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C. L’INTRUSION DES NOUVEAUX ACTEURS ET LA REAFFIRMATION DE LA DIPLOMATIE CINEMATOGRAPHIQUE.

II. L’UNION EUROPEENNE ET LA DIPLOMATIE CINEMATOGRAPHIQUE FRANÇAISE

Les régions et les intégrations régionales, notamment depuis 1945, constituent un aspect significatif des réalités internationales. Partout des Etats s’associent des accords d’intégration plus ou moins formalisés voient le jour qui lorsqu’ils sont suivis d’effets, influencent les relations qui se nouent entre de nombreux acteurs publics et privés. Du continent américain à l’Afrique ou à l’Asie, la régionalisation semble être devenue depuis le début des années 1990, la solution politique pour des acteurs en quête d’une échelle d’action efficace.

Dans une perspective institutionnelle, l’intégration désigne pour Bertrand Badie et Marie Claude Smouts, la fusion de deux ou plusieurs entités politiques en une nouvelle entité plus large par des mécanismes d’association.159

Toutefois, la nature même des intégrations régionales, leurs objectifs, les méthodes utilisées pour les mettre en place et leurs résultats font l’objet de désaccords. « Même pour l’Europe, région privilégiée et parfois érigée, consciemment ou non, en modèle théorique et pratique des intégrations régionales, les conflits d’interprétation demeurent nombreux »160.

L’Union européenne est un système politique qui ne rassemble à aucun autre, « un objet politique non identifié » disait Jacques Delors. Elle brouille les catégories constitutionnelles et les repères de la légitimité politique auxquels sont habituées les démocraties occidentales. « L’Union européenne n’est pas une confédération mais ce n’est pas une fédération. Elle est beaucoup plus qu’un accord de libre - échange, mais elle n’est pas entièrement supranationale. C’est une méthode, un processus, mis en mouvement par les Etats membres mais pas entièrement contrôlé par eux »161.

Alors que dans les cas de l’intrusion d’acteurs, comme les industries culturelles ou les associations, dans la diplomatie cinématographique, l’Etat reste une entité relativement principale réadaptant ses orientations et réintégrant sa politique au nouveau contexte, dans le cas de l’Union européenne, il est probable que l’intégration s’accompagne d’une substitution de l’Etat français ; la substitution engendre un

159 B.BADIE, M.C.SMOUTS, LE RETOURNEMENT DU MONDE…op.cit.

160 M.C. SMOUTS, D.BATTISTELLA, P.VENNESSON, DICTIONNAIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES, DALLOZ, 2003, p. 275.

161

M.C. SMOUTS, D.BATTISTELLA, P.VENNESSON, DICTIONNAIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES, DALLOZ, 2003, p. 489.

dessainissement de l’Etat au profit d’un nouvel acteur et peut être plus ou moins totale selon l’importance et le nombre des compétences transférées.

Néanmoins, plus spécifiquement, dans le cadre européen, l’intégration ne signifie pas exclusivement une substitution de l’Etat. Autrement dit, l’intégration européenne est considérée comme « un processus de renforcement qui offre à la fois, dans certains secteurs, des politiques d’harmonisation des législations nationales et dans d’autres, de véritables politiques européennes communes se substituant finalement à ces législations nationales »162.

Après avoir analysé les structures étatiques de la diplomatie cinématographique française, ses orientations fondamentales et les réadaptations de son modèle étatique aux nouvelles exigences du secteur privé et du marché dans les années 1980 et 1990, nous nous focaliserons sur la question des pratiques cinématographiques en Europe et sur la nature des relations et des interactions entre l’Union européenne et la diplomatie cinématographique française. Notre objectif est tout d’abord une approche globale des politiques cinématographiques européennes et notamment l’analyse de l’espace cinématographique européen. Nous nous demanderons ensuite si de nos jours, on peut parler d’une harmonisation ou encore d’une substitution des politiques nationales cinématographiques. Dans les débats actuels sur les transformations des politiques cinématographiques au sein des pays de l’Union européenne, la question des politiques cinématographiques européennes est devenue cruciale car les politiques cinématographiques de l’Union européenne sont au cœur des défis auxquels doit répondre le cinéma européen et la question plus générale de l’émergence d’un espace culturel européen. Au fond, développer l’Europe du cinéma serait la chose la plus positive pour la culture européenne et par conséquent pour la construction de l’Europe en général.

Plus concrètement, nous tenterons d’approfondir deux questions/problématiques :

1)Voit-on s’esquisser un espace cinématographique européen homogène et cohérent à savoir est-ce qu’on peut parler d’une régionalisation cinématographique

162 P.LE MIRE, DROIT DE L’UNION EUROPEENNE ET POLITIQUES COMMUNES, PARIS, DALLOZ, MEMENTOS, 1998, p.141. L’auteur précise néanmoins que parallèlement à ces deux logiques de substitution et d’harmonisation, on peut également isoler deux autres types de relation : la coordination (les droits nationaux demeurent mais le droit communautaire joue au niveau de leurs effets pour réduire leurs différences) et la coexistence (droit national et droit communautaire interviennent dans le même domaine mais chacun remplit une fonction différente).

européenne ? Peut – on parler d’une substitution ou d’une harmonisation relative des politiques cinématographiques nationales ? Quel est le moteur fondamental de la création et du renforcement des politiques cinématographiques européennes ? Les intérêts des gouvernements ou des acteurs privés incitent - ils le renforcement des pratiques cinématographiques de l’Union européenne ? Par ailleurs, cette émergence des politiques cinématographiques européennes parvient-elle à répondre aux défis et aux besoins profonds du cinéma européen ?

2) Nous analyserons la question de « la diversité culturelle », les conditions de sa construction, son émergence et son importance dans les évolutions de l’harmonisation des pratiques cinématographiques de l’Europe. De surcroît, nous étudierons comment les pouvoirs publics français affrontent la question de la perspective d’un espace cinématographique européen et quelle est l’influence des pratiques cinématographiques européennes sur la diplomatie cinématographique.

Afin d’aborder ces questions/problématiques, nous nous focaliserons tout d’abord sur les théories des Relations internationales et des politiques publiques qui tentent d’expliquer et de comprendre le pourquoi et le comment de l’intégration européenne. Ensuite, nous analyserons le contenu, les objectifs et les problèmes/enjeux des politiques cinématographiques de l’Union européenne. En outre, nous focaliserons sur les politiques cinématographiques nationales et notamment nous analyserons les politiques étatiques en matière cinématographique en Grande Bretagne, en Allemagne et en Italie qui constituent (avec la France) les pays les plus principaux par rapport à la production, à la distribution et à l’exportation cinématographique. Ensuite, nous étudierons la position de la France et de la diplomatie cinématographique envers la question de l’Union européenne et la problématique de « la diversité culturelle » une idée qui domine la politique cinématographique française et qui dicte largement l’action et les orientations de la diplomatie cinématographique. Enfin nous tenterons de comprendre et expliquer les problématiques/enjeux qui dominent le cinéma européen à travers les théories de l’intégration européenne et notamment l’approche de l’intergouvermentalisme libéral.

A. L’UNION EUROPEENNE A TRAVERS LES THEORIES

Concernant l’étude de l’intégration européenne, on trouve deux matrices théoriques opposées : les théories des Relations Internationales et les théories des Politiques publiques. D’une part, les théories des Relations Internationales focalisent notamment sur l’action des Etats et des acteurs privés nationaux et elles visent au fond à expliquer le pourquoi de l’intégration européenne et à trouver le moteur fondamental qui conduit le processus de la construction européenne. D’autre part, les théories des Politiques publiques mettent l’accent sur l’émergence d’un espace européen d’action politique dont les composantes sont autant les Etats et les acteurs privés nationaux que les groupes transnationaux et les institutions communautaires. A l’opposition des Relations Internationales, les théories des Politiques publiques n’acceptent pas l’existence d’un moteur unique du processus de l’intégration européenne, mais une diversité d’acteurs qui façonne l’espace public européen. Elles analysent notamment la prise de décision au sein des divers secteurs de l’Union européenne.

1. LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES

Les approches des Relations internationales qui ont cherché à théoriser le processus d’intégration européenne sont l’œuvre pour l’essentiel de politistes américains. Elles s’articulent autour d’un débat entre le courant néofonctionnaliste incarné par Ernst Haas et le courant néoréaliste dont Stanley Hoffmann a été le principal instigateur. Bien que, comme l’affirment Christian Lequence et Andy Smith « l’heure n’est plus à une opposition entre une école intregouvernemataliste et une école neo-fonctionnaliste, nous devons présenter ces deux approches génériques car elles continuent de dominer l’étude de l’intégration européenne. »163

Enfin, nous analyserons les axes théoriques de l’intergouvermentalisme libéral de A.Moravscik qui a développé au fond une synthèse entre l’approche intergouvernementale et la vision néo – fonctionnaliste.

163

C.LEQUENCE, A.SMITH, UNION EUROPEENNE ET SCIENCE POLITIQUE : OU EN EST LE DEBAT THEORIQUE ?, CULTURES ET CONFLITS, n 28 Hiver 1997, p.8.