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Lien entre composition et fonction des communautés microbiennes

Chapitre III – Vers une microbiologie du paysage : le cas

5. Lien entre composition et fonction des communautés microbiennes

Les méthodes utilisées au cours de cette thèse permettent de caractériser les communautés microbiennes d’un point de vue phylogénétique. Bien que ces approches permettent d’identifier les taxons présents dans les communautés et les facteurs responsables de leurs structures, elles n’apportent que peu de renseignements sur le rôle des micro-organismes dans l’écosystème. Dans ce contexte, il existe plusieurs alternatives permettant de lier la structure phylogénétique à la structure fonctionnelle des communautés microbiennes (Table 3).

Premièrement, il est possible de caractériser la capacité d’utilisation de substrats (e.g. SIGR, BIOLOG) et les activités enzymatiques de souches isolées (Table 3, Torsvik and Ovreas, 2002; Prosser, 2007). La détection de production ou résistance aux antibiotiques peut également renseigner sur la compétitivité de la souche. Cependant, ces méthodes ne permettent pas de déterminer la fonction qu’occupe la souche dans son environnement. En effet, les performances métaboliques de la souche in situ peuvent être influencées par ses interactions avec les autres organismes (e.g. compétition, inhibition de croissance) ou par les conditions environnementales. Par exemple, une même espèce de champignon mycorhiziens peut exercer des activités métaboliques extrêmement variables selon son milieu (Buee et al., 2007).

Enfin, bien que les techniques d’isolement connaissent des développements significatifs permettant d’accéder à des souches jusqu’alors non cultivables (Cardenas and Tiedje, 2008), elles demeurent inaptes à isoler la majorité des micro-organismes. Néanmoins, cette approche demeure la plus fiable dans la caractérisation des fonctions et des potentiels biotechnologiques des micro-organismes. L’ensemble de ces techniques de criblage serait tout

Discussion et Perspectives

à fait envisageable sur les inventaires de cultivables isolés des échantillons provenant du chapitre II.

Les autres techniques sont basées sur la biologie moléculaire (Table 3) et peuvent être divisées en trois catégories. Le premier type de méthodes consiste à étudier les gènes ribosomaux et en parallèle un ou plusieurs gènes fonctionnels d’intérêt (sous forme d’ADN ou d’ARNm) comme cela a été proposé pour les gènes impliqués dans la nitrification ou la dénitrification (revu dans Bothe et al., 2000) ou ceux codant pour la laccase, une enzyme extracellulaire impliquée dans la dégradation de composés carbonés complexes (Luis et al., 2004). Les microarrays reposent sur ce principe et sont plus exhaustives par criblage d’un grand nombre de gènes fonctionnels. Ces techniques présentent cependant le désavantage de ne suivre que des gènes déjà connus, et il est possible que les gènes ciblés ne représentent qu’une fraction minoritaire des gènes fonctionnels présents dans l’échantillon (Cardenas and Tiedje, 2008).

Discussion et Perspectives

Table 3 : Exemples d’approches permettant d’établir un lien entre la composition et la fonction des communautés microbiennes du sol. D’après Prosser, 2007.

Approches Description Avantages Inconvénients

Etudes physiologiques de souches isolées

Tests enzymatiques et suivi d’utilisation de substrats par photométrie ou fluorométrie

Potentiel métabolique des souches Avancées biotechnologiques.

Ne reflète pas les conditions in situ. Pas de renseignement sur les non cultivables.

Empreinte moléculaire ou clonage/séquençage de gènes fonctionnels à partir d’extraits d’ADN ou d’ARNm

Basé sur la PCR, approche ciblée. Estimation de l’abondance des gènes ciblés (ADN ou ARNm). Estimation du nombre de taxons capables d’assurer la fonction (ADN ou ARNm).

Estimation du niveau d’expression des gènes et donc de l’activité métabolique (ARNm).

Restreint à des gènes connus.

N’indique pas si les produits géniques sont fonctionnels in situ.

Microarray Criblage à haut débit des gènes

présents dans l’échantillon par hybridation de l’ADN ou ARNm.

Permet d’analyser simultanément les taxons et les gènes fonctionnels présents.

Restreint à des gènes connus

Métagénomique ou

Métatranscriptomique

Séquençage massif de l’ensemble de l’ADN ou de l’ARNm.

Permet d’accéder à des fonctions inconnues.

Information sur l’abondance relative des grands groupes taxonomiques leur activité métabolique.

Peut caractériser de voies métaboliques d’organismes non-cultivables.

Grande majorité des séquences de gènes ribosomaux.

Nombreuses séquences non

assignées.

Utilisation d’isotopes stables (SIP)

Utilisation de sources de carbone radio-marqué assimilable dans l’ADN, l’ARN, les acides phospolipidiques ou les protéines

Mise en évidence directe des liens entre la fonction et l’organisme responsable de cette fonction.

Observation des réseaux trophiques.

Limité à des substrats carbonés Information potentiellement noyée par les réseaux trophiques.

Discussion et Perspectives

Avec l’avènement des techniques de séquençage à haut débit, la métagénomique, basée sur l’ADN, permet de contourner cette limite en criblant l’ensemble des gènes présents dans l’échantillon. En comparant et réassemblant les séquences obtenues par rapport à des génomes de références, il est possible (i) de caractériser la structure phylogénétique des communautés microbiennes (gènes ribosomaux), (ii) d’identifier les gènes fonctionnels par homologie aux génomes de référence et (iii) d’identifier de nouvelles fonctions et (iv) de reconstruire des génomes d’organismes non cultivables. La métatranscriptomique permet quant à elle d’identifier les ARNm présents dans l’échantillon et donne donc accès au niveau d’expression des gènes fonctionnels (Prosser, 2007; Cardenas and Tiedje, 2008). Ce type d’approche est actuellement en cours de développement au laboratoire (Jean-Marc Bonneville, Tarafa Mustafa, Armelle Monier, LECA) dans l’optique de caractériser la fonction des micro-organismes des écosystèmes thermiques et nivaux, dont la structure phylogénétique a précédemment été caractérisée dans le chapitre II.

La demande croissante d’une caractérisation de la diversité et de la nature des fonctions présentes dans un sol a fait naître une nouvelle perspective pour la microbiologie environnementale : une approche basée sur les traits fonctionnels. Ce type d’approche est de plus en plus utilisé pour l’étude des macro-organismes, en particulier chez les plantes (Lavorel and Garnier, 2002). En effet, certaines caractéristiques morphologiques, biochimiques ou éco-physiologiques chez les végétaux reflètent la performance d’une espèce ou le type de fonction qu’elle peut occuper dans l’écosystème, tel que le taux de croissance (e.g. surface foliaire, longueur des racines) ou la décomposabilité (e.g. teneur en matière sèche ou rapport carbone/azote dans les feuilles).

L’un des challenges majeurs en écologie microbienne est donc d’identifier des traits microbiens donnant accès à leur fonction dans l’écosystème. Ces traits peuvent être mesurés

via l’ensemble des méthodes précédemment citées, par exemple par mesure des activités enzymatiques d’isolats. A partir de techniques plus récentes, certains auteurs ont proposé le nombre de gènes de synthèse d’antibiotiques, indiquant le degré de compétition dans l’environnement, ou celui des gènes impliqués dans la motilité, indiquant une plus grande compétitivité pour les ressources (revu dans Green et al., 2008a). De telles approches pourraient ainsi permettre une meilleure compréhension du fonctionnement des écosystèmes et de l’écologie de ces organismes. Les deux écosystèmes contrastés étudiés dans le chapitre II seraient par exemple de bons modèles pour tester les approches basées sur les traits sur communautés microbiennes, et pourrait en contre partie nous renseigner de façon significative sur les processus biogéochimiques se déroulant dans ces habitats.

Discussion et Perspectives

II. Facteurs régissant l’assemblage des communautés

microbiennes

Les chapitres II et III ont permis de mettre en évidence de forts contrastes dans la distribution spatiale et temporelle de la composition des communautés microbiennes alpines. Cette hétérogénéité résulte de mécanismes complexes s’opérant entre les communautés microbiennes et les conditions environnementales. L’ensemble de ces processus a une influence sur l’assemblage des communautés microbiennes à court et long terme, que nous nous proposons de discuter ici.