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Les réorganisations du point de vue fonctionnel

Figure 4.3 – La carte indique que les changements d’originalité des communautés ne présentent pas de structure spatiale ni le long du gradient longitudinal ni latitudinal, les ∆LCBD positifs indiquant une augmentation des LCBD au cours du temps. Par ailleurs, les résultats de la procédure de model averaging indiquent les changements de saisonnalité des températures et des abondances relatives des

espèces non-natives sont les déterminants des ∆LCBD. Les barres d’erreur représentent les intervalles de confiance à 95%, les relations étant significatives si cet intervalle ne comprend pas zéro. Les va- riables explicatives PREC, TSEAS, NND (correspondant respectivement aux tendances temporelles des précipitations annuelles, de la saisonnalité des températures et des abondances relatives des espèces non-natives), FRAG et G (correspondant, respectivement, au nombre de barrages et au gradient amont- aval) ont été centrées-réduites.

ginalité des communautés piscicoles françaises n’a été observée indiquant que les communautés histo- riquement atypiques (e.g. espèces rares ou endémiques de certaines localités) le sont restées malgré des

changements de composition importants (Figure 4.3). Les variations d’originalité, bien que faibles, sont déterminées par les changements de saisonnalité des températures ainsi que par les tendances démogra- phiques des espèces non-natives. L’augmentation des saisonnalités ainsi que de l’abondance des espèces non-natives tend à rendre plus singulière une communauté que ce qu’elle n’était dans les années 80. Les espèces non-natives tendent donc à augmenter l’originalité des communautés. Cette observation, bien que contradictoire en apparence avec de nombreuses études précédentes sur le rôle des invasions biologiques (e.g. Cucherousset et Olden 2011; Olden et Poff 2003; Winter et al. 2009) peut être le si-

gnal d’une future homogénéisation en raison de la propagation des espèces non-natives. Toussaint et al. (2016) ont en effet suggéré que la différenciation des communautés était un état transitoire précédant l’homogénéisation des communautés.

4.3

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Les réorganisations du point de vue fonctionnel

La réorganisation des communautés en réponse au changement climatique n’est pas uniquement observable au travers de la diversité taxonomique mais également par le biais de la diversité fonction- nelle et en particulier de l’équilibre entre les espèces d’eau chaude et d’eau froide coexistantes dans une communauté (e.g. Devictor et al. 2008; Duque et al. 2015). En France, concernant les communautés

très légère tendance globale des espèces d’eau froide à augmenter en abondance au sein des commu- nautés depuis 1990. Cependant, environ autant de communautés présentent une augmentation (46%, soit 203) qu’une diminution (54%, soit 235) des CTI. Les tendances de CTI sont négativement corré- lées avec les changements au cours du temps des positions trophiques moyennes (r = -0,20, p < 0,001 ; Figure 4.4). Les tendances de richesse spécifique sont également corrélées avec les tendances des to- lérances thermiques et des positions trophiques moyennes des communautés (rtolerance thermique= 0,11,

rposition trophique = -0,20, p < 0,01 ; Figure 4.4). Il apparait que les changements au cours du temps de

tolérances thermiques moyennes des communautés résultent des tendances des abondances d’espèces d’eau chaude et de bas niveau trophique comme le mulet porc, le carassin doré, la gambusie ou encore la carpe commune. De nombreuses études basées sur l’utilisation des CTI et notamment les tendances de CTI au cours du temps ont permis la mise en évidence d’une "tropicalisation" des communautés (i.e.

une augmentation des CTI au cours du temps) sans pour autant déterminer si ce phénomène résulte de l’augmentation des espèces de milieux chauds et/ou des pertes d’espèces de milieux froids (e.g. Li et al.

2016; Santangeli et Lehikoinen 2017). Cependant, de plus en plus d’études expliquent cette tendance à la tropicalisation par une augmentation des espèces de milieux chauds couplées à une perte des espèces de milieux froids, en particulier pour les communautés ornithologiques (e.g. Tayleur et al. 2016). Dans

le cas des communautés piscicoles françaises, il semble que les tendances de CTI, aussi bien positives que négatives, sont le fait des fluctuations démographiques des espèces d’eau chaude (Figure 4.4). Ces espèces sont également des espèces de bas niveau trophique (Figure 4.5). Ces résultats, bien que pré- liminaires, encouragent la poursuite d’études mettant en lien la position trophique des espèces et leur sensibilité aux variations environnementales, les espèces de bas niveau trophique semblant être la va- riable d’ajustement des communautés en cas de changements environnementaux tels que le changement climatique.

4.4

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Conclusion

Tandis que les réorganisations taxonomiques sont principalement le résultat de déclins de popu- lations, les réorganisations fonctionnelles (i.e. basées sur les tendances de CTI) semblent être davantage

liées à la dynamique d’un certain ensemble d’espèces (i.e. espèces d’eau chaude et de bas niveau tro-

phique) qu’à une dynamique démographique particulière. En effet, les espèces d’eau chaude et de bas niveau trophique semblent être l’élément clef de la dynamique temporelle de la structure fonction- nelle des communautés piscicoles françaises. Au vu de ces résultats préliminaires, il semble désormais nécessaire d’approfondir la compréhension de cette dynamique et son lien avec un groupe d’espèces particulières. En particulier, ces espèces présentent-elles des caractéristiques particulières (e.g. capacité

de dispersion, durée du cycle de vie, diversité des habitats utilisés, sensibilité aux perturbations) ? Iden- tifier, caractériser et décrire ces espèces dont la dynamique a une influence directe sur les changements temporels de structure fonctionnelle des communautés permettra de cibler ces espèces clef dans d’éven- tuelles prises de décision concernant les politiques de gestion, de conservation et de restauration. Il ap- parait ensuite nécessaire de comprendre quels sont les déterminants des dynamiques démographiques

4.4. CONCLUSION 77

Figure 4.4 – Les tendances de la position trophique moyenne des communautés et les tendances des CTI basés sur les CTmax sont faiblement corrélées (r = -0,20, p < 0,001). Chaque point représente une

communauté tandis que la couleur et la taille représentent les tendances du nombre d’espèces pour chacune d’entre elles.

28 30 32 34 36 38 40 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 CTmax (°C) Position trophique

Figure 4.5 – Les espèces, aussi bien na- tives (points gris) que non-natives (points noirs), présentent une corrélation néga- tive entre la position trophique et la to- lérance thermique (r = -0,30, p = 0,02).

de ces taxa et des changements au cours du temps de la structure fonctionnelle des communautés. En particulier, les changements environnementaux induisant les réorganisations taxonomiques sont-ils les mêmes que ceux déterminant les réorganisations fonctionnelles ?

4.4. CONCLUSION 79

En bref . . .

−→ Les déclins de populations sont la principale source de réorganisation des communautés du point de vue taxonomique.

−→ Les différences entre communautés s’amenuisent au cours du temps résultant en une homogénéisa- tion taxonomique.

−→ La réorganisation des communautés du point de vue fonctionnel est principalement du fait des es- pèces d’eau chaude et de bas niveau trophique.

5

Quels processus ?

Les changements de règles d’assemblage au cours du

temps

Ce chapitre présente une partie des résultats et des conclusions tirés de l’annexe E.

5.1

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Les dynamiques temporelles de processus : un aspect rarement exploré

Les chapitres 3 et 4 ont permis de mettre en évidence les variations spatio-temporelles de la diversité ainsi que de déterminer quels étaient les facteurs environnementaux vraisemblablement res- ponsables de ces variations. Néanmoins, les processus sous-jacents à la diversité et les variations spatio- temporelles de ces derniers restent largement inexplorés (bien que les variations uniquement spatiales soient de mieux en mieux décrites depuis les années 90). Ce manque d’études sur la dynamique tempo- relle des processus d’assemblage des communautés est probablement le résultat de deux phénomènes : d’une part, le manque de données et d’autre part, le manque d’intérêt pour cette problématique ; les deux aspects étant dépendants l’un de l’autre. Cependant, l’étendue des suivis temporels actuellement réalisés (e.g. Rooney 2008) ne cesse de croître tandis que leur utilité ainsi que leurs caractéristiques

propres sont de plus en plus reconnus et de mieux en mieux décrits (Dornelas et al. 2014). L’intérêt porté à l’utilisation de ces bases de données grandissante a généralement été centré sur l’étude des dy- namiques temporelles de la diversité alors considérée comme un patron et une fin en soi plutôt qu’un moyen d’inférer les processus sous jacents à ces patrons (e.g. Hughes 2000; Parmesan et Yohe 2003;

Sala et al. 2010; Walther et al. 2002). En effet, même lorsque les études portent sur la description et la compréhension des tendances temporelles d’indices indépendants de la richesse spécifique, permettant ainsi l’inférence des processus qui sous tendent la diversité observée (i.e. filtres environnementaux ou

limite à la ressemblance ; Encadré 2), les conclusions biologiques et écologiques sont généralement faites en relation avec la diversité elle-même plutôt que les dits processus. Par exemple, Jarzyna et Jetz (2016) ont mis en évidence une augmentation des diversités phylogénétique et fonctionnelle des communau- tés d’oiseaux en Amérique du Nord jusqu’en 2000, suivi d’une légère diminution. Cependant, bien que les indices utilisés aient été standardisés de façon à permettre l’inférence des processus écologiques, les interprétations basées sur ces résultats n’évoquent pas les changements de ces processus. En effet, généralement, les modèles nuls (Section 2.4) sont utilisés dans le but de s’affranchir du biais statistique induit par la richesse spécifique sur les patrons observés plutôt que dans l’optique de décrire les pro- cessus sous-jacents à la diversité des communautés.

Figure 5.1 – Le gradient amont - aval est reconnu comme un déterminant spatial majeur de la struc- turation des communautés. En particulier, au re- gard de la diversité fonctionnelle (points et droite verts), les communautés présentent une diversité historique plus faible qu’attendue étant donné le nombre d’espèces en aval, résultant de la structu- ration par les filtres environnementaux. En amont, les communautés présentent une diversité atten- due étant donné la richesse spécifique observée in- diquant soit un équilibre entre la limite à la res- semblance et les filtres environnementaux comme force structurante des communautés, soit une struc- ture aléatoire n’étant gouvernée par aucune de ces deux forces. La diversité phylogénétique historique (points et droite oranges) n’est pas distribuée selon ce gradient.

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