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6. ÉTUDE SOCIOHISTORIQUE DE LA TRADUCTION : MATÉRIAUX ET

6.1 Présentation des matériaux

6.1.3 Les Textes arabes des Zaër (Loubignac, 1952)

Pour cet ouvrage, comme pour les précédents, nous trouvons sur la couverture : - Le commanditaire : Institut des Hautes Études Marocaines (Tome XLVI). - Le titre : Textes arabes des Zaër. Transcription, traduction, notes et lexique. - L’auteur : Victorien Loubignac.

- La ville : Paris.

- La maison d’édition : Librairie orientaliste et américaine. Max Besson. - L’année : 1952.

Figure 7 - Page couverture des Textes arabes des Zaër

Après la page couverture, nous trouvons l’avertissement, l’avant-propos, l’introduction, les ouvrages cités, le système de transcription, la liste des planches, la

première partie concernant les contes, la deuxième partie se rapportant à l’ethnographie et enfin la table des matières.

Henri Terrasse, dans l’Avertissement, explique le monumental travail accompli par Loubignac et complété ensuite par Brunot. En effet, Loubignac n’a pu donner son travail à l’impression avant son décès à l’âge de 55 ans, soit le 12 mai 1946. La publication n’a été possible qu’en 1952. C’est Brunot, doyen des études de la dialectologie arabe au Maroc de l’époque, précise Terrasse, qui a pris en charge l’ouvrage. La mise en ordre par Brunot des documents de Loubignac, qui a duré six ans, a révélé que les textes et le lexique étaient les seules parties qui pouvaient être publiées. Cet avertissement complété par Brunot dans l’avant-propos rend hommage au travail de qualité fourni par Loubignac pendant trente ans à étudier et à pratiquer

les parlers arabes et berbères du Maroc, de la langue arabe classique sous son aspect moderne, de la sociologie maghrébine et du droit musulman ou coutumier, faisant bénéficier l’administration du pays de ses connaissances spéciales et profitant, en retour, du contact direct qu’il avait avec les habitants pour enrichir et étendre sa culture (Loubignac, 1952, VII).

En tant que professeur à l’IHEM, Loubignac a recueilli les informations linguistiques et ethnographiques du parler des Bédouins, grands et petits nomades, des environs de Rabat et exactement de la région de Zaër ; il s’agit d’une première dans les études ethnographiques de se pencher sur le parler des Bédouins. Loubignac comptait utiliser ces matériaux recueillis afin de présenter une thèse de doctorat auprès de la Faculté des Lettres de l’Université d’Alger.

Par ailleurs, Brunot précise que cet ouvrage fait suite à la série des textes arabes marocains dont Marçais avait fourni un modèle en 1911, soit les Textes arabes de Tanger.

Pour ce qui est de l’introduction fournie par Loubignac, lui-même, elle relate sous forme d’une brève autobiographie, l’origine de l’auteur du sud oranais, sa nomination en tant qu’interprète militaire stagiaire au Maroc en 1914. L’auteur reconnaît son ignorance du parler bédouin et la nécessité d’apprendre « la langue de ses administrés ». Ceci rappelle à bien des égards l’argument soutenu par Cagne (1966, 69-85) sur l’ignorance par les fonctionnaires de la langue du colonisé et les problèmes qui pouvaient en découler. Mais, pour Loubignac, cette lacune linguistique a été comblée, selon ses dires, très rapidement en suivant la méthode conçue par Gaëtan Delphin53, qu’il avait expérimentée lors de ses études.

Les textes ont été recueillis pour la plupart entre 1915 et 1916 pour des fins, dit-il, « purement utilitaires ». Nous supposons qu’il fait référence au recueil d’informations commandées par la Résidence Générale. Il explique ensuite que le parler de Zaër était pur, sans aucune contamination « due à la langue citadine ou administrative dont la conventionnelle et souvent prétentieuse terminologie a depuis gagné bien des idiomes ruraux » (ix) et que ses informateurs n’ont jamais mis les pieds dans une ville. »

Ensuite, d’après Loubignac, l’analyse des textes du point de vue linguistique n’a été effectuée que plus tard grâce à la poursuite des recherches à la source même, à la suite des relations d’amitié établies avec les gens de la tribu, entre autres. La transcription des textes s’en est suivie en 1925 avec sa révision en 1942 et enfin sa mise au point finale en 1943. Pour ce qui est du dialecte, nous signale-t-il, il s’agit de celui de ulad hlifa, représentatif de la confédération.

Le territoire des Zaër, situé au sud de Rabat, couvre une superficie de 320 000 ha et est peuplé par soixante-quinze mille habitants, soit une densité de vingt-cinq au kilomètre carré. La confédération des Zaër se compose de deux sous-groupes, le premier, à l’est, estimé

des « purs », sont les Mzarsa et le second, à l’ouest, les Gofyan. Chaque groupe comprend plusieurs tribus dont le langage est uniforme dans chacune.

Loubignac fait remarquer que les origines des Zaër sont contestées. Si Ibn Khaldûn les « classe parmi les Berbères » (1931, XI), Al-Ifrani les considère comme des Arabes. De toute façon, précise-t-il, s’ils sont Arabes, d’origine yéménite, ils se sont fortement berbérisés.

À la fin de l’introduction, Loubignac explique clairement le propos de son étude. Il précise que, dans le texte arabe, le respect de la « physionomie traditionnelle des mots » a été maintenu « de manière à ne pas dérouter le lecteur », ainsi que l’emploi d’une orthographe plus phonétique dans le but de faire ressortir les particularités de la langue. De toute façon, fait-il observer, la représentation de la langue parlée en caractère arabe est toujours empreinte d’une touche de subjectivité.

Pour ce qui est de la transcription en caractères latins, il dit avoir adhéré au système couramment admis en Afrique du Nord et appliqué à l’IHEM, qui est celui de Marçais. La traduction, quant à elle, était inévitable, à cause de la difficulté du dialecte et sa compréhension et ce, malgré un lexique détaillé, car bon nombre de termes et de constructions auraient « embarrassé le lecteur ». De plus, les sujets d’ordre ethnographique sont ardus à cause de leur technicité et parfois de l’« aridité des sujets traités ».

Loubignac admet avoir contracté une dette envers les savantes études de :

1- William Marçais sur le Dialecte des ulads Brahim de Saïda54, qui a servi de guide et lui a permis d’éclaircir des problèmes d’ordre phonétique et de constitution syllabique ;

2- Jean Cantineau pour le Cours de phonétique arabe.

3- Henri Pérès pour son classement méthodique traité dans le Cahier d’arabe dialectal. Cours de phonétique arabe (Éd originale réimprimée)55, suivi de notions générales

de phonétique et de phonologie

De plus, il est reconnaissant à Brunot et à Georges-Séraphin Colin56 pour leurs

conseils se rapportant à la phonétique. Ce dernier lui a également permis de bénéficier des notes de vocabulaire, recueillies sur le même dialecte, en l’occurrence une centaine de nouveaux mots, qui ont enrichi son lexique.

Il salue aussi l’apport de ses fidèles informateurs, notamment trois d’entre eux, originaires de Ulad Hlifa, Miludi Ibn Buazza et les deux frères Hashmi et Si-Mohammed, fils de Lbuhalli. Ces derniers ont contribué d’une façon désintéressée pendant trente ans à son travail, leur seule récompense étant la reconnaissance d’un vieil ami qui a à cœur leur langue. Enfin, il conclut qu’avec beaucoup de courage il a mené sa tâche « en dehors de tout concours officiel ».

54 Marçais, William (1908) : Le dialecte arabe des Ulad Brahim de Saida : (département d'Oran), Paris,

Champion.

55 Sans référence dans l’ouvrage de Loubignac (op. cit., XVII).

56 Colin (1893-1977) est un enseignant et un diplomate qui, à la fin de la 1re guerre mondiale, a commencé sa

carrière en tant qu’élève drogman et il fut détaché comme pensionnaire à l’Institut français d’archéologie orientale au Caire. Il rejoignit le Maroc en 1921, comme adjoint au chef de la section sociologique de Tanger, puis directeur d’études à l’Institut des Hautes Etudes Marocaines de Rabat en 1926, poste qu’il occupa jusqu’en 1958. Son Dictionnaire de l’arabe marocain a fait l’objet d’une double édition au Maroc et en France. Même cas pour l’ouvrage de Pérès, Loubignac ne donne aucune référence, assumant, peut-être, que son lecteur connaît ces deux références.

Après avoir vu en détail la présentation des trois ouvrages, qui nous concernent, nous proposons de faire état des thématiques abordées par les auto-traducteurs.