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Des effets à court terme: dynamique des communautés microbiennes

Chapitre III – Vers une microbiologie du paysage : le cas

1. Des effets à court terme: dynamique des communautés microbiennes

Les conditions édapho-climatiques peuvent varier sur des pas de temps relativement courts. Premièrement, les conditions climatiques fluctuent tout au long de l’année, particulièrement dans les écosystèmes alpins, soumis à d’importantes amplitudes saisonnières (notamment thermique et hydrique), elles-mêmes nuancées par les gradients mésotopographiques et d’exposition à l’ensoleillement (Körner, 1995). Dans le chapitre II, nous avons ainsi pu mettre en évidence un effet significatif de l’amplitude de la saisonnalité, en particulier chez les bactéries de situation thermique (Fig. 22, Article C). En hiver, les températures du sol chutent à des températures nulles ou négatives selon l’épaisseur du manteau neigeux. Ces hétérogénéités de températures hivernales pourraient générer des différences entre les communautés microbiennes. Cependant, nous avons observé un effet filtre des conditions édapho-climatiques hivernales sur l’assemblage des communautés microbiennes, recrutant des espèces communes dans les deux habitats étudiés (Fig. 22, Chapitre II).

L’hiver coïncidant avec une équilibration des pH de sol thermiques et nivaux, il est difficile de déterminer qui de la température, du pH du sol, ou de l’absence d’activité végétale est responsable de cet événement sélectif. En effet, ces deux derniers facteurs sont déterminant dans l’assemblage des communautés microbiennes (Kowalchuk et al., 2002; Fierer and Jackson, 2006). L’assemblage des communautés hivernales peut donc résulter (i) d’un recrutement d’espèces similaires pour des températures nulles et négatives, (ii) de l’acidification des sols de situation thermique soit par lessivage du à la présence d’un fin manteau neigeux, soit par enrichissement des sols suite à la dégradation de la matière organique par des champignons psychrophiles (Annexe C), ou (iii) l’absence de végétation et

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par conséquent d’exsudation racinaire, excluant les espèces dépendantes de ces ressources ou (iv) une complémentarité de ces effets. De telles hypothèses restent néanmoins à vérifier par des expérimentations in situ et en laboratoire, notamment via l’étude mise en place dans le cadre de l’Annexe C qui a également été effectuée sur des sols de systèmes nivaux, par une acidification artificielle des sols ou encore par élimination du couvert végétal.

Les rythmes saisonniers et les gradients d’enneigement déterminent la densité de peuplement et la phénologie de la végétation. Celle-ci constitue le principal apport de la matière organique dans le sol par renouvellement et exsudation des racines durant la saison de végétation et par dépôt de litière en phase de sénescence (Eviner and Chapin, 2003). En conséquence, la disponibilité et la qualité des ressources dans le sol varie avec l’avancement

Figure 22 : Synthèse de l’effet à court terme des régimes d’enneigement sur la microflore. Les régimes d’enneigements influencent la dynamique saisonnière des communautés microbiennes du sol, représentée ici en terme de diversité (inverse de l’indice de Simpson : 1/D). La dynamique des communautés bactériennes est très structurée dans des systèmes à forte amplitude saisonnière. Les conditions hivernales constituent un événement majeur qui tend à recruter des taxons bactériens et fongiques similaires dans les deux situations. En automne, les conditions environnementales favorisent certains taxons procaryotes.

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de la saison de végétation. Dans ce sens, les résultats du chapitre II indiquent clairement une succession des communautés microbienne dont la diversité varie durant la saison de végétation (Fig. 22). De tels résultats ont déjà été observés sous différentes espèces végétales (Duineveld et al., 2001; Mougel et al., 2006; Singh et al., 2007). Plus particulièrement, Mougel et al. (2006) ont mis une évidence un effet significatif du passage de la plante au stade reproductif sur les communautés microbiennes. La dynamique des communautés microbienne peut donc aussi être expliquée par une dynamique de la rhizodéposition en termes de qualité et/ou quantité ou du taux de renouvellement des racines au cours du stade de développement.

Enfin, le dépôt de litière en automne enrichit le sol en matière organique complexe. Ce phénomène semble promouvoir des décomposeurs bactériens, et recrutent des espèces particulières chez les crenarchaeotes (Fig. 22). Cette tendance semble moins franche pour les champignons, bien qu’on observe une recrudescence de phylotypes affiliés au genre Inocybe en situation nivale (Article D), dont le statut saprophyte est établi. Ces mêmes organismes se retrouvent tout au long de l’année en situation thermique, formant des associations ectomycorhiziennes avec Dryas octopetala (Article D). Le suivi des activités enzymatiques de cette espèce en situation thermique nous renseignerait sur la dynamique de son statut mutualiste ou saprophyte, et il est fort probable, aux vues de nos précédents résultats, que ce dernier apparaisse en automne.

L’assemblage des communautés microbiennes est donc extrêmement sensible aux variations à court terme de températures, de pH du sol, et de disponibilité des ressources (Berg and Smalla, 2009). Cependant, l’effet réciproque des micro-organismes sur les variations des conditions édaphiques demeure inconnu, et pourrait faire l’objet de recherches supplémentaires par exemple par transplantation de sols de situation thermique en situation nivale et inversement, couplé à une mesure des nutriments.

Enfin, les fluctuations saisonnières des conditions édapho-climatiques apparaissent déterminantes sur la diversité β des communautés bactériennes (Annexe B). Dans un contexte de réchauffement global, une modification des rythmes saisonniers pourrait, à terme, profondément affecter cette diversité. Bien que nous n’ayons pas établi de relation entre ce rythme saisonnier et la diversité β des communautés fongiques, les effets du réchauffement global pourraient également avoir un impact significatif sur l’assemblage de ces communautés et potentiellement négatif sur la diversité des champignons observée en situation nivale (Fig. 22).

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