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I.1 Génèse et enjeux du magnétisme du navire

I.1.4 Notions sur l’aimantation

I.1.4.5 Les variations d’aimantations

Après avoir présenté qualitativement la notion d’aimantation, nous allons tenter de la quantifier. Pour ce faire il est important de considérer dès le départ deux contributions à l’aimantation totale : la première est l’aimantation induite, elle est liée à la présence d’un champ extérieur que l’on appelle champ inducteur et à la constitution du matériau. La seconde est l’aimantation permanente qui est liée au matériau et à son histoire. Mathé-matiquement, on écrit

− →

MT=MI+MP (I.3)

Aimantation induite. Elle est liée à l’existence d’un champ inducteur qui va aligner les moments élémentaires des dipôles et donner lieu à l’établissement d’une aimantation ho-mogène à l’échelle macroscopique. Schématiquement on peut représenter les domaines et les moments dipolaires correspondants.

Cette relation a été prouvée expérimentalement en 1887 par Lord Rayleigh sous la forme

FIGUREI.10 – Schéma représentatif de la direction de l’aimantation interne d’un matériau sous l’effet d’un champ inducteur croissant. Quand le champ extérieur augmente (H2> H1> H0), les aimantations de domaines tendent à s’aligner sur le champ inducteur

− → MI= χ.(H1H0) +ν 2.( − → H1H0)2 (I.4) avec−→

H1le nouveau champ extérieur et−→

H0le champ extérieur initial.χ, la susceptibilité de matériau etν la constante de Rayleigh relative au matériau.

Tant que l’on reste dans le domaine des champs faibles, c’est-à-dire ceux rencontrés à la surface de la terre (inférieur à 70 000nT), on a un comportement réversible et l’on peut écrire la relation linéaire :

− →

MI= χ.(H1H0) (I.5)

On peut donc ainsi remarquer qu’en l’absence de champ inducteur, l’aimantation induite est nulle et le champ secondaire associé également.

Cette constanteχ , sans dimension, est appelée susceptibilité du matériau, elle est liée à la perméabilité relative du matériauµRpar la relation

χ = µR− 1 (I.6)

Cette constante est très élevée pour les matériaux ferromagnétiques et beaucoup plus faible voir négligeable pour les autres matériaux.

Matériau C Eau Cu Al Ni Fe

χ −2.1.10−5 −1.2.10−5 −1.0.10−5 2.2.10−5 110 220

Comportement Diamagnétique Paramagnétique Ferromagnétique TABLEAUI.2 – Susceptibilité magnétique de quelques matériaux. Source : Wikipédia .

Aimantation permanente. Elle est liée à l’histoire du matériau et à sa composition. En effet, seuls les matériaux ferromagnétiques présentent une aimantation rémanente non

négligeable. Ces matériaux ont la propriété de présenter un effet mémoire leur permet-tant de garder leur aimantation dans le temps et qu’on peut expliquer en terme micro-scopique sur la figure I.11.

A l’origine et en l’absence de champ, les différents domaines de Weiss présentent une orientation chaotique, leurs effets se compensent à l’échelle macroscopique et on a donc une aimantation globale nulle ou quasi nulle. Imaginons que l’on applique un champ extérieur H’1 faible, on va observer une légère déformation de certaines parois liée à la modification de l’état d’équilibre externe par ce champ extérieur. Il commence à se créer dans le matériau une aimantation induite sous l’action du champ. Néanmoins, il s’agit d’une transformation réversible que l’on peut assimiler au comportement élastique li-néaire d’un ressort soumis à l’action d’une contrainte. Dans toute la zone élastique, l’aug-mentation de l’aimantation est linéairement liée à l’augl’aug-mentation du champ extérieur.

Si l’on continue d’augmenter le champ extérieur appliqué, on entre alors dans la zone irréversible ou le matériau acquiert de la rémanence. Les contraintes sur les parois des do-maines deviennent trop importantes et certaines se déforment pour donner lieu à des as-semblages plus stables. A ce stade-là, différents domaines avec des directions différentes cohabitent mais on a macroscopiquement une direction d’aimantation rémanente. C’est-à-dire qu’en l’absence de champ extérieur, le matériau présente une aimantation révéla-trice des précédents champs lui ayant été appliqués. Si l’on décide de poursuivre le pro-cessus, on modifie alors tous les domaines, le matériau présente alors un seul domaine avec une direction définie qui est celle de l’aimantation rémanente que l’on observe. Si, pour un incrément de champ important, il n’est pas observé de modification de l’aiman-tation, on dit dans ce cas là que le matériau est à saturation. En effet, une fois tous les domaines modifiés et/ ou alignés, toute augmentation de champ extérieur n’a plus d’in-fluence car l’aimantation a atteint son maximum.

Si la principale source de variation de l’aimantation rémanente est au premier ordre l’amplitude du champ extérieur appliqué, d’autres facteurs interviennent. Les variations par contraintes mécaniques ont été mises en évidences au XIXe siècle. Le couplage entre contrainte mécanique et champ magnétique est exprimé via les effets Villari (modifica-tion de l’aimanta(modifica-tion sous l’ac(modifica-tion de contraintes mécaniques) et Joule (modifica(modifica-tion de l’état de contrainte mécanique sous l’action d’un champ magnétique (Jiles, 1995)). Il a été démontré (Periou, 1984) que pour un même champ inducteur, une importante varia-tion de pression alliée à une géométrie particulière peut engendrer une forte prise d’ai-mantation permanente. Le formage de la coque d’un navire produit également une prise d’aimantation. De même il est probable que l’impact répété de la houle sur une coque engendre une variation d’aimantation, de la même manière qu’un choc plus local à quai ou en mer. Cet ensemble de phénomènes correspond à un domaine de recherche appelé la magnétostriction, et qui ne sera pas abordé dans le manuscrit.

La température peut également influer sur la prise d’aimantation. En effet, au-delà d’une certaine température dite température de Curie, le matériau perd son aimantation permanente. En refroidissant, il va alors acquérir une nouvelle aimantation dans la direc-tion du champ régional local.

Il est également probable que la température induise des variations mécaniques en-gendrant des modifications d’aimantations. Nous ne disposons à ce jour d’aucune infor-mation ou données nous permettant d’étayer ces hypothèses. Signalons que certaines études ont tenté de mettre en évidence des modifications de l’aimantation pour des

mu-H=0 H'1 H'2 H'3

H

Zone Elastique Acquisition

Rémanence

Saturation du matériau M

FIGUREI.11 – Courbes d’aimantation et schéma représentatif de l’état interne du matériau ferro-magnétique soumis à un champ inducteur constant. Lorsque le champ inducteur augmente, l’ai-mantation passe par trois zones correspondant à trois modes différents. Tout d’abord un compor-tement élastique, puis une prise d’aimantation permanente et enfin une saturation du matériau .

nitions tirées (Billings et al., 2009). Il n’est en revanche pas possible de distinguer l’impact de la contrainte thermique vis-à-vis de la contrainte mécanique.

Etat d’aimantation d’un objet. L’état d’aimantation d’un objet, qu’il s’agisse d’un bâti-ment militaire ou d’un échantillon de roche est la sommation vectorielle de son aiman-tation induite, dépendante du champ extérieur en direction et en amplitude et de son aimantation rémanente.

Cet ensemble d’états magnétiques possibles peut être caractérisé par un diagramme M,H liant l’aimantation du matériau au champ magnétique inducteur. On trace alors tra-ditionnellement le cycle dit d’hystérésis constituant les limites du domaine possible pour un matériau donné. M H Msat -Msat Hc -Hc

FIGURE I.12 – Cycle d’hystérésis d’un matériau ferromagnétique, il représente les valeurs de M possible selon H. Ce cycle présente des points particuliers, l’aimantation à saturation du matériau, ainsi que le champ coercitif.

Toute la zone grise située à l’intérieur du cycle limite est accessible, mais certains points caractéristiques de ce cycle méritent quelques détails. Msat et – Msat représentent l’aimantation maximale atteignable par l’objet considéré, quelque soit le champ exté-rieur, d’où la présence des asymptotes symbolisant ce maximum. Hc représente lui une caractéristique du matériau. Il faut appliquer -Hc pour revenir à une aimantation nulle après saturation du matériau. Il quantifie la « dureté » d’un matériau vis-à-vis d’un champ magnétique, on l’appelle le champ coercitif. Plus il est élevé, plus le champ à appliquer pour remettre à zéro l’aimantation d’un échantillon est élevé.