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Interaction entre L. pneumophila et l’autophagie des amibes Dictyostelium discoideum

III. Legionella pneumophila et l’autophagie de l’hôte

1. Interaction entre L. pneumophila et l’autophagie des amibes Dictyostelium discoideum

Dictyostelium discoideum

L’amibe Dictyostelium discoideum est un organisme modèle qui a été isolé en 1933 de feuilles en décomposition dans une forêt de feuillus des montagnes de Caroline du Nord (Raper, 1935) (Figure 34). Très rapidement après cette découverte, le suivi de la réplication des amibes en présence d’espèces bactériennes a été une des premières études réalisée (Raper, 1937). En effet, dans l’environnement l’amibe se nourrit de bactéries pour acquérir des nutriments nécessaires à son développement. Réciproquement, l’étude de l’interaction entre L. pneumophila et D. discoideum a été une des premières études utilisant cette amibe pour analyser la virulence d’agents pathogènes intracellulaires (Hägele et al., 2000 ; Solomon et al., 2000 ; Dallaire-Dufresne et al., 2011). Ce modèle est d’autant plus pertinent que les amibes sont des hôtes naturels de cette bactérie pathogène.

98 Figure 34 : L’amibe Dictyostelium discoideum

(a) Amibe D. discoideum en phase myxamoebae observée par microscopie à un grossissement x250. (b) Cliché

de microscopie électronique à transmission d’une amibe D. discoideum infectée par L. pneumophila après 48 heures d’infection. La barre de taille représente 1µm.

L’autophagie est nécessaire au développement normal de l’amibe D. discoideum et le mécanisme autophagique est conservé par rapport à celui des plantes, levures et cellules de mammifère (Otto et al., 2003a). Différentes amibes délétées des gènes ulk1 ou beclin1, essentiels dans la formation du phagophore, ainsi que des gènes atg5, atg7 ou lc3, impliqués dans la formation de l’autophagosome, ont été construites. Le suivi de la réplication bactérienne dans ces différentes amibes infectées par la souche Philadelphia JR32 de L. pneumophila a révélé que l’absence de ces gènes n’induit pas de défaut de réplication après 2, 4, 6 et 8 jours d’infection (Otto et al., 2003b). De plus, lors d’une infection d’amibes sauvages par la souche Philadelphia JR32, aucune bactérie ne localise avec le marqueur autophagique LC3 après 3, 30 heures ou 4 jours d’infection (Otto et al., 2003b). Ces données suggèrent que l’autophagie cellulaire de l’amibe D. discoideum n’est pas sollicitée lors d’une infection à L. pneumophila.

Par ailleurs, la réponse transcriptionnelle globale de l’amibe D. discoideum à une infection par L. pneumophila a été caractérisée à l’aide de puces à ADN. Pour cela, des amibes ont été infectées avec la souche Philadelphia JR32 puis la réponse transcriptionnelle de l’hôte a été mesurée après 3, 6, 24 et 48 heures d’infection. Il a été mis en évidence qu’après 24 heures d’infection, l’expression des gènes lc3 et atg16 est diminuée d’un facteur 0,5 et 0,6 respectivement tandis que l’expression du gène atg9 est stimulée d’un facteur 1,5 (Farbrother et al., 2006). Suite à ces résultats, l’amibe délétée du gène atg9 a été construite et la réplication bactérienne a été étudiée. Ces amibes ont une phagocytose altérée, ainsi, pour d’observer un nombre de bactéries similaire après 3 heures d’infection, les amibes sauvages et mutantes ont été infectées à deux MOI (multiplicity of infection) différentes par la souche L. pneumophila Corby (Tung et al., 2010). Tandis qu’environ la moitié des bactéries internalisées sont dégradées dans les deux types d’amibes durant les 18 premières heures d’infection, d’avantage de bactéries semblent détruites dans les amibes

Raper, 1935 Hägele et al., 2000

99 sauvages (Figure 35a). Après 18 heures d’infection, les bactéries non dégradées se multiplient au sein des deux types d’amibes mais la réplication bactérienne est plus importante dans les amibes déficientes pour atg9 (Tung et al., 2010) (Figure 35a). Ces données montrent que même si L. pneumophila inhibe l’autophagie en modulant l’expression des gènes lc3 et atg16, cette voie cellulaire participe à la dégradation d’une partie des bactéries (Farbrother et al., 2006 ; Tung et al., 2010).

La réplication bactérienne d’une autre souche de L. pneumophila a également été suivie dans des amibes sauvages ou délétées pour atg9 (Rolando et al., 2016). Alors que la souche Corby se réplique dans les amibes sauvages, la souche Paris semble uniquement survivre voire être dégradée (Figure 35b). Ces résultats sont représentatifs de la variabilité génétique importante présente entre les souches de L. pneumophila, même au sein du sérogroupe-1. Néanmoins, comme pour la souche Corby, la réplication bactérienne de la souche Paris est augmentée lorsque les amibes sont déficientes pour l’expression d’atg9 (Figure 35b) (Rolando et al., 2016). Il est à noter que dans cette étude, la même MOI a été utilisée pour l’infection des amibes sauvages et des amibes déficientes pour atg9, ce qui conduit probablement à une sous-estimation de la réplication bactérienne. L’autophagie de l’amibe D. discoideum aurait un rôle protecteur contre L. pneumophila et pourrait être plus efficace contre la souche Paris comparée à la souche Corby. Il est donc possible que l’interaction entre L. pneumophila et l’autophagie cellulaire soit différente en fonction de la souche étudiée.

Figure 35 : Réplication de différentes souches de L. pneumophila dans des amibes D. discoideum sauvages ou déficientes pour atg9

(a) La réplication de la souche Corby de L. pneumophila a été mesurée dans des amibes sauvages infectées à une MOI de 1 et des amibes déficientes pour atg9 infectées à une MOI de 8. (b) La réplication de la souche Paris a été suivie dans des amibes sauvages ou délétées d’atg9 infectées à une MOI de 0,1.

L’analyse de l’interaction entre L. pneumophila et l’autophagie dans le modèle amibe oppose deux grandes hypothèses. La première étude aboutit à la conclusion que l’autophagie n’est pas impliquée dans le cycle intracellulaire de L. pneumophila (Otto et al.,

d’après Tung et al., 2010

amibes

ATG9-●amibes sauvages

Temps post-infection (heures)

amibes

ATG9-●amibes sauvages

Souche Paris Souche Corby

d’après Rolando et al., 2016

(a) (b)

0 2 4 6 8 Temps post-infection (jours) 1.106 8.105 4.105 0 U n it é f o rm a n t c o lo n ie s 12 10 8 6 4 2 0 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44 48 T it re r e la ti f n o rm a li s é p a r la q u a n ti d e b a c ri e s a u t e m p s 3 h

100 2003b). Les études suivantes proposent que l’autophagie permettrait la dégradation d’une partie des bactéries internalisées (Tung et al., 2010 ; Rolando et al., 2016). La différence entre ces études peut provenir de différents paramètres. Dans la première étude menée en 2003, l’interaction entre la bactérie et l’autophagie cellulaire n’est pas analysée avant deux jours d’infection, contrairement aux études suivantes. De plus, il n’est pas spécifié si les amibes déficientes pour les gènes ulk1, beclin1, atg5, atg7, lc3 ont un défaut de phagocytose comme cela a été observé avec l’amibe délétée du gène atg9. Si c’est le cas, la réplication bactérienne serait plus importante dans les amibes mutantes que dans les amibes sauvages, ce qui serait cohérent avec un rôle protecteur de l’autophagie (Figure 36). Des expériences complémentaires sont nécessaires afin de déterminer plus précisément l’interaction entre L. pneumophila et l’autophagie de l’amibe D. discoideum. Il n’est pas à exclure que L. pneumophila puisse être dégradée par l’autophagie à un stade de son cycle intracellulaire et inhibe et/ou détourne cette voie pour acquérir des membranes ou des nutriments à un autre stade.

Figure 36 : Interaction entre L. pneumophila et l’autophagie des amibes

L’infection des amibes par L. pneumophila est liée à l’inhibition de l’expression des gènes atg16 et lc3 et la stimulation du gène atg9. Même si la bactérie se réplique dans cet hôte, une partie des bactéries semble dégradée par l’autophagie cellulaire.

ATG16, LC3

ATG9

Dégradation

L. pneumophila

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