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L’Est algérien : sphère de rayonnement de Constantine

Trois ensembles régionaux configurent le nord de l’Algérie : l’Ouest, le Centre et l’Est. De ces trois régions se sont inspirés les occupants ottomans et français pour asseoir leur autorité par la mise en place d’un découpage administratif qui a pour effet de promouvoir au rôle de commandement trois métropoles :

- Région ouest : Oran ; - Région centre : Alger ; - Région est : Constantine.

Durant la période ottomane, ce découpage était conçu selon le canevas suivant :

- Beylik du Ponant correspondant à l’Algérie occidentale avec pour capitale successive Mazouna, puis Mascara et enfin Oran ;

- Beylik du Titteri pour la partie centrale commandée par Médéa ; - Beylik du levant avec Constantine pour capitale et l’Est pour

territoire. Alger et la Mitidja, de Cherchell à Dellys étaient organisées en un espace à part, Dar Es Soltane commandé directement par le Dey.

« Ce système qui avait fonctionné pendant trois siècles avait une force et une réalité spatiales suffisantes pour que la colonisation le conserve : elle l’a transposé dans les trois départements d’Oran, d’Alger et de Constantine ».1

D’autres découpages s’ensuivirent durant les années 1950 par les autorités françaises et surtout durant la période post-coloniale, découpages dictés par l’accroissement de la population et par des considérations politiques et économiques.

C’est ainsi que les trois métropoles qui avaient chacune sous leur influence, une région aussi vaste, finirent par voir, au fil des temps, leur espace se réduire comme une peau de chagrin.

Vaste région, l’est Algérien qui a une frontière commune avec la Tunisie, s’étend des abords de Béjaia, au nord, jusqu’au sud de Tébessa et de Batna en passant par Bordj Bou Arreridj, Sétif.

Cet ensemble dont la population est estimée à 9 690 422 habitants, soit 33% de l’effectif global du pays ne présente pas les mêmes caractéristiques que les deux autres (centre et ouest). En effet, contrairement à ces derniers, sa capitale est implantée non pas sur le littoral, celui-ci étant distant de plus de 80km, mais à l’intérieur d’où elle organise l’ensemble des flux et des réseaux. «D’autre part, la région a plus de profondeurs, les fortes densités descendant plus loin vers le Sud, les montagnes méridionales (Aurés) répondaient à celles du Nord (Tell), les agglomérations de Batna et de Tébessa faisant le pendant de celles du littoral. ».2

D’autres points différencient cet ensemble aux deux autres régions : - Présence européenne beaucoup moins importante ;

- Taux d’urbanisation faible (35%) entre 1954 et 1977 ;

- « L’urbanisation littoral – intérieur est moins forte. Les villes littorales n’ont connu qu’une croissance relativement faible entre 1954 et 1977, alors que les hautes plaines enregistraient des taux bien supérieurs à la moyenne nationale ; elles ont été le réceptacle de l’exode rural du Tell et de l’atlas saharien. Il est cependant sûr qu’un rééquilibrage en faveur des villes du littoral est en cours, à la faveur d’un développement industriel plus tardivement engagé. ».3

En effet, à Annaba, l’usine d’engrais phosphatés fonctionne depuis 1972 et le haut fourneau d’El Hadjar dont la mise à feu est intervenue dés 1969, verra sa production augmenter, à la suite des grands travaux entrepris durant la période 1974/1979, de 400 000 tonnes d’acier à 2 000 000. Skikda, devenue ‘capitale’ de la pétrochimie où l’exportation du gaz liquéfié a atteint 4,5 milliards de m3, est opérationnelle depuis 1976

2 Cote M, Idem, p217.

L’industrie apparaît également dans les localités des hautes plaines. Des pôles se constituent (Guelma : cycles, Sétif : piles et accumulateurs, Constantine : la mécanique).

La promulgation de la Charte de la Révolution Agraire et son application n’eurent pas l’effet escompté pour “fixer” sur les terres agricoles, les paysans en quête d’emplois plus alléchants et d’une situation plus attrayante.

Constantine appartient donc à cette entité qu’est l’Est algérien, structure vaste, équilibrée et hiérarchisée.

Ville millénaire, Constantine ou Cirta, par sa position géographique privilégiée, rayonne aussi bien sur sa wilaya que sur l’ensemble de l’Est algérien. Malheureusement, les nombreuses mutations intervenues dans son urbanisme, l’exode rural, l’ont réduit à une cité « qui n’a plus d’humain que les apparences ».4

II.1.2.Constantine, berceau de la civilisation de l’Algérie nord–orientale - Fig. 1-« Constantine est l’une des plus vielles villes du monde. Toutefois la date exacte de sa fondation n’a pas été établie à ce jour ».5

Implantée sur un rocher escarpé qu’entoure Oued–Rhumel, la morphologie du site a prédisposé la cité d’être à la fois une acropole et un carrefour incontournable dans les échanges commerciaux.

Si l’archéologie ne nous a pas encore tout révélé sur les conditions générales et la date de la fondation de la ville de Constantine, il ne fait pas de doute que celle– ci remonte à une ère préromaine. En effet, les trouvailles de deux poteries remontant à l’âge de bronze de l’époque égéenne (lors de la construction du boulevard de l’Abîme–actuellement boulevard Zighoud Youcef) confirment que la cité est l’une des plus vieilles villes du monde.

4 Ouettar T, 1981 : Ez-Zilzel (Le Séisme ), Société nationale d’édition et de diffusion, Réghaia, 175p. 5 Badjadja A, 1989 : Historique de la ville de Constantine. In Constantine (Colloque Médinas Maghrébines), IAUC, pp3-6.

Par ailleurs, dans la conférence donnée à Constantine lors du troisième congrès de la Fédération des Sociétés Savantes de l’Afrique du Nord, le directeur des antiquités de l’Algérie, Monsieur L.Leschi qui a développé le thème de «De la Capitale Numide à la Capitale Romaine » a déclaré «force est à l’historien du passé de se contenter des documents littéraires dont l’étude, je le répète, nous permet de remonter jusqu’au III ème siècle avant notre ère. ».6

Capitale de l’Est, elle a commémoré le 2500ème anniversaire de son existence le 6 juillet 1999.

Capitale du Royaume des Massaesyles à l’Ouest, puis de la Numidie réunifiée après la victoire, en l’an 203 avant J.C., des Massyles conduits par Massinissa sur

Syphax, elle devint sous la domination romaine, chef lieu des colonies cirtéénnes :

Cirta (qui signifie « taillé à pic » en phénicien), Chulu (Collo), Milev (Mila), Rusicade (Skikda), Cuicul (Djemila).Détruite par Maxence en 311, elle est relevée par les soins de l’Empereur Constantin et prend alors le nom de Constantine.

Après un passage à vide dû essentiellement aux différentes occupations, la ville reconnaîtra un renouveau géo–économique qui se confirmera sous le règne des Hafsides au XIII ème siècle de notre ère. En matière de prospérité de la ville, El– Bekri (voyageur du XII ème siècle.) a écrit : «Constantine est habitée par diverses familles ayant fait partie des tribus établies dans le Nefzaoua et dans celui de Kastilia. Elle renferme des bazars bien fournis et jouit d’un commerce prospère ».

Cette dynamique économique de la ville entraînera sa promotion, sous l’occupation turque, au rang de capitale du Beylik de l’Est algérien. Cette importance régionale se confirmera, encore une fois, après sa conquête en 1837 par les Français. Elle constituera ainsi, le chef–lieu du département de l’Est algérien (98 000km²) dans le premier remodelage administratif de l’Algérie coloniale en 1858.

A propos de la ville de Constantine, ROZET et CARETTE ont écrit à ce sujet :«il est difficile en effet d’échapper à un sentiment mêlé d’étonnement, de respect et presque d’effroi, lorsque pour la première fois, on se trouve en face de cette ville étrange, de ce nid d’aigle, comme on l’a dit souvent, qui fût la capitale de la Numidie royaume et de la Numidie province, et dont la conquête a été pour la domination française elle même un si puissant auxiliaire, un si utile enseignement .».7

6 Lechi et Al, 1937, p22.

Hormis son positionnement géostratégique et économique, Constantine constitue le long de son parcours historique la cité de la science, du savoir et de la connaissance. Ainsi, on retrouve, dans la mémoire collective, des penseurs, des théologiens, des historiens, des hommes de lettres et des sciences exactes, des voyageurs, des médecins, etc. à l’image d’Ibn Khanfour, Ibn Khaldoun, Ibn Badis, Rédha Houhou, Malek Haddad, Kateb Yacine, etc.