• Aucun résultat trouvé

DEUXIEME PARTIE - LE DEROULEMENT DU PROCES CIVIL

SECTION 2 – L’INSTRUCTION DU LITIGE

B.- LES REGLES COMMUNES A L’ENSEMBLE DES MESURES D’INSTRUCTION

de l’expert est circonscrite par le juge et l’expert ne peut étendre de lui-même sa mission. S’il veut étendre sa mission, il doit demander une extension de mission au juge (art. 232 et 238, CPC). De plus, conformément aux termes de l’article 233 du même code, l’expert est tenu d’exécuter personnellement la mission que le juge lui a confiée. Si l’expert a besoin d’un sapiteur ou de plusieurs, il doit en demander l’autorisation au juge. Toujours dans l’esprit que l’expert tient sa légitimité du juge, l’article 248 du Code de procédure civile prévoit que la rémunération de l’expert est fixée par le juge. - Article 232, Code de procédure civile Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.

-

L’expert est un « assistant » du juge. L’expert ne peut pas empiéter sur les

missions du juge. En principe, tel qu’il en résulte de la lettre de l’article 238 du Code de procédure civile, l’expert ne peut pas se prononcer sur les aspects juridiques du litige. L’expert ne se prononce que sur le fait et son avis ne lie pas le juge (article 246, CPC). Il ne peut ni se voir conférer de pouvoir juridictionnel, ni être chargé de tenter de concilier les parties (art. 240, CPC). En ce sens, la Cour de cassation a pu retenir que « le juge ne pouvait pas déléguer son pouvoir de juger à l’expert puisque celui-ci ne peut recourir à une mesure d’expertise que pour s’éclairer sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien ». En l’espèce, le juge avait demandé à l’expert de déterminer si le défendeur était redevable de la somme qui lui était demandée105.

B.- LES REGLES COMMUNES A L’ENSEMBLE DES MESURES D’INSTRUCTION

Il existe un certain nombre de règles communes à l’ensemble des différentes mesures d’instruction. La mesure d’instruction doit être prononcée, ce qui suppose que le juge rende une décision avant dire droit. Par exemple, avant même que le juge ne se prononce sur le principe de responsabilité, il peut ordonner une mesure d’expertise en rendant une décision avant dire droit. 105 Civ. 1, 8 janvier 1989, n°78-14.956, publié au bulletin

L’exécution de la mesure d’instruction impose le respect d’un principe de coopération et

du principe du contradictoire.

- Le respect du principe de coopération qui s’impose aux parties au cours des mesures d’instruction est désormais un des principes directeurs du procès civil. Celui-ci « est devenu la chose commune des parties et du juge »106. Le principe de coopération exprime ainsi l’idée que, si les parties ont une maîtrise importante du procès civil, les prérogatives du juge s’accroissent de manière non négligeable, notamment au travers des mesures d’instruction qu’il peut ordonner. Par exemple, les parties sont tenues de répondre aux demandes et sollicitations du technicien lorsqu’elles sont nécessaires à la mise en œuvre de la mesure d’instruction - Le principe du contradictoire doit également être respecté. Par exemple, lors d’une expertise, l’expert doit indiquer les dates de réunion et inviter l’ensemble des parties à y assister. Le principe du contradictoire consiste à faire participer l’ensemble des parties au débat, c’est également un principe directeur du procès. Il implique donc que l’expert invite les parties à assister à ses expertises. Le respect de ce principe va permettre d’éviter les questions relatives à l’impartialité de l’expert.

En cas d’irrégularité, l’article 175 du Code de procédure civile dispose que la nullité des mesures d’instruction est soumise aux dispositions relatives aux nullités des actes de procédure.

La nullité des actes de procédure

La nullité des actes de procédure repose sur une distinction entre les irrégularités de fond, pour défaut de capacité ou de pouvoir des parties ou de leurs représentants, et les irrégularités de forme qui sont soumises à un régime très restrictif. Pour éviter que l’irrégularité ne soit utilisée à des fins dilatoires, elle doit être soulevée dès qu’elle apparaît, soit dans les premières conclusions qui suivent l’apparition de la nullité. Ensuite, l’irrégularité n’est sanctionnée par une nullité que si cette sanction est prévue par un texte. Pour finir, il faut montrer que l’irrégularité de forme a porté un préjudice au destinataire de l’acte (« pas de nullité sans grief »). Il faut montrer un préjudice qui corresponde à l’absence d’obtention du résultat auquel état censé parvenir le respect de l’exigence de forme.

Par exemple, une société qui agit en justice est désignée, non par son propre nom et mais par sa marque commerciale (son enseigne). Le demandeur s’identifie mal. La conséquence pour la partie défenderesse peut être qu’il est alors difficile pour

elle d’identifier son adversaire. Tel est le grief qui peut être utilement dénoncé pour obtenir la nullité de l’assignation. Il reste qu’en pratique, le défendeur identifiera le plus souvent très bien qui est le demandeur et la preuve de la réalité du grief ne sera pas rapportée. La nullité de forme ne sera donc pas prononcée.

L’application de ces règles aux mesures d’instruction peut conduire à des résultats surprenants. On sait que pour les actes de procédure, la Cour de cassation a réduit les hypothèses de nullité de fond en disant que seuls les défauts de capacité et de pouvoir des parties ou de leurs représentants étaient susceptibles d’entrainer la reconnaissance d’une irrégularité de l’acte pour vice de fond. Tout ce qui n’entre pas dans cette catégorie est reversé dans la catégorie résiduelle des nullités de forme. Appliqué aux mesures d’instruction, il est difficile de concevoir ce que pourrait être une nullité de fond (défaut de capacité et de pouvoir d’un expert ? situation plus qu’improbable). Par conséquent, les manquements aux exigences de la contradiction sont traités comme des irrégularités de forme. Aujourd’hui, le défaut de contradiction au cours d’une expertise est ainsi considéré comme une irrégularité de forme comme l’illustre l’arrêt de la deuxième chambre civile du 21 mars 2013 (n°12-16.995) rendu à propos d’un sapiteur. Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que « l’absence de transmission aux parties des conclusions du sapiteur, par

l’expert, préalablement au dépôt de son rapport, constitue l’inobservation d’une formalité substantielle sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ». Cet attendu

a ensuite été repris plus récemment par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mars 2017107 à propos d’une affaire où l’expert lui-même, et non son sapiteur, avait méconnu le principe du contradictoire : « attendu que les irrégularités

affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l'absence de communication aux parties de résultats d'investigations techniques, auxquelles l'expert a procédé, hors la présence des parties, avant la communication du rapport, constitue l'inobservation d'une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ».

En pratique, les irrégularités les plus fréquentes sont des manquements au contradictoire. Même si un juge prononce la nullité pour méconnaissance du contradictoire, la Cour de cassation juge en vertu d’une jurisprudence constante que la mesure d’instruction annulée fait encore partie du débat (voir notamment : Com., 6 octobre 2009, n°08-15.154). L’expertise est bel et bien annulée mais demeure dans le débat. Elle pourra servir d’élément de preuve pour le juge sans qu’il ne puisse fonder sa décision uniquement sur l’expertise annulée. Lorsqu’il y a une expertise, il est fréquent que les parties aient sollicité

107 Civ. 1, 29 mars 2017, n°16-14.927

un expert amiable. Si les juges constatent une proximité entre expertise annulée et expertise amiable, il pourra prendre appui sur l’expertise amiable pour prendre sa décision (Civ. 2ème, 23 oct. 2003 ; n°01-15.416 ; confirmant une solution adoptée par Civ. 1, 11 déc. 1979, Bull., I, n° 315).

De même, la Cour de cassation décide que les éléments d’un rapport d’expertise déposé au cours d’une instance, fût-elle atteinte par la péremption, peuvent être retenus à titre de renseignements et utilisés comme tels par le nouvel expert auquel il ne saurait être fait grief de ne pas avoir accompli personnellement sa mission (Civ. 2, 7 nov. 2002 ; n° 01.03.352, Procédures, 2003, comm.5, R. Perrot, confirmant Civ. 2, 21 avr. 1982, Bull., II, n° 60). Enfin, selon le troisième chambre civile (5 mars 2003, n° 00.21.931, Procédures 2003, comm. 110, R. Perrot), les juges du fond sont en droit de s’approprier l’avis de l’expert, même si celui-ci a excédé sa mission, lorsque le principe de la contradiction a été respecté.

SECTION 3 – LES DEBATS

Les débats suivent la mise en état lorsque celle-ci est parvenue à son terme. Ils sont régis par les articles 430 à 446 du Code de procédure civile. Après les échanges écrits, vient le temps des plaidoiries. §1. Les principes Les débats sont gouvernés par deux principes que sont l’oralité (A.) et la publicité (B.). A.- L’ORALITE

Les débats, les plaidoiries, sont l’occasion d’un échange verbal entre les conseils des parties. Après la mise en état, essentiellement écrite, le Code de procédure civile pose dans ses dispositions générales (art. 430 à 446, CPC), que « les débats ont lieu au jour et,

dans la mesure où le déroulement de l'audience le permet, à l'heure préalablement fixés selon les modalités propres à chaque juridiction » (art. 432, CPC). Dans la pratique, on dit que l’affaire doit être « audiencée ». Les débats sont considérés ouverts lorsque le demandeur ou le juge rapporteur prend la parole108. L’ouverture des débats est primordiale et emporte plusieurs conséquences. Tout d’abord, à