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Les systèmes de sécrétion et de translocation

I. Legionella pneumophila

3. Les systèmes de sécrétion et de translocation

3.Les systèmes de sécrétion et de translocation

La virulence de L. pneumophila est directement liée à sa capacité à sécréter des centaines de protéines bactériennes par différents systèmes de sécrétion. Tandis que le système de sécrétion de type I semble réservé à l’espèce L. pneumophila (Cazalet et al., 2010), les systèmes de sécrétion de type II, IVA et IVB sont conservés au sein du genre

Legionella (Gomez-Valero et al., 2011b ; Gomez-Valero et Buchrieser, 2013). Le système de

sécrétion de type V quant à lui, serait restreint à la souche Paris de l’espèce L. pneumophila (Cazalet et al., 2004). Une fois de plus, ces observations mettent en avant la variabilité génétique au sein du genre Legionella et même entre différentes souches de l’espèce L.

pneumophila.

3.1.Les systèmes de sécrétion de type I, II et V

Bien que la présence d’un SST1 (système de sécrétion de type I) fut prédite par analyse bioinformatique depuis plus de 10 ans, ce n’est que récemment que ce système de sécrétion a été fonctionnellement caractérisé (Jacobi et Heuner, 2003 ; Fuche et al., 2015). Le SST1 permettrait la sécrétion de la protéine RtxA (repeats in structural toxin) qui serait son unique substrat (Figure 7a). Cette protéine serait impliquée dans le cycle infectieux de

L. pneumophila, notamment au niveau de l’adhésion et de l’entrée de la bactérie dans les

cellules hôtes (Fuche et al., 2015).

La découverte du gène pilD, codant pour un des composants du SST2 (système de sécrétion de type II) a été le premier indice indiquant la présence d’un tel système chez L.

pneumophila (Liles et al., 1998, 1999). Par la suite, d’autres gènes ont été trouvés (Hales et

Shuman, 1999 ; Rossier et Cianciotto, 2001 ; Rossier et al., 2004) puis le séquençage complet des génomes a permis l’identification de l’ensemble des gènes nécessaires à la structure du SST2 (Cazalet et al., 2004 ; Chien et al., 2004 ; Glöckner et al., 2008 ; D’Auria

et al., 2010 ; Schroeder et al., 2010). Le SST2 sécrète des protéines bactériennes du

périplasme à l’extérieur de la bactérie (Figure 7b), ce qui suggère la présence de systèmes additionnels qui permettent la traversée des protéines du cytosol de la bactérie jusqu’au périplasme. Il existe le système Sec (secretion) qui permet le passage de protéines non repliées et le système Tat (twin-arginine translocation) qui exporte des protéines conformées (Berks et al., 2003 ; de Keyzer et al., 2003). L. pneumophila possède trois systèmes : un système Sec qui couple la traduction et l’exportation de protéines en simultané, un autre système Sec qui permet le passage de protéines déjà traduites et un système Tat (Cazalet

et al., 2004 ; Chien et al., 2004 ; De Buck et al., 2004 ; Lammertyn et Anné, 2004 ; Rossier et

Cianciotto, 2005 ; Geukens et al., 2006) (Figure 7b). Le SST2 sécrète moins d’une trentaine de protéines bactériennes qui seraient impliquées dans la réplication de la bactérie au sein de certaines amibes, macrophages et cellules épithéliales humaines (Cianciotto, 2013).

38 L’analyse du génome de la souche Paris révèle la présence d’un SST5 (système de sécrétion de type V) putatif. Cet auto-transporteur ne semble pas conservé dans les autres souches de L. pneumophila et permettrait à la souche Paris une meilleure adhérence aux cellules de mammifères et/ou une meilleure agrégation lors de la formation de biofilms (Cazalet et al., 2004).

3.2.Les systèmes de sécrétion de type IV

L. pneumophila possède deux SST4 (systèmes de sécrétion de type IV), le SST4A

aussi appelé Lvh (Figure 7c), et le SST4B également nommé Dot/Icm (defective in organelle traficking/intracellular multiplication) (Figure 7d). Le SST4A est homologue au système Vir (virulence) de conjugaison de plasmide identifié chez Agrobacterium tumefaciens. Ce système est composé de 11 protéines homologues sur les 12 qui forment le complexe chez

A. tumefaciens (Segal et al., 1999). Le SST4A est important pour la conjugaison de plasmide

(Segal et al., 1999) (Figure 7c) et aurait un rôle dans la virulence de la bactérie, en particulier en agissant en collaboration avec le SST4 Dot/Icm (Bandyopadhyay et al., 2007, 2013).

Les gènes codant le SST4 Dot/Icm ont tout d’abord été identifiés suite à l’analyse de différents mutants bactériens. Deux types de mutants ont été isolés, d’une part les mutants incapables de se répliquer et qui n’induisent pas la mort du macrophage (icm, intracellular multiplication) et d’autre part, ceux qui ne détournent pas la voie de dégradation endocytique (dot, defective for organelle traficking) (Segal et al., 1998 ; Vogel et al., 1998). Parmi les 26 protéines qui forment le SST4 Dot/Icm, 20 sont homologues aux protéines formant le système de transfert des plasmides de type IncI (incompatibilité) (Sexton et Vogel, 2002). Bien que quelques données de structure soient disponibles, l’organisation du SST4 Dot/Icm n’est pas complètement élucidée (Kubori et Nagai, 2016). Néanmoins, il est connu que ce système de sécrétion permet le transfert de plasmides et de protéines bactériennes, nommées effecteurs (Vogel et al., 1998 ; Nagai et al., 2002) (Figure 7d). Il est à noter que le mutant bactérien délété du gène dotA présente un SST4 Dot/Icm non fonctionnel bien que la fonction de cette protéine ne soit pas identifiée. Ce mutant est incapable de se multiplier au sein des cellules hôtes et est classiquement utilisé comme témoin d’avirulence pour étudier le cycle intracellulaire de L. pneumophila (Berger et al., 1994 ; Roy et Isberg, 1997).

Le SST4 Dot/Icm est essentiel à la multiplication intracellulaire de L. pneumophila et est le plus important appareil de sécrétion de la bactérie. En effet, jusqu’à 300 effecteurs peuvent être sécrétés par ce système de sécrétion dont environ 70 sont caractérisés à ce jour. Ce répertoire d’effecteurs est large et divers puisque seulement 7 effecteurs sur les 300 sont conservés au sein du genre Legionella (Burstein et al., 2016). D’autre part, la redondance fonctionnelle et génétique du répertoire d’effecteurs permet probablement à L.

39 possible que chaque paralogue soit spécifique à un hôte particulier (Luo and Isberg, 2004 ; Lau et Ashbolt, 2009 ; O’Connor et al., 2011 ; Dupuy et al., 2016). Plusieurs stratégies ont été adoptées afin d’identifier les effecteurs putatifs sécrétés par le SST4 Dot/Icm. La recherche par analyse bioinformatique de protéines de type eucaryote au sein des génomes de la souche Philadelphia-1, Paris et Lens a mis en évidence de nombreux effecteurs putatifs (Cazalet et al., 2004 ; Chien et al., 2004 ; de Felipe et al., 2005 ; Brüggemann et al., 2006a ; Pan et al., 2008a). Comme précédemment évoqué, ces protéines sont probablement sécrétées par la bactérie afin d’interagir avec son hôte. Par ailleurs, l’identification de séquences de fixation d’éléments régulateurs tels que PmrA (pneumococcal multidrug resistance protein) ou CpxR (conjugative plasmid expression) en amont des gènes codant les effecteurs a servi de base à de nombreuses autres études bioinformatiques (Zusman et

al., 2007 ; Altman et Segal, 2008 ; Zusman et al., 2008). La recherche d’une séquence signal

au sein des effecteurs est également une stratégie, même si aucune séquence consensus n’est établie (Nagai et al., 2005 ; Burstein et al., 2009 ; Huang et al., 2011 ; Lifshitz et al., 2013). De façon plus expérimentale, une étude a été réalisée sur la sécrétion de tous les produits des cadres ouverts de lecture (ORF, open reading frame) de plus de 300 paires de bases. Pour ce faire, les auteurs ont fusionné chacune de ces ORF au gène codant la β -lactamase sans peptide signal. Si l’effecteur est sécrété dans le cytosol de la cellule hôte, la

β-lactamase va hydrolyser un composé fluorescent puis induire l’émission d’une fluorescence spécifique (Zhu et al., 2011a). Cette technique est classiquement utilisée pour vérifier la sécrétion des effecteurs par le SST4 Dot/Icm. En parallèle, il a été montré que certains effecteurs ont besoin de protéines chaperonnes, telles que les complexes IcmS/IcmW ou IcmS/LvgA (Legionella virulence gene) pour être sécrétés dans la cellule hôte (Vincent et Vogel, 2006 ; Coers et al., 2000 ; Sutherland et al., 2012). Cela permettrait de contrôler temporellement la sortie des effecteurs connus pour être synthétisés par la bactérie et disponibles dès le contact avec la cellule hôte (Charpentier et al., 2009). Ces couples de chaperonnes faciliteraient la sécrétion des effecteurs en interagissant avec des protéines inhibitrices complexées aux effecteurs (Cambronne et Roy, 2007).

Figure 7 : Les systèmes de sécrétion chez L. pneumophila

1 substrat < 30 substrats Sec/Tat (a) SST1 (b) SST2 (c) SST4A, (d) SST4B, Lvh Dot/Icm Cytosol de la bactérie Périplasme Cytosol de l’hôte ~300 substrats