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Les techniques de transfert par résonance non radiative

Les méthodes permettant de visualiser qualitativement et quantitativement l'activation des voies de signalisation dépendantes ou indépendantes des protéines G ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Des techniques biophysiques, exploitant un transfert d'énergie de résonance non radiative (RET), ont été mises au point et permettent d'évaluer les interactions protéines-protéines ainsi que la formation de complexes protéiques. Ces approches sont toutes basées sur le transfert d'énergie entre une molécule

donneuse et une molécule acceptrice d'énergie. Cette dernière réémettra à son tour cette énergie pour donner un signal différent du donneur (Cardullo, 2007). L'efficacité du transfert dépend de la distance séparant le couple donneur/accepteur qui varie entre 30 et 100 Ǻ. Cette distance maximale permettant le maintien du transfert d'énergie va également dépendre du couple donneur/accepteur employé (Förster, 1948). Une faible distance entre le donneur et l'accepteur entrainera un important transfert d'énergie (et donc un fort signal) et inversement. Cette efficacité est également dépendante d'une orientation permissive des dipôles électroniques du couple, un recouvrement est nécessaire entre les maximums d'émission du donneur et d'excitation de l'accepteur pour obtenir un transfert d'énergie non radiatif spontané. D'un point de vu pratique, il est donc possible d'étiqueter des protéines d'intérêts avec des molécules donneuses et acceptrices puis de suivre l'évolution des interactions protéiques en temps réel.

5.1. Le transfert d'énergie par résonance de fluorescence (FRET)

Le FRET est basé sur un principe physique, découvert en 1946 par Förster, selon lequel l'excitation d'une molécule donneuse d'énergie mène à un transfert d'énergie non radiatif à une molécule acceptrice par le biais d'une interaction dipôle-dipôle des nuages électroniques de chacun des fluorophores (Förster, 1948). Les deux molécules doivent cependant être à moins de 100 Ǻ, avoir une orientation dipolaire permissive et les spectres d'émission du donneur et d'excitation de l'accepteur doivent se chevaucher le plus possible pour que le transfert d'énergie soit optimal. L'innovation probablement la plus importante dans le domaine des fluorophores fut marquée par la découverte d'une protéine fluorescente par Shimomura, Chalfie et Tsien (Prix Nobel de Chimie en 2008), la GFP (Green Fluorescent Protein), pouvant être directement encodée à l'intérieur de la cellule (Prasher et al., 1992). Les propriétés avantageuses d'auto-fluorescence de la GFP proviennent du fait que sa séquence primaire en acides aminés et que la formation du chromophore ne dépendent nullement de cofacteurs ou d'activités enzymatiques. De plus, la GFP a une structure en forme de cylindre composée de 11 feuillets β entourant le chromophore lui octroyant une exceptionnelle résistance à la chaleur, aux détergents, aux solvants organiques et aux protéases communes (Tsien, 1998). Elle est ainsi devenue un outil

incontournable de la biologie cellulaire en permettant de suivre la localisation et le mouvement d'autres protéines auxquelles elle a été génétiquement fusionnée. Différentes protéines mutantes de la GFP ont par la suite été produites. En changeant les acides aminés formant le chromophore, il a été possible de modifier les longueurs d'onde d'absorption et d'émission de la GFP devenant alors une BFP (Blue Fluorescent Protein), une YFP (Yellow Fluorescent Protein) et d'autres variantes (CFP, RFP,...) (Cubitt et al., 1995). Le couple de fluorophores communément utilisé est la CFP comme donneur et la YFP comme accepteur d'énergie. Le pic d'émission du CFP se situe à 475 nm et va être en mesure de transférer son énergie à la YFP dont le pic d'excitation est à 515 nm. Ces deux pics se chevauchent suffisamment pour que la YFP soit activée par la CFP lorsque ces deux entités se retrouvent à proximité l'une de l'autre (Figure 20).

Figure 20. Représentation du transfert d'énergie de type FRET. Deux protéines d'intérêts sont étiquetées avec le couple CFP/YFP. Après excitation à la longueur d'onde λex, le CFP (donneur) va émettre de l'énergie à ses longueurs d'ondes d'émissions. Si la deuxième protéine d'intérêt est à proximité de la première, le YFP (accepteur) va à son tour être excité grâce à un transfert d'énergie FRET. Le YFP émettra de l'énergie alors à une longueur d'onde λém qui va être mesurée pour évaluer le degré d'interaction entre les deux protéines.

Plusieurs autres couples de fluorophores dérivés de la GFP sont largement utilisés notamment BFP/GFP. Les chélates et cryptates de lanthanides (principalement Europium et Terbium) sont également des donneurs d'énergie utilisés comme sondes dans des systèmes d'analyse et de diagnostic. Le FRET peut être combiné à la microscopie pour localiser les interactions protéiques en cellules vivantes, suivre la cinétique et le mouvement de ces interactions. Cet outil, d'une grande versatilité, est très largement utilisé de nos jours pour

mesurer le recrutement ou la dissociation d'une protéine à une autre dans un contexte cellulaire.

5.2. Le transfert d'énergie par résonance de bioluminescence (BRET)

Le BRET est un phénomène naturel se produisant chez certains êtres vivants tels la

Renilla reniformis et l'Aequorea victoria. Cette technique est basée sur la bioluminescence qui est retrouvée dans plusieurs organismes (bactéries, coelenterates, dinoflagellés et lucioles). La production de lumière résulte de l'oxydation de la luciférine qui est le substrat d'une photoprotéine appelée luciférase (Wilson and Hastings, 1998). Cette dernière est une enzyme bioluminescente qui va jouer le rôle du donneur d'énergie, il s'agit de la différence majeure avec le FRET. La séquence en acides aminés des luciférases varie sensiblement d'un organisme à l'autre, et sont classées en trois grandes catégories selon l'organisme dont elles proviennent; les Lux représentant la classe des bactéries, les Lcf pour les dinoflagellés et enfin les Luc pour les lucioles (Wilson and Hastings, 1998). La production de lumière provient de la catalyse par la luciférase de l'oxydation de la luciférine (benzothioazoyl- thiazole) en présence d'ATP et de Mg2+. Les coelenterates produisent de la lumière sans ATP et en présence de Ca2+ comme cation bivalent. Dans ce cas, la Renilla Luciferase (Rluc) va catalyser l'oxydation de la luciférine nommée plus spécifiquement coelentrazine en coelentramide entrainant la production de lumière. Lorsque la luciférase est à proximité (< 100 Ǻ) des protéines GFP, l'énergie sous forme de lumière, provenant de l'oxydation décrite plus haut, est transférée à la GFP qui réémettra cette énergie à une autre longueur d'onde (Xu et al., 1999). Ce transfert de la luciférase à la GFP dépend de l'orientation des deux protéines, de la distance les séparant et du chevauchement des spectres d'émission de la luciférase et d'excitation de la GFP. Le ratio BRET va être déterminé selon le rapport de la lumière provenant de la GFP sur la lumière produite par la luciférase.

Le BRET a connu une sensible amélioration au cours des années. En effet, la première configuration développée utilise la Rluc et la coelentrazine-h comme donneur d'énergie et la protéine YFP comme acceptrice. La bioluminescence produite par la luciférase possède un maximum d'émission à 480 nm, la YFP a un maximum d'excitation à 510 nm. Cette différence de recouvrement des spectres du donneur et de l'accepteur n'est

pas optimale, ceci se traduit par une moins bonne efficacité du transfert d'énergie. Afin d'améliorer cela, un nouveau substrat, la coelentrazine-400a, a été développé. Cette dernière possède un maximum d'émission à 400 nm et, couplé à l'utilisation d'une GFP modifiée (la GFP2) qui possède un maximum d'excitation à 420 nm, le recouvrement des spectres est ainsi accru entrainant un meilleur transfert d'énergie entre donneur et accepteur. De plus, la séparation entre les spectres d'émissions de la coelentrazine-400a et de la GFP2 est plus importante. En conséquent, cela facilite la mesure et améliore le ratio de BRET. Cette variante est communément nommée BRET2 (Figure 21).

Figure 21. Représentation du transfert d'énergie de type BRET et BRET2. Le BRET utilise le couple Rluc/YFP et le substrat coelentrazine-h (en pointillés). L'espace séparant λém du donneur et λex de l'accepteur n'est pas optimal. La distance entre λém du donneur (480 nm) et λém de l'accepteur (530 nm) entraine un recouvrement partiel de ces spectres conduisant à un mauvais ratio BRET. Dans le cas du BRET2 (en trait plein), la GFP2 est l'accepteur et le substrat de la Rluc est la coelentrazine-400a ou DeepBlueC. Le recouvrement λém du donneur et λex de l'accepteur est accru. La distance entre λém du donneur (395 nm) et λém de l'accepteur (510 nm) est bien plus importante garantissant un meilleur ratio BRET.

Le groupe du Dr. Bouvier fait office de pionnier dans l'utilisation de la technologie BRET pour la mesure d'interactions entre un RCPG et une protéine d'intérêt. Par cette technique, les auteurs ont pu suivre le recrutement de la β-arrestine suite à l'activation du récepteur β2-adrénergique (Angers et al., 2000). Depuis, le BRET est devenu une méthode de choix dans la découverte de ligands biaisant des voies de signalisation d'un RCPG. En effet, avec l'avancée des connaissances en biologie moléculaire, il est possible d'étiqueter le couple donneur/accepteur d'énergie au sein de différents effecteurs intracellulaires et même sur les sous-unités des protéines G. Puis, sur des cellules transfectées par ces protéines, une

évaluation de la dissociation de la sous-unité Gαi des sous unités Gβγ par exemple par un récepteur d'intérêt, suite à l'introduction d'un ligand donné, peut être entreprise. Plusieurs études récentes ont investigué l'activation, par des ligands, des voies de signalisation dépendantes et indépendantes des protéines G (Audet et al., 2012; Ceraudo et al., 2014), faisant de la technologie BRET une incontournable pour la recherche de nouveaux médicaments ciblant les RCPG.