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Lien avec la seconde quantification

Établissons le lien entre première et seconde quantification ; en particulier il est nécessaire de pouvoir traduire les opérateurs de mesure de la seconde vers la première quantification, et d’établir à quelle condition l’inverse est possible. Dans les deux cas l’espace total s’écrit comme somme directe des espaces à n photons ; pour la suite de cette sous-section nous travaillons uniquement sur l’espace des états à n photons, avec n fixe.

3.1.4.1 Base de la seconde quantification

Nous avons vu que pour le sous-espace des états à 1 photon, première et seconde quantifications sont identiques ; ça n’est bien sûr pas le cas quand n>1. Effet, l’espace de Hilbert que nous avons obtenu est beaucoup plus grand que celui de la seconde quantification car nous n’imposons pas d’invariance par permutation.

Introduisons l’opérateur ˆPσ associé à une permutation σ∈ Sn, défini par son action

sur la base, ainsi que l’opérateur de symétrisation ˆS : ˆ Pσ|t1, t2, . . . , tni = tσ(1), tσ(2), . . . , tσ(n) E ˆ S = 1 n!σ

∈S n ˆ Pσ

36 p r é s e n tat i o n e t é ta b l i s s e m e n t d u m o d è l e

Leurs propriétés sont bien connues [14] ; entre autres ˆP

σest unitaire tandis que ˆS est un

projecteur orthogonal.

Nous appelons « état symétrique » tout état|ψitel que∀σ, ˆPσ|ψi = |ψi. L’ensemble

des états symétrique est également le sous-espace sur lequel projette ˆS. Ce sont les états utilisés par la seconde quantification.

En multipliant la condition ˆPσ|ψi = |ψipar chaque bra de la base et en effectuant la

permutation sur celui-ci, on montre que cela se traduit sur la fonction d’onde par : ∀σ∈ SN, ∀t1, t2, . . . , tn, ψ(tσ(1), tσ(2), . . . , tσ(n)) =ψ(t1, t2, . . . , tn)

Ainsi, les états décrits par une amplitude de probabilité invariante par toute permutation de ses arguments sont symétriques. Insistons sur le fait qu’en première quantification nous gardons le sous-espace orthogonal à celui des états symétriques.

La base canonique des vecteurs symétriques est celle de la seconde quantification ; elle est composée des vecteurs définis par :

||t1, t2, . . . , tni = ˆ S|t1, t2, . . . , tni ˆS|t1, t2, . . . , tni (3.8)

Pour chaque vecteur de la base de première quantification, sa projection sur le sous- espace de vecteurs symétriques est à normalisation près un vecteur de la base de seconde quantification. Soit||t1, t2, . . . , tni un vecteur cette dernière. On notera par convention6 :

ˆ S−1(||t1, t2, . . . , tni ) =  xBase de 1requantification, ˆSx||t 1, t2, . . . , tni Remarquez que l’espace généré par cette famille n’est pasx, ˆSx∝||t1, t2, . . . , tni . Ce

dernier est plus grand et contient tous les vecteurs du noyau de ˆS (l’orthogonal aux vecteurs symétriques).

Par ailleurs, en prenant un élément de la base|t1, t2, . . . , tnion montre, par l’absurde

pour une inclusion et de manière directe pour l’autre, que : ˆ

S−1(||t1, t2, . . . , tni ) =

ˆ

Pσ|t1, t2, . . . , tni, σ∈ Sn

Remarque. L’orthogonal de l’ensemble des états symétriques se détermine facilement. En effet nous avons défini ce dernier comme étant :

\

σ∈Sn

Ker[Pˆσ−1]

Ainsi son orthogonal est7

: \ σ∈Sn Ker[Pˆσ1] ! =

+

σ∈Sn Ker[Pˆσ1]

Or les ˆPσsont unitaires donc diagonalisables via une matrice de passage unitaire ; de plus

on peut montrer que ses seules valeurs propres sont 1 et−1 [14]. Ainsi Ker[Pˆ

σ−1]

= Ker[Pˆσ+1]. Et donc l’orthogonal des vecteurs symétriques est généré par les x tels qu’il

existe σ∈ Sn avec ˆPσx= −x. ♦

6. ˆS n’est pas inversible et la notation utilisée ici n’est pas non plus celle de l’image réciproque d’un sous-espace vectoriel.

7. Ce qui est présenté ici est valable en dimension finie. Pour l’étendre au cas général il faudrait vérifier que les opérateurs de permutation sont continus ; et il n’y a en principe qu’une inclusion dans le sens⊃, et en prenant l’adhérence du membre de droite.

3.1 description des états 37

3.1.4.2 Opérateurs

Voyons maintenant comment effectuer la correspondance entre les opérateurs de seconde et de première quantification.

Soit ˆAIIun opérateur de mesure de la seconde quantification. Nous nous limitons à

ce qui sera utile pour la suite : on suppose que les éléments de la base canonique des états symétriques sont les vecteurs propres de l’opérateur. Cela signifie en particulier que ˆAII garde stable l’espace des états à n photons et qu’il est local en temps. Ainsi ˆAII

est tel que :

ˆ

AII||t1, t2, . . . , tni =a(t1, t2, . . . , tn)||t1, t2, . . . , tni

où la valeur propre a(t1, t2, . . . , tn) =

t1, t2, . . . , tn ˆAII t1, t2, . . . , tn

est une fonction symétrique par toute permutation de ses arguments, et est connue.

La question qui se pose est de définir ˆAI, un opérateur de première quantification tel

que celui-ci décrive la même physique. Le choix que nous effectuons est de définir ˆAI

sur notre base de travail de la manière suivante : ˆ

AI|t1, t2, . . . , tni =a(t1, t2, . . . , tn)|t1, t2, . . . , tni (3.9)

Remarquez que grâce à la symétrie de a(. . .) par toute permutation de ses ar- guments cette définition implique qu’avec |eii et

ej

deux vecteurs de la famille ˆ S−1(||t 1, t2, . . . , tni ), ei ˆAI ej =a(t1, t2, . . . , tn)δi,j

Ainsi pour tout vecteur x normé de l’espace généré par ˆS−1(||t1, t2, . . . , tni ),

x†AˆIx= a(t1, t2, . . . , tn)

Cela permet donc d’utiliser n’importe quel vecteur de cet espace, symétrisé ou non, et d’obtenir les mêmes prévisions que celles de la seconde quantification. Ainsi avec un opérateur de première quantification de la forme donnée par l’équation (3.9), il est inutile de travailler avec des états symétrisés. Cela est valable même quand l’opérateur n’a pas été obtenu à partir de son équivalent en seconde quantification.

Remarquez par ailleurs que de par la définition (3.9),

σ∈ Sn, ˆAIPˆσ|t1, t2, . . . , tni =a(t1, t2, . . . , tn)Pˆσ|t1, t2, . . . , tni

et donc :

σ∈ Sn, ˆPσ†AˆIPˆσ|t1, t2, . . . , tni =a(t1, t2, . . . , tn)|t1, t2, . . . , tni = AˆI|t1, t2, . . . , tni

ce qui permet de conclure que :

σ∈ Sn, ˆPσ†AˆIPˆσ= AˆI (3.10)

Remarque. Étant donné un opérateur en première quantification, la condition (3.10) est nécessaire mais pas suffisante pour avoir l’opérateur de la forme (3.9). En effet, elle ne garantit pas que les vecteurs de la base soient propres, mais uniquement que la valeur propre est invariante par permutation lorsqu’ils le sont. Explicitons un contre-exemple.

38 p r é s e n tat i o n e t é ta b l i s s e m e n t d u m o d è l e

On se place dans le cas de deux qbits à deux emplacements. On considère un opérateur ˆ

A tel que :

h01||01i = h01||10i = h10||01i = h10||10i =1 On vérifie qu’il respecte bien (3.10). Mais alors :

 |01i + |10i √ 2 Aˆ |01i + |√210i  =2

et donc le vecteur symétrisé donne des prédictions physiques différentes de celles de la

base. ♦

Remarque. Une alternative à ce que nous venons de présenter serait de choisir d’inclure l’orthogonal des états symétriques dans l’espace propre pour la valeur propre 0. Cela donne bien les mêmes résultats de mesure pour les états symétriques, mais rend plus compliquée l’interprétation car un vecteur de la base et son symétrisé ne donnent pas le

même résultat de mesure. ♦

3.1.5 Résumé

Nous avons vu comment passer de la seconde quantification à la première. Pour le sous-espace des états à n photons, notre base (qui n’en est pas vraiment une) de travail est constituée par les états|t1, t2, . . . , tni, qui sont normalisés selon :

t1, t2, . . . , tn t0 1, t02, . . . , t0n =δ(t1−t01)δ(t2−t20). . . δ(tn−t0n)

On peut écrire un état générique de ce sous-espace avec une fonction d’onde bien normalisée.

Compte tenu des choix effectués, tant que les opérateurs de mesure sont de la forme (3.9), nous n’avons pas besoin d’utiliser des états symétrisés pour avoir les mêmes prédictions que la théorie habituelle utilisant la seconde quantification. On vérifie qu’un opérateur est bien de la forme (3.9) en contrôlant qu’il est diagonal dans la base canonique avec des valeurs propres invariantes par toute permutation des différents temps.

3.2

n o tat i o n s

Fixons quelques notations qui seront utilisées dans toute la partie. Un P majuscule est utilisé pour une probabilité ; les densités (temporelles) de probabilités sont notées p minuscule. D’autres lettres peuvent être utilisées mais ça sera toujours en majuscule pour une probabilité et minuscule pour une densité de probabilité.

Pour ne pas confondre les différents types de temps, qui jouent des rôles différents, on adopte les conventions suivantes :

— t en minuscule (avec éventuellement des indices) est utilisé pour le temps décrivant l’état de la lumière. Par exemple on notera´ ψ(t)|tidt.

— T en majuscule désigne le temps au déclenchement du capteur. C’est donc une variable aléatoire, qui servira également de variable aux fonctions de densités de probabilité, et opérateurs associés.

3.3 densité temporelle d’opérateurs 39

— τ = Tt désigne un délai de détection. C’est donc également une variable aléatoire.

Ces notations seront rappelées dans lafigure 3.2.

Par ailleurs, maintenant que nous utilisons la première quantification nous avons tout à fait le droit d’indexer des photons. Nous allons discuter de temps de détection. La convention utilisée est de parler de « premier, second . . . » quand il s’agit d’un ordre chronologique et « numéro 1, 2 . . . » pour désigner l’étiquette du photon.

3.3

d e n s i t é t e m p o r e l l e d’opérateurs

Nous souhaitons décrire un détecteur on/off en prenant en considération le temps auquel celui-ci clique. Ainsi, les différents résultats possibles de la mesure sont les temps de clic, ou bien l’absence de clic. La mesure a donc un continuum de résultats possibles. Nous ne pouvons donc pas utiliser tel quel le formalisme des opérateurs positifs de mesurePOVMvus ensection 2.2car ceux-ci sont adapté à des résultats discrets.

3.3.1 Définition

Autour de chaque instant T les résultats possibles de la mesure sont8

« le capteur s’est déclenché » ou « le capteur ne s’est pas déclenché ». La probabilité de déclenchement est proportionnelle à la taille de l’intervalle de temps infinitésimal sur lequel on travaille. On utilise donc une densité de probabilité. Celle-ci doit pouvoir se calculer directement à partir de l’état quantique, représenté par une matrice densité. On va donc définir une densité d’opérateurs de mesure.

Durant tout intervalle de tempsT , le capteur peut se déclencher ou ne pas le faire. C’est donc une mesure binaire, descriptible par desPOVM, qu’on appelle respectivement

ˆ Πon

(TT)et ˆΠoff

(T T). Par définition duPOVM, la probabilité que la photo-diode

se déclenche durant l’intervalleT pour un état ρ est : Pon

(T ∈T , ρ) =TrΠˆon

(TT)ρ Pour un état ρ donné, la densité de probabilité T 7→ pon

(T, ρ), quand elle existe, vérifie par définition :

∀T ⊂R, Pon (T∈T , ρ) = ˆ T∈T pon (T, ρ)dT

De manière similaire on définit, quand c’est possible, la densité dePOVMT7→ πˆon(T) selon la propriété suivante :

∀T ⊂R, Πˆon (T∈ T) = ˆ T∈T ˆ πon(T)dT (3.11)

8. On rappelle que le temps mort est pris en compte en considérant que la mesure est finie après chaque clic. Ainsi au plus un clic est possible.

40 p r é s e n tat i o n e t é ta b l i s s e m e n t d u m o d è l e

La trace et l’intégrale commutant, Pon (T ∈T , ρ) = ˆ T∈T Tr[πˆon(T)ρ]dT Ainsi : ∀T ⊂R, ˆ T∈T pon (T, ρ)dT= ˆ T∈T Tr[πˆon(T)ρ]dT

Et donc presque partout :

pon

(T, ρ) =Tr[πˆon(T)ρ] (3.12) Cette propriété fondamentale nous indique comment obtenir directement la densité de probabilité à partir de la densité dePOVM. Cette dernière est donc suffisante pour décrire la mesure continue.

Par ailleurs comme pon

(T, ρ) doit être réelle et positive, pour tout T l’opérateur ˆ

πon(T)est hermitien positif.

Remarque. Dans la suite nous ferons parfois l’abus de langage consistant à parler de

«POVM» au lieu de « densité temporelle dePOVM». ♦

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