’est-à-dire indépendamment de la fréquence de répétition. D’autre part, la performance augmentait dans le groupe expérimental, tandis qu’elle restait stable dans le groupe contrôle. En suivant le lien démontré entre stress et performance selon la loi de Yerkes et Dodson, une explication à ces constatations pourrait être la mise en place de mécanismes de gestion de stress dès le début de la répétition des simulations. Le stress pourrait être un phénomène d’adaptation dans le but d’améliorer la performance. Wetzel avait montré que le niveau de stress et les mécanismes de gestion de stress influençaient la performance chirurgicale en simulation (Wetzel 2010). Cette hypothèse pourrait expliquer l’élévation rapide de la performance dès la deuxième séance de simulation dans le groupe expérimental. Cela pourrait expliquer également un mécanisme d’action du stress sur la performance, sans pour autant qu’il y ait une corrélation entre les paramètres de stress et les mesures de performances. Demaria avait montré que l’apport d’agents stresseurs en simulation améliorait la performance lors de la réanimation d’arrêts cardiaques (Demaria 2010). Cependant, le mécanisme d’action du stress sur la performance pourrait être différent selon la fréquence de simulation. En se basant sur la théorie d’un décalage possible de la

137 courbe de Yerkes et Dodson vers la droite lors de l’évaluation de la performance sous certaines conditions de stress (Chaby 2015), une hypothèse pourrait permettre d’expliquer l’augmentation du stress et de la performance dans le groupe expérimental, tandis que le stress augmente sans modification de la performance dans le groupe contrôle. Cette modélisation du lien stress- performance concerne les paramètres électro-physiologiques du stress. Il n’y avait pas de modification des autres paramètres du stress durant la simulation.

L’augmentation du stress et de la performance qui a été observée dans le groupe expérimental, c’est-à-dire, lors de la répétition des simulations toutes les six semaines, pourrait être en faveur d’un déplacement sur la partie ascendante de la courbe de Yerkes et Dodson, ce qui aurait pour conséquence une augmentation de la performance associée à celle du niveau de stress (Figure 49.A). Ce schéma est en faveur de notre modèle 1 de relation entre le stress et la performance (Cf. chapitre 3.2.3). Dans ce cas, l’évolution se ferait sur la phase ascendante de la courbe, ce qui sous-entend que le niveau de stress appliqué dans cette recherche était adapté et non dépassé.

La répétition des simulations tous les six mois, pour le groupe contrôle augmentait le niveau de stress, ce qui correspondrait également à un mécanisme d’adaptation, mais associé à un niveau de performance inchangé. Cette éventualité est en faveur de notre modèle 2 avec un déplacement vers la droite de la courbe de Yerkes et Dodson (Figure 49.B). Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de modélisation équivalente. Celle-ci pourrait aider à mieux comprendre la relation complexe qui existe entre le stress et la performance. Elle impliquerait l’action de facteurs extrinsèques pour déplacer la courbe vers la droite. Un des facteurs pourrait être l’impact mémoriel de l’entrainement par simulation. Des entrainements trop espacés dans le temps, pourraient induire une baisse de l’impact mémoriel de l’apprentissage acquis au cours des séances précédentes. La perte des acquis après formation en simulation a déjà été décrite avec une hétérogénéité dans la durée. Blumenfeld estimait une perte de 20% des connaissances à partir de trois ans chez la moitié des participants (Blumfeld 1998). Dans des études plus récentes, avec une évaluation plus précoce du maintien de connaissances et compétences pour les formations du personnel soignant dédiées à l’urgence, il semblerait que le déclin des acquis se produise dans un délai de trois (Smith 2008) à six mois (Semeraro 2006, Yang 2012). Par ailleurs, cette perte des acquis touche plus les tâches complexes que les plus simples (Pemberton 2013).

138 Figure 49 : Evolution de la loi de Yerkes et Dodson lors de la répétition des simulations

Légende :

Aucune amélioration de la performance n’était observée dans le groupe contrôle. Dans le groupe expérimental, à partir de la 7e séance tous les scores de pose de voie intra-osseuse pouvaient être

considérés comme satisfaisants pour toutes les équipes (> 75/100), et lors de la 9e (donc dernière)

séance, tous les leaders avaient une performance de plus de 60/100 avec une performance de plus de 50/100 pour les équipes. On peut donc considérer, d’après ces résultats, que la répétition des séances de simulation pour un événement rare doit être au minimum toutes les six semaines afin de permettre une progression des équipes pour les compétences les plus complexes.

En pratique une telle répétition de simulations pour tous les soignants des urgences requerrait un temps d’investissement important de la part des formateurs et des apprenants. D’ailleurs, le questionnaire d’auto-évaluation avait révélé que les participants (quel que soit le groupe auquel ils appartenaient) souhaitaient majoritairement refaire deux ou trois séances de simulation annuelles. Cette fréquence serait probablement insuffisante pour améliorer la performance, mais reflète bien la difficulté ressentie à réaliser davantage d’entrainements en simulation dans le contexte organisationnel actuel. Il ne faut pas oublier que tous les participants de notre étude ont été inclus sur leurs jours de repos sans qu’ils soient précédés d’un jour de garde afin de ne pas modifier les paramètres de stress.

139 Nos conclusions seraient en faveur d’une répétition fréquente des séances de simulation, et cela mériterait une évaluation financière de l’investissement nécessaire afin d’en mesurer l’efficience réelle auprès des patients. Cette stratégie de répétition très fréquente des séances de simulation pluri-professionnelle est déjà utilisée dans certains services américains en routine pour tous les agents d’un service, toutes les quatre semaines, avec une programmation sur le temps de travail du personnel (Pr Peter Weinstock, Pediatric Intensive Care Unit, Boston Children’s Hospital).

Documents relatifs