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B. LE TOURNANT DE LA DIPLOMATIE CINEMATOGRAPHIQUE DANS LES ANNEES 1980.

1. LES SIGNES DE LA CRISE DU MONDE CINEMATOGRAPHIQUE

Dans les années 1970 et 1980, l’apparition de la télévision et puis la prépondérance de l’image cinématographique américaine ont comme conséquence inévitable la crise profonde du cinéma européen. Essentiellement, cette crise constitue une raison principale ou plus spécifiquement un prétexte idéal qui incite les hommes politiques, les experts du cinéma, les agents administratifs et les professionnels à se mobiliser envers les questions cinématographiques, à renouveler les pratiques cinématographiques et à les adapter aux besoins particuliers de la cinématographie nationale des années 1980.

a. L’apparition de la télévision, raison primordiale de la crise cinématographique.

L’évolution spectaculaire des technologies, dans les années soixante et soixante – dix, a au fond bouleversé le paysage audiovisuel et cinématographique en permettant d’augmenter l’offre de programmes, en d’autres termes de multiplier, d’augmenter et d’individualiser les choix du public. Ainsi, la multiplication impressionnante des supports de diffusion, combinée avec la croissance du volume d’heures de télévision consommées, affecte d’abord la fréquentation des salles cinématographiques au profit de la télévision. Partout où des études ont été conduites, on peut constater le déclin général de la fréquentation du cinéma et l’augmentation du nombre de récepteurs de télévision.

Par exemple, en France, en 1957, on dénombrait 411 millions de spectateurs et 442.000 postes. En 1966 on a atteint seulement 232 millions d’entrées pour 6 millions de récepteurs.103 Cette tendance s’est prolongée, dans la Communauté européenne, jusque dans les années quatre – vingt dix où la baisse de la fréquentation des salles de cinéma a atteint 44%. La perte d’attraction du grand écran a comme résultat la baisse du nombre d’écrans de 56% dans l’espace communautaire en l’espace de 20 ans.

L’autre corollaire de cet effondrement de la fréquentation est la réduction du volume de productions de films. Autrement dit, la baisse de la fréquentation entraîne la diminution du nombre de films produits, ce qui conduit à la fermeture de salles et à

l’augmentation du prix de location de films, ce qui entraîne à son tour moins de spectateurs dans les salles.104 Cette crise profonde du cinéma européen va profiter au fond à l’industrie cinématographique américaine.

Bien entendu, même le cinéma américain s’est trouvé en crise dans les années soixante. Néanmoins, le cinéma américain, grâce aux réflexes rapides du secteur public et privé, aux solutions adaptées aux problématiques cinématographiques des années soixante et à la structure spécifique du secteur cinématographique américain, est parvenu à dépasser relativement vite la crise et à attirer de nouveau des spectateurs. Il en résulte donc une domination américaine dans les marchés cinématographiques européens qui étaient encore en crise profonde dans les années quatre – vingt.

b. La prépondérance de l’image hollywoodienne.

Les Etats – Unis sont devenus au cours du XXe le chef de file de la société de consommation et ont largement contribué à diffuser sa culture de par le monde. La prépondérance du cinéma américain et son succès auprès des populations offrent aux Etats Unis une tribune et une représentation permanente d’eux – mêmes à l’étranger. Ainsi, ils font partie en quelque sorte du paysage culturel et populaire des pays en question ; le cinéma apparaît comme une arme redoutable dans ce contexte en ce qu’il permet aux Etats Unis d’exporter et de mettre en valeur leur « standing way of life », leur système politique et économique.

Dès les années vingt, les soutiens gouvernementaux à l’exportation des produits de l’industrie hollywoodienne ne manquent pas. Une citation du président Hoover est devenue célèbre : « Dans les pays où pénètrent les films américains, nous vendons deux fois plus d’automobiles américaines, de phonographes américains, de casquettes américaines »105. En 1948, Eric Johnston, président de la MPAA déclare : « Le président Truman m’a dit qu’il considérait comme primordial que les films américains fussent projetés partout dans le monde »106.

104 F.BALLE, MEDIAS ET SOCIETES, PARIS, MONTCHRESTIEN, 1994.

105 Cité in MICHEL BOUJUT (dir), EUROPE, HOLLYWOOD ET RETOUR, PARIS AUTREMENT, 1986.

L’industrie cinématographique américaine s’est réalisée notamment autour de grands studios, les célèbres Majors qui grâce à leur organisation, ont contrôlé la diffusion dans le monde entier des images qu’elles ont fabriquées. Cependant, à partir des années soixante – dix, ces majors doivent de plus en plus composer avec de nouveaux producteurs indépendants. En outre, les professionnels américains vont s’appuyer très vite sur les nouvelles sources de financement que sont la télévision et la vidéo pour augmenter les budgets de production. Par ailleurs, les majors agissent depuis longtemps sous la forme de lobby au sein d’une organisation professionnelle la Motion Pictures Association of America (MPAA)107 qui a confié à une filiale d’exportation la surveillance et l’organisation des ventes des productions américaines à l’étranger.

Le cinéma américain a su déployer avec succès une stratégie de mondialisation. Charles Albert Michalet a bien mis en évidence les caractéristiques de la stratégie de « cinéma – monde »108 développée par l’industrie cinématographique américaine. Le modèle est fondé sur le film – monde, film évènement universel destiné à tous les publics dans tous les pays, dans une approche mondialisée des marchés, et produit par des groupes conglomeraux aptes à le rentabiliser en utilisant de multiples supports (salle, télévision, vidéo, jeu, édition)

Enfin, dans le domaine de distribution, les Majors américaines ont adopté depuis les années soixante une autre technique complémentaire. Elles se sont d’abord regroupées au sein de structures communes pour exporter leurs films, alliances qui varient dans le temps et dans l’espace, selon un ensemble de territoires déterminés. Ainsi UIP (United International Pictures) regroupe certaines d’entre elles (Paramount, Universal, MGM/UA), tandis que Warner et Columbia distribuent leur propres films (séparément ou conjointement dans certains pays).

Pour résumer, la crise profonde du cinéma français -et en général des cinémas européens- et l’invasion forte de l’image cinématographique hollywoodienne ont comme résultat au début des années 1980 la mobilisation des hommes politiques et

107 Unifrance Film ne peut certainement pas jouer le même rôle que le MPAA, principalement en raison des limites de moyens financiers. (malgré la qualité de ses études et ses festivals de prestige organisés à l’étranger et en France)

des professionnels envers la chute commerciale du cinéma français et le renouvellement des formes des politiques publiques en matière cinématographique.

2. LE ROLE DE JACK LANG DANS LE CHANGEMENT DE LA