• Aucun résultat trouvé

Les résultats concernant les hypothèses de modération

CHAPITRE 5 – DISCUSSION

5.2 Interprétation des résultats des analyses

5.2.2 Les résultats concernant les hypothèses de modération

Nos quatrième, cinquième et sixième hypothèses s’intéressent à l’effet que peut avoir l’interdépendance au travail sur les relations entre les normes d’équipe (distance hiérarchique, sécurité psychologique et orientation vers l’apprentissage) et le leadership partagé. Elles reposent sur l’idée suivante : plus l’interdépendance au travail est élevée, plus les membres qui jouissent

d’un partage égalitaire de pouvoir et qui se soutiennent mutuellement vont manifester une grande aisance à prendre des risques et une volonté à améliorer leur apprentissage. Ce qui se traduit par un leadership partagé. Étant donné que l’interdépendance au travail suppose une contribution de chacun des membres au travail de ses collègues les menant ainsi à interagir fortement (Rousseau et al., 2006a), cela ne peut qu’accroître le partage du leadership. De plus, l’interdépendance au travail va inciter les membres à rassembler leur expertises et savoir-faire, tout en cherchant à les améliorer pour s’adapter et maîtriser des situations d’interdépendance (Cox et al., 2003). Ceci étant dit, et bien que les écrits abondent dans le sens de nos hypothèses, nos résultats dévoilent l’opposé. Nous proposons de ce fait que les normes d’équipe aient un effet plus significatif sur le leadership partagé. Une fois adoptées par les membres de l’équipe, il serait difficile qu’un facteur contextuel puisse les affecter. Autrement dit, l’interdépendance au travail n’aura aucun un effet sur des membres autonomes, responsables et investis dans la prise de décisions. Elle n’aura pas d’effet sur une équipe dont les membres jouissent du soutien de leurs collègues et d’une grande aisance à prendre des risques. Elle n’aura pas non plus d’effet sur une équipe où les membres cherchent à parfaire leurs connaissances et expertise pour s’adapter et maîtriser des situations inhabituelles. Cela dit, et puisqu’aucune recherche antérieure n’a étudié l’effet modérateur de l’interdépendance au travail sur les relations entre les normes d’équipe et le leadership partagé, il serait intéressant lors de futures recherches de s’y attarder pour comparer les résultats et vérifier s’ils aboutissent aux mêmes conclusions.

Par ailleurs, il convient de s’attarder aux résultats des analyses pour expliquer les résultats de notre étude. Ainsi, la moyenne globale des scores d’interdépendance au travail est de 4,23 sur une échelle de 5 avec un écart-type de 0,83. Ces résultats montrent que la majorité des superviseurs immédiats ont accordé des scores élevés aux questions relatives à l’interdépendance au travail comparativement au reste des superviseurs qui considèrent qu’il n’y a pas un fort niveau d’interdépendance au travail au sein de leur équipe. Nous pouvons donc conclure que les membres des équipes, au sein de l’organisation à l’étude, sont fortement dépendants les uns des autres quant à la réalisation et l’accomplissement de leur travail. Ainsi, l’échantillon d’équipes utilisé dans cette étude n’a pas nécessairement permis de comparer des équipes ayant un niveau d’interdépendance élevé avec des équipes ayant un niveau d’interdépendance faible.

Nos septième, huitième et neuvième hypothèses proposent un effet modérateur de la complexité de la tâche sur les relations entre les normes d’équipe et le leadership partagé. Ainsi, il a été suggéré que plus la complexité de la tâche est élevée, plus fortes seront les relations entre chacune des normes d’équipe (distance hiérarchique, sécurité psychologique et orientation vers l’apprentissage) et le leadership partagé. Les résultats de nos analyses ne soutenant pas ces hypothèses, des explications plausibles à ces résultats sont envisagées. Tout d’abord, et en se basant sur les écrits scientifiques relatifs à cette caractéristique de la tâche, certains auteurs ont avancé que la complexité de la tâche peut influencer le leadership partagé (Cox et al., 2003; Pearce et Manz, 2005). La complexité de la tâche incite les membres de l’équipe à coordonner de façon étroite en usant de leur expertise et habiletés tout en cherchant à développer de nouvelles procédures et pratiques susceptibles de les aider à s’adapter et à maîtriser l’ambiguïté que va créer cette situation (Rousseau et Aubé, 2010). Ainsi, cette caractéristique de la tâche peut fortement renforcer l’émergence du leadership partagé dans une équipe où le partage du pouvoir est égalitaire et où la sécurité psychologique et l’orientation vers l’apprentissage sont élevées. Or, les résultats de la présente étude ne permettent pas de soutenir ces écrits. Nous suggérons, donc, que les normes d’équipe ont un effet tellement fort sur le leadership partagé que la complexité de la tâche ne puisse pas altérer. En effet, les trois normes à l’étude englobent des comportements essentiels au partage du leadership. Une fois adoptées, elles ne peuvent pas être affectées par la complexité de la tâche dans une équipe où les membres sont responsables, soutenus par leurs collègues et prêts à s’adapter à des situations inhabituelles pour atteindre l’objectif de leur équipe. Cela dit, il serait important d’intégrer l’étude de cette relation dans de futures recherches afin de vérifier si les conclusions abondent dans le sens de nos résultats.

Une explication conceptuelle peut, également, être avancée quant à ces résultats. Contrairement à certains chercheurs qui défendent l’effet positif de la complexité de la tâche sur le travail des membres, Ohly, Sonnentag et Pluntke (2006) appuient l’idée selon laquelle la routine est susceptible de favoriser la créativité et le comportement proactifs des membres. Dans leur étude portant sur 278 employés travaillant pour une compagnie allemande de technologie de pointe, Ohly et al. (2006) ont montré que la routine peut être bénéfique à la créativité. Selon ces auteurs (Ohly et al., 2006, p. 259; traduction libre), cette caractéristique de la tâche « permet aux employés de repenser les différents aspects de leur travail tout en économisant le temps (…), ce

qui accroîtra le niveau de la créativité ». Vu sous cet angle, nous pouvons donc comprendre le fait que la complexité de la tâche ne puisse pas renforcer les relations entre les normes d’équipe et le leadership partagé.

Une autre explication est relative aux indicateurs utilisés pour évaluer la complexité de la tâche. Il se pourrait que ces derniers ne soient pas assez clairs pour les répondants causant, ainsi, une confusion dans la distinction entre le caractère complexe et le caractère routinier de la tâche. En effet, les superviseurs pourraient associer l’emploi des membres d’équipes au caractère routinier de la tâche. Autrement dit, leur emploi se limite à la réalisation de tâches habituelles. Or, la réalisation des tâches peut être modifiée, voire altérée par un caractère qui va requérir d’autres procédures, pratiques, habiletés et expertise différents, pouvant s’avérer importants. Ce qui explique la complexité d’une tâche. En outre, étant donné que les résultats soient basés uniquement sur les réponses des superviseurs, il se pourrait donc qu’ils soient biaisés par la perception de ces derniers.