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Les villes nouvelles entre Orient et Occident

Face aux dégradations du paysage urbain, à la croissance démesurée des villes et de leurs faubourgs, aux problèmes sociaux qui caractérisaient les villes d’Europe, que prit naissance une nouvelle vision de la création urbaine : la création de ville nouvelle, en réaction avec l’urbanisme anarchique déterminé par la révolution industrielle. Cette dernière a «soudain changé les rapports qui existaient entre la campagne et la ville depuis les débuts de la civilisation. ».6

Le XIXè siècle considéré comme un siècle “malade”, dont les conséquences de la révolution industrielle ont provoqué :

 L’extension de la cité traditionnelle au delà des remparts ;

 Le développement des moyens de communications et de transports ;

 Une révolution démographique ;

 Un exode rural en masse de la campagne vers la ville.

L’idée de base de la révolution industrielle était d’améliorer le cadre et la santé morale et psychique de l’habitant. Cette révolution a eu des séquelles perverses :

La pollution, les maladies telle que la tuberculose, la crise du logement, la surpopulation du centre ancien, la dégradation du tissu urbain et ses conditions sanitaires et hygiéniques…

Afin de mettre un terme aux conséquences désastreuses causées par la révolution industrielle, plusieurs mouvements ont essayé, mais en vain, d’y remédier tel que le mouvement sociétaire et hygiéniste

En 1820, Robert Owen propose des projets de villages modèles, précurseurs des cités jardins d’Ebenezer Howard. «le mouvement des cités jardins, né à la fin du XIXè siècle, fera largement écho de ses idées à travers le monde et surtout au début du XIXè siècle, bien que son importance diminuera avec l’apparition des théories urbaines nationalistes du mouvement moderne. La théorie d’Ebenezer Howard persistera dans la planification urbaine de beaucoup de pays, particulièrement dans l’établissement de nouvelles villes jusqu’aux années 1970. ».7

6 FOURA M,2003 : Histoire critique de l’architecture, évolutions et transformations en architecture pendant les 18è, 19è et 20è siècles, Alger, OPU, 314p.

Howard, journaliste militant du mouvement socialiste anglais, comme beaucoup de ses contemporains, condamne le cadre existant des grandes villes industrielles, précisément à Londres, la ville n’offrant pas de saines conditions de vie et de travail. Selon lui, il faut exercer une réforme de l’organisation sociale par le biais d’une conception nouvelle de la ville : la cité jardin ; il présente son projet en 1898 dans un livre intitulé ‘Tomorrow : apeaceful path to real reform.’.

L’idée fondamentale de Howard était les deux aimants : ville et campagne. Ces deux aimants doivent être réunis en un seul et former une cité : «ville…construite dans un cadre rural et qui vise à offrir une alternative aux grandes villes et aux banlieues industrielles. ».8

Etablie sur un plan radio-concentrique, localisée en pleine campagne, loin de toute grande agglomération, « la cité jardin anglaise, ou ‘rurisville’, serait statique mais autonome, entourée par son propre transport ferroviaire. Howard fixera une taille optimale de sa ville dont la population oscillera entre 32 000 et 52 000 habitants. En outre, ce modèle devait être restreint, provincial et autosuffisant. ».9

III.1.1.1.Expérience française

Le 22 juin 1965, sous l’autorité de Paul De Louvier, un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne a été élaboré. Celui-ci avait deux objectifs à atteindre :

1- Elaboration d’une politique des villes nouvelles qui a pour but de résoudre le problème de congestionnement de l’agglomération de Paris, afin d’échapper au chaos d’une extension périphérique non coordonnée et de faire face à l’augmentation de la population métropolitaine qui passe de 9 millions en 1964 à prés de 14 millions à la fin du siècle ;

2- Proposition de création d’une ceinture urbaine composée de cinq villes nouvelles en Ile de France, dans un rayon de 25 à 30km du centre de Paris : Cergy-Pontoise, Evry, Marne la Vallée, Melun, Saint Quentin en Yvelines.

8 CHOAY F, MERLIN P. 9 FOURA M, 2003, Ibid, p75.

« Le modèle d’Ile de France a pour but la continuité du tissu urbain, de favoriser l’intégration des villes nouvelles dans un système métropolitain de transports collectifs et situer, à un niveau plus organique que morphologique, le caractère autonome de la ville nouvelle. ».10

Les villes nouvelles parisiennes sont considérées comme une nouvelle forme d’organisation urbaine, totalement autonome du centre. Par leur taille et leur proximité de Paris, elles relèvent d’une conception différente de celle des villes nouvelles anglaises de la première génération : trop petites, trop éloignées du centre.

En 1982, les cinq villes nouvelles implantées en Ile de France représentaient 5% de la population. En presque deux décennies elles ont pu fixer prés de 400 000 habitants, soit environ le tiers de la croissance démographique de la grande couronne.

« Sur la plan spatial, les villes nouvelles de la région parisienne ont été voulues en continuité directe avec l’agglomération existante, pour contribuer à restructurer celle-ci, en particulier grâce à l’influence de leur centre urbain, centre plurifonctionnel conçu pour une fonction de sous-régional. ».11

Les villes nouvelles françaises constituent la première expérience de banlieue planifiée ; elles se voulaient autre chose que les grands ensembles. Quelques quartiers sont des “dortoirs” mais la majorité d’entre eux combinent plusieurs activités et procurent aux habitants un incontestable “confort urbain”.

III.1.1.2.Expérience égyptienne

Le deuxième exemple à citer est celui des villes nouvelles du Tiers monde. La décision de créer une ville nouvelle dans un pays en développement est une réponse à plusieurs paramètres dont : la poussée démographique, l’exode rural, les pénuries en logements ; c’est le cas des villes nouvelles autour de la grande métropole égyptienne : Le Caire.

10 CHALINE C, 1985 : Les villes nouvelles dans le monde. Ed PUF, 127p. 11Merlin P, 1994, p4.

La création de villes nouvelles est une réponse du gouvernement aux dysfonctionnements du marché du logement. Elles permettent de réduire le nombre des constructions illégales, surtout sur les terres agricoles et de décongestionner la capitale égyptienne.

Le premier schéma directeur à été élaboré en 1970 sous le règne de Anouar Sadat, proposant la création de six villes nouvelles autour du grand Caire, fondées sur un principe de très large autonomie par rapport à la ville centre. Parmi ces villes nouvelles nous citons : Dix de Ramadan – la première qui fut mise en chantier – Sadat City, Al Badr. Implantées en milieux désertiques et inspirés des expériences européennes, ces villes sont relativement éloignées du centre du Caire, soit une distance moyenne de 40km (fig.n°8). Cette distance permet d’éviter les migrations pendulaires et de fixer la population.

Le deuxième schéma directeur de 1981 propose une nouvelle génération de villes nouvelles : les villes satellites similaires aux villes nouvelles. L’objectif des nouvelles agglomérations du désert Egyptien est de contrebalancer l’attraction que persiste à exercer la capitale : le Caire.

La relativité des suggestions proposées a amené à une troisième forme d’urbanisation. Selon le schéma directeur de 1983, cette nouvelle urbanisation appelée les « new settlements », s’inspire des expériences menées par la banque mondiale en Amérique Latine.

Malheureusement, ces tentatives n’ont pas encore abouti aux objectifs urbains tracés, la population cairote ne cesse de s’accroître et maintient son installation dans la capitale, ce qui explique le vide encore consenti des villes nouvelles égyptiennes.

D’autres villes nouvelles ont été édifiées dans le monde arabo-musulman, telle que : Shushtar en Iran qui abrite entre 30 000 à 40 000 habitants. Celle-ci est conçue pour tenir compte des conditions climatiques sévères de la région ainsi que de la topographie et du caractère particulier du site.

D’un pays à l’autre, chaque ville nouvelle est différente par : sa situation, les raisons de sa création et sa taille. Vouloir réaliser une ville nouvelle est un projet qui nécessite des moyens financiers importants et qui doivent être assurés jusqu’à la réalisation finale. Pour cela, avant toute démarche, il est nécessaire de faire un inventaire exhaustif des problèmes et des supports destinés à sa réalisation, de définir les objectifs à atteindre et de faire en sorte que le modèle des villes étrangères ne soit pas strictement suivi, chaque pays ayant ses spécificités propres, ses traditions, ses mœurs et sa culture.