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Les spécificités de l’évaluation clinique des dispositifs médicaux 33

B.   L’évaluation clinique et les modalités de prise en charge des DM 25

4.   Les spécificités de l’évaluation clinique des dispositifs médicaux 33

Il existe de grandes différences entre le développement clinique d’un DM et celui d’un médicament, comme le décrivent Konstam et al. (27). Plusieurs particularités expliquent qu’il peut être difficile de copier la méthodologie des essais cliniques des médicaments, et notamment :

- la grande hétérogénéité des DM ;

- le cycle de vie court, lié à une évolution technologique rapide ;

- les performances utilisateurs et environnement dépendantes et la notion de courbe d’apprentissage ;

- la population cible souvent de petite taille ;

- la méthode d’évaluation souvent empirique en chirurgie ; - la difficulté de randomisation et de mise en insu ;

- la durée de vie de certains DMI plus longue que la durée des études cliniques ; - le mode d’action souvent mécanique ;

- la performance technique à dissocier du bénéfice clinique ; - le cadre réglementaire.

Parquin et al. ont relevés quatre spécificités des DM pouvant avoir un impact important sur la réalisation d’études cliniques : l’hétérogénéité des DM, le cycle de vie, la caractère opérateur-dépendant et les petites populations (28).

Tout d’abord, l’hétérogénéité des DM implique de distinguer plusieurs éventualités : - les DM qui doivent satisfaire à des normes techniques permettant de prédire correctement leurs performances n’ont que peu d’intérêt de réaliser des essais cliniques spécifiques lorsque les critères d’équivalence sont respectés et démontrés ;

- les objectifs des essais cliniques seront différents selon que l’évolution apportée par le nouveau DM est une évolution incrémentale, c’est à dire une amélioration technique, ou évolution de rupture avec un impact clinique important. Une évolution incrémentale ne nécessite d’études spécifiques que si elle modifie le rapport bénéfice/risque, sinon la démonstration d’équivalence avec l’ancien DM peut être suffisante.

Des référentiels spécifiques selon le type de DM seraient utiles pour préciser quel type d’étude est requis pour obtenir un bon niveau d’évaluation.

Ensuite, le cycle de vie rapide de certains DM peut perturber la réalisation d’un essai clinique si une amélioration incrémentale apparait au cours de l’essai. Il est préférable d’éviter cette situation en privilégiant des études de courte durée, multicentrique et avec un calcul de l’effectif adéquat. A l’inverse, la durée de vie d’un DMI peut être très longue et nécessite un suivi à long terme et des études de longue durée.

Puis, l’expérience du praticien, sa connaissance du DM et la maitrise de la technique seront déterminants pour obtenir l’efficacité recherchée et réduire le risque d’effets secondaires. Les essais cliniques doivent prévoir cette courbe d’apprentissage avec la mise en place d’une phase de formation à la technique avant de réellement débuter les inclusions des patients. Le choix du moment de l’évaluation ne doit pas être trop précoce pour prendre en compte l’apprentissage de la technique, mais ne doit pas être trop tardive car il pourra être difficile de faire adhérer les praticiens à un protocole d’étude si le DM est largement diffusé. Il faut tenir compte des retours d’expérience pour les évolutions futures du DM.

Enfin, la faible taille de la population éligible est une spécificité des études portant sur les DM. Il arrive très souvent que le niveau de population auquel un DM est destiné se rapproche de la notion de spécialité pharmaceutique orpheline, pouvant ne concerner que

quelques centaines de patients dans certains cas. Le choix de la population étudiée est important. Il ne doit pas être trop strict car le rapport bénéfice/risque sera optimisé mais les résultats seront difficilement généralisables, et une sélection trop large va faciliter le recrutement mais risque de ne pas cibler les patients susceptibles de profiter du nouveau DM avec la meilleure efficacité.

Bien que l’essai clinique randomisé, contrôlé, prospectif en double aveugle soit le gold standard pour détecter l’efficacité des DM avec un bon niveau de confiance, il est souvent difficile d’appliquer cette méthodologie. De plus, Black et al. explique que les essais randomisés peuvent être inadaptés et que des études observationnelles peuvent permettre de répondre à des questions auxquelles il aurait été impossible de répondre avec des essais randomisés (29).

Les limites des essais cliniques randomisés pour l’évaluation des DM sont généralement la nécessité d’avoir un effectif important, la difficulté de mettre en place la randomisation et de réaliser l’insu, l’inexistence de placebo ou de comparateur de référence et les résultats opérateur dépendants.

La non-acceptation de l’étude par le patient ou le praticien peut être un frein au recrutement des sujets. Les patients peuvent préférer une intervention et refuser la randomisation, et le chirurgien peut préférer la technique qu’il a l’habitude de pratiquer (30). On peut citer par exemple la comparaison d’un traitement invasif à un traitement non invasif.

L’aveugle est plus souvent impossible pour les essais non pharmacologiques selon Boutron et al. (31). Il peut être complet, partiel ou ne porter que sur l’évaluation du critère de jugement. Des exemples tel qu’une cicatrice qui révèle le type d’intervention pour le patient ou pour l’équipe médicale assurant le suivi, ou tel que le type d’intervention pour le chirurgien, sont des facteurs limitant la possibilité de réaliser l’essai en aveugle. Des solutions existent pour maintenir autant que se peut l’aveugle comme éviter les contacts entre le chirurgien et l’équipe assurant le suivi du patient.

Le choix du comparateur pourra également s’avérer difficile, notamment l’utilisation d’un placebo, pour des raisons éthiques mais également pratiques. Il est délicat de simuler une intervention chirurgicale qui n’apporterait aucun bénéfice au patient et comporterait des risques ou de trouver un DM placebo approprié, d’autant plus qu’il existerait des alternatives thérapeutiques efficaces.

Nous pouvons également évoquer la difficulté d’évaluer l’effet propre du DM sur le critère de jugement, car les DM sont souvent utilisés conjointement avec d’autres thérapeutiques (médicament, chirurgie, surveillance). Les interventions chirurgicales, la prise en charge pré et post-opératoire ainsi que l’organisation des soins peuvent avoir un impact sur les résultats. Il est donc très important de standardiser la procédure et de la décrire précisément dans le protocole de l’étude, afin de limiter les différences entre les centres. Si les pratiques ne peuvent être uniformisées, alors il sera nécessaire d’ajuster l’analyse statistique sur les centres.

Une réponse uniforme n’étant pas envisageable au vu de la grande diversité des DM, il est donc nécessaire que les méthodes habituelles des essais cliniques des médicaments soient adaptées aux spécificités de chaque DM. Des méthodes propres au secteur des DM doivent alors être développées. Cette difficulté de réaliser des études cliniques comparatives conduit à l’utilisation en pratique courante de DM n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation clinique optimale.

II. La recherche clinique et son cadre juridique appliqué aux DM