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2.3 Mesurer la gêne

2.3.2 Les verbalisations libres

Le principe de la méthode des verbalisations libres consiste à poser une question ouverte à un sujet et à le laisser s’exprimer librement : ce peut être lors d’une évaluation absolue comme lors d’une comparaison par paires. L’avantage de cette méthode est qu’elle va fournir des informations pour caractériser le stimulus d’un point de vue psychologique : sur quels aspects, caractéristiques d’un évènement, l’auditeur se base-t-il pour évaluer les sons ?

Cette méthode peut être utilisée en temps que test préliminaire à une étude perceptive : l’analyse des ré-ponses des auditeurs permet d’identifier les descripteurs pertinents et ainsi de mettre en place le protocole de ces tests [PN 99]. Dans ce cas, les verbalisations libres peuvent être réalisées en temps que test préliminaire. Inversement, elles peuvent être employées de façon complémentaire, pour permettre de caractériser l’espace perceptif lors de tests de comparaison par paires [PNAL 05].

Nous présenterons ici l’approche "Qualité Perçue" développée par Nosulenko et Samoylenko [NS 97, SMN 96]. Cette approche cherche à comprendre comment l’homme perçoit les objets complexes de son en-vironnement, quelle est la qualité perçue de ces objets du point de vue d’un individu. Cette approche est basée sur trois principes :

1. les verbalisations produites au cours d’une activité psychique sont considérées comme données perti-nentes pour son étude,

2. la tâche de comparaison constitue un facteur systémique dans les processus perceptifs, cognitifs et de communication verbale,

3. cette tâche s’analyse du point de vue logique, perceptif et sémantique.

L’approche systémique "Cognition et Communication" (ACC)

L’approche ACC, développée dans le courant de la tradition psychologique russe7, considère que la cog-nition humaine ne peut être étudiée indépendamment des processus de communication qui lui sont associés : c’est par l’intermédiaire des communications que les sujets échangent et élaborent leurs représentations sub-jectives [LOM 84]. Inversement, l’analyse des communications pourra être utilisée pour analyser le contenu des représentations. La principale caractéristique de cette méthodologie consiste donc à utiliser les données verbales pour analyser les processus psychiques.

Le choix de la méthode des verbalisations libres

L’analyse des processus cognitifs et perceptifs utilisant les protocoles verbaux peut être menée pour deux types de tests : les méthodes des verbalisations libres et celles à choix forcé. Pour ces dernières, les sujets doivent choisir parmi un corpus d’items celui qui correspond le mieux à leur perception. Nosulenko et al [NPS 98] considèrent que ces approches sont trop contraignantes : les choix fixés par les expérimentateurs ne peuvent pas toujours correspondre aux représentations des sujets et la signification des termes employés peut varier d’un individu à l’autre. Les méthodes de verbalisations libres permettent de contourner ces difficultés : l’analyse des verbalisations libres semble être un moyen efficace pour regrouper les informations concernant les caractéris-tiques pertinentes et définir les axes de jugements verbaux associés aux appréciations des sujets. Dans notre cas, il s’agira de caractériser des évènements sonores associés aux actions de livraison (voir Partie II).

D’autre part, les méthodes de verbalisations libres sont basées sur l’idée que les productions verbales d’un sujet dont la tâche est de comparer deux stimuli est le meilleur moyen de mettre en évidence certains aspects subjectifs de la représentation que se fait l’auditeur des stimuli [SMN 96, NS 01]. Le principe de comparaison verbale est un des fondements de la procédure d’analyse des verbalisations libres mise au point par Nosulenko et Samoylenko.

Méthode d’analyse des protocoles verbaux

Les verbalisations libres produites par le sujet au cours du test perceptif sont enregistrées puis retranscrites. Des unités verbales pertinentes vont en être extraites puis analysées. Une base de données met ensuite en rap-port les unités verbales et les différents paramètres caractérisant les conditions et les résultats du test. Dans une première étape, les unités verbales sont reliées aux paramètres permettant de coder les conditions du test, les données initiales sur le sujet et les objets étudiés : tâches, opérations, paramètres physiques mesurés. . .Ces para-mètres sont appelés "parapara-mètres de premier plan". Dans un deuxième temps, chaque unité verbale est pondérée en fonction de sa position dans l’ensemble du corpus, du nombre de répétitions et corrections et du nombre total d’unités verbales produites par chaque sujet : les unités verbales "un tout petit peu gênant", "gênant" et "très gênant" auront un poids différent du point de vue de leur présence dans l’ensemble des unités verbales produites par le sujet. Puis, chaque unité verbale est codée en fonction de trois dimensions : sens logique, réfé-rence aux objets et aspects systémiques. Le schéma d’analyse des unités verbales est détaillé dans les études de Nosulenko et Samoylenko [NS 97, NS 99].

Dans une étude sémantique de comparaison du timbre musical [SMN 96], Samoylenko et al. se sont intéres-sés à l’influence que pouvait avoir l’expérimentateur sur la construction et l’indexation de la base de données. L’analyse des verbalisations libres a donc été effectuée indépendamment par trois experts. Le taux total de divergences entre les experts a été calculé. Il s’agit du rapport entre le nombre total de désaccords entre les experts et le nombre total de jugements construits par ces experts pour les 10 phases de l’analyse. Dans cette

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étude, le taux de divergence était faible (2%). L’influence de l’expérimentateur sur les traitements de la base de données (et donc des résultats qui en découlent) reste minime.

Portraits verbaux

A partir de la base de données des unités verbales indexées, on peut, pour chaque objet, action, comparer les valeurs de présence de ses caractéristiques en effectuant une analyse de la fréquence d’utilisation des unités verbales correspondant aux groupes sémantiques sélectionnés. La Figure 2.2 présente un des résultats de l’étude de Nosulenko et al. [NPS 98] sur la perception des bruits de moteurs diesel.

FIG. 2.2 – Exemple de portraits verbaux : bruits de véhicules à moteur diesel, d’après l’étude de Nosulenko et al. [NPS 98].

Ce type de présentation permet de définir l’ensemble des caractéristiques pertinentes qui détermine l’appré-ciation d’un produit (dans l’exemple, il s’agit de la préférence) et d’évaluer le poids de chaque caractéristique de cet ensemble. L’analyse de la base de données permet ensuite de mettre en correspondance les portraits verbaux et les paramètres mesurés des objets étudiés.

Chapitre 3

Évaluation continue de sons de longue durée

3.1 La mémoire

La mémoire, considérée comme l’une des principales facultés de l’esprit humain, est la faculté d’acquérir, de stocker et de reconstituer des informations dans le cerveau. Depuis le début du XXe siècle, de nombreux modèles structuraux de la mémoire ont été proposés. Le plus influent de ces modèles est le modèle modal, qui divise la mémoire en trois sous-systèmes de stockage : la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Ce modèle est une synthèse de nombreux résultats expérimentaux et représente la conception dominante de la mémoire humaine dans la psychologie cognitive de la fin des années 1960. Une formulation classique de ce modèle a été proposée par Atkinson et Schiffrin [AS 68].