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Les sections précédentes ont introduit d'importantes notions sur les antennes, pré-senté le concept de réseau d'antennes et certaines possibilités oertes par ces derniers en pondérant les signaux de chaque élément du réseau en amplitude et/ou en phase. Il est possible d'utiliser des circuits électroniques capables d'imposer un ensemble ni de pondérations, comme les matrices de Butler [49], pour imposer autant de congurations diérentes au réseau piloté, si les diérents scénarios auxquels le réseau doit s'adapter sont connus. La direction du signal incident n'est cependant pas toujours connue et cer-taines applications nécessitent une adaptation du réseau à des situations qui ne peuvent être anticipées (le déplacement d'utilisateurs d'un réseau mobile par exemple). La sec-tion précédente sur la DOA a montré comment la direcsec-tion (θ,φ) d'un signal incident peut être estimée si elle n'est pas connue. Si la consigne de dépointage (θcc) peut être modiée de manière automatisée, en imposant l'estimation d'un algorithme de DOA par exemple, il est alors envisageable d'utiliser une électronique de contrôle pour modier en temps réel les pondérations appliquées aux signaux des éléments du réseau en fonction de l'estimation de (θ,φ). En fonction du traitement d'antennes réalisé, le diagramme de rayonnement du réseau peut ainsi être adapté à des scénarios évolutifs, simulant une intelligence contrôlant le réseau. La section suivante introduit ainsi le concept de réseau intelligent.

1.3.1 Dénition des réseaux d'antennes intelligents

Les premières études des réseaux d'antennes, et la possibilité de recongurer leur diagramme de rayonnement en pondérant la phase et l'amplitude des signaux de leurs antennes constitutives, remontent à la seconde guerre mondiale. Pourtant, l'intérêt pour les réseaux d'antennes s'est surtout popularisé avec les progrès fulgurants de ces dernières décennies dans les technologies de l'électronique et des télécommunications. La disponi-bilité de puissances de calcul inimaginables encore 50 ans plus tôt et les performances accrues des composants électroniques ont en eet rendu envisageable une utilisation in-telligente des réseaux pour correctement exploiter la exibilité de leurs diagrammes de rayonnement. Ainsi, on entend par réseau intelligent un système constitué d'un réseau d'antennes et d'une architecture électronique de contrôle capable d'adapter le diagramme de rayonnement du réseau à une situation évolutive. Par exemple, une station relais de téléphonie mobile capable de recevoir et émettre dans la direction d'un téléphone précis, possiblement en mouvement, tout en limitant les interférences produites par un autre téléphone, comme illustré dans la gure 1.19.

Figure 1.19  Réseau intelligent capable de maximiser son rayonnement dans la direction d'un utilisateur mobile tout en limitant les interférences produites par un autre [17].

Bénéces des réseaux intelligents

De par la possibilité de modier leur diagramme de rayonnement, les réseaux intelli-gents orent une grande exibilité. Il est possible de concevoir un réseau d'antennes en fonction des critères d'un cahier des charges et des diérents scénarios dans lesquels le système doit fonctionner. Les réseaux intelligents répondent ainsi aux besoins d'un grand nombre d'applications pour lesquelles une unique antenne directive ne convient pas.

Puisque leurs diagrammes de rayonnement sont directifs et peuvent être modiés en pondérant les signaux des antennes élémentaires, il est possible de favoriser les commu-nications avec un interlocuteur précis tout en rejetant les signaux d'autres appareils, comme illustré dans la gure 1.19. On appelle cette capacité à discriminer les signaux venant de directions particulières de l'espace le ltrage spatial. L'exemple fourni par la gure 1.19 illustre le cas d'une station de relais pour les réseaux de téléphonie mobile. Le ltrage spatial représente un enjeu de plus en plus important pour les télécommu-nications dans un contexte où le nombre d'appareils présents sur les réseaux continue d'augmenter et les bandes de fréquences sont encombrées. De plus, il est possible, tout en rejetant les signaux qui ne sont pas d'intérêt, de compenser les eets du multi-trajet (par exemple en milieu urbain) pour tirer contribution non seulement du signal reçu ou émis en trajet direct, mais également de ses réexions. Les réseaux intelligents orent ainsi un rapport signal sur bruit accru et sont moins sensibles aux interférences.

Inconvénients

Les réseaux d'antennes reposent sur le principe d'interférences constructives et des-tructives entre plusieurs antennes traitant les mêmes signaux. Puisqu'il est nécessaire d'utiliser plusieurs antennes, d'assurer une chaîne de réception/émission diérente pour chaque antenne, de se soucier de la synchronisation entre les diérents signaux et de

développer une électronique de contrôle, les réseaux intelligents sont complexes et coû-teux à mettre en oeuvre par rapport à une antenne classique. Ces inconvénients sont d'autant plus vrais que le nombre d'antennes nécessaires pour que le réseau remplisse le cahier des charges est élevé, et dépend également du coût des antennes individuelles. Il faut cependant noter que ces coûts supplémentaires sont visibles à court-terme. Le gain plus important des réseaux par rapport à une unique antenne permet l'utilisation d'amplicateurs moins puissants. Sur le long terme et à gain égal, les réseaux peuvent donc également être économiquement avantageux.

1.3.2 Etat de l'art des réseaux d'antennes

L'histoire du développement des réseaux d'antennes est fortement liée non seulement à l'histoire des technologies de l'électronique, mais aussi à celle de la guerre froide et de la conquête spatiale. En eet, les premiers lancements russes et la menace grandissante d'une attaque balistique à très longue portée ont entraîné aux Etats-Unis un besoin crucial de RADARs à longue portée pour la surveillance, la détection et la défense contre des missiles. L'amélioration des performances des RADARs militaires constituait alors un axe de recherche prioritaire [10] étroitement lié aux réseaux d'antennes. Dans la course à l'armement, des sommes colossales ont été dépensées par les états américain et russe dans la construction de structures de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d'antennes, aux consommations de plusieurs centaines de kilowatts, comme illustré sur la gure 1.20. Cette gure montre le Missile Site Radar (ou MSR). Construit en 1975 pour l'armée américaine, chacune de ses quatre faces utilise un réseau de plus de 5000 éléments, pour une consommation de plus de 200 kW. La structure a été construite dans un contexte de guerre froide, pour surveiller les éventuels lancements de missile ennemis et alliés, mais n'a jamais ociellement servi en situation de conit réel.

Figure 1.20  Le Missile Site Radar (MSR) a été construit dans un contexte de peur d'une guerre nucléaire. Il contient plus de 5000 éléments et rayonne plus de 200 kW.

Ces systèmes pionniers étaient d'abord xes avant d'être adaptés aux besoins et res-sources disponibles pour être embarqués d'abord sur des navires, puis des camions, des avions de chasse, etc. Aujourd'hui encore, des RADARs dédiés à très hautes perfor-mances sont nancés par l'armée américaine, pour la surveillance spatiale par exemple [50]. Les RADARs constituent de nos jours une technologie que l'on retrouve sur une multitude de plateformes et dans plusieurs bandes de fréquences suivant les applications visées. Par exemple, le RADAR Cobra, embarqué sur un camion, est utilisé par l'armée française pour les avantages tactiques qu'il ore sur le théâtre opérationnel : détection et localisation des moyens d'artillerie adverse, contrôle des eets des tirs d'artillerie alliés, information sur la position, la direction et la bande de fréquence de fonctionnement de brouilleurs, etc [51, 52].

L'explosion des télécommunications dans les années 90 avec les réseaux de téléphonie mobile a contribué à la démocratisation des réseaux d'antennes dans les applications civiles. Face au nombre grandissant d'utilisateurs et d'appareils présents sur les réseaux, les ltrages fréquentiel et temporel ne sont plus susants et le ltrage spatial permis par les réseaux d'antennes est devenu la piste privilégiée pour permettre un service toujours plus performant [53]. Les antennes-relais de téléphonie mobile, dont le but est de permettre la meilleure couverture possible du territoire, utilisent ainsi des réseaux d'antennes pour assurer une couverture à 360° et limiter les interférences entre utilisateurs [54], comme illustré dans la gure 1.21.

Figure 1.21  Station relais de téléphonie mobile constituée de réseaux d'antennes linéaires d'une dizaine d'éléments.

Les réseaux d'antennes sont donc aujourd'hui largement utilisés dans la commu-nauté des télécommunications. En plus des applications militaires et des réseaux sans l, où ils jouent un rôle majeur, on peut citer par exemple l'utilisation de diagrammes de rayonnement directifs, voire intelligents, pour augmenter la zone d'eet des puces à "Radio-Frequency IDentication" (RFID) [55], ou la conception de RADARs pour étu-dier et prévoir les phénomènes météorologiques [56]. Parmi toutes ces applications, les radiocommunications avec des projectiles en vol et le suivi de projectiles sont au coeur des recherches du groupe "Sensors, Telemetry and Communications" (STC) de l'ISL et font l'objet d'un développement plus détaillé dans la section suivante.