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Les provinces à réglementation principalement provinciale

En dépit de l’arrêt Morton, les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve-Labrador ont conservé la responsabilité principale de la réglementation des activités d’aquaculture en mer. Cette section examine l’approche réglementaire concernant

85 Aux termes de l’article 14 de la loi canadienne de 2012 sur l’évaluation environnementale, le ministre a une

compétence discrétionnaire pour demander une évaluation environnementale concernant un projet non désigné (NdT : par le règlement DORS/2012-14 mentionné précédemment). Selon la loi de la Colombie-Britannique sur l’évaluation environnementale (BC Environmental Assessment Act, SBC 2002, ch. 43), l’obligation d’examen pour certaines catégories de projets peut être établie par la réglementation (art. 5), et le ministre a une compétence discrétionnaire pour les autres projets (art. 6).

86 SBC 2003, ch. 53.

87 Pour les implications de cette situation, voir Canadian Science Advisory Secretariat (2015). 88 Pour plus d’information sur la procédure d’octroi des permis, voir Pêche et Océans Canada (2011b). 89 RSPEI 1988, ch. E-9.

M. Doelle et P.M. Saunders La propriété à l’épreuve de la mer Colloque international, Brest, 2-3 juillet 2015 l’aquaculture en mer dans ces provinces, en commençant par le Nouveau-Brunswick. Les différences principales avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse sont ensuite identifiées. Le rôle résiduel dévolu au gouvernement fédéral est, pour l’essentiel, identique dans les trois provinces. Le gouvernement fédéral y a conservé un rôle réglementaire en application de certains aspects présentés ci-dessus de la compétence fédérale, incluant les activités de capture de poissons sauvages, les espèces aquatiques menacées, le transport, la santé et la sécurité alimentaire.

La province du Nouveau-Brunswick héberge la pisciculture marine la plus importante et la plus mature de la côte orientale du Canada (Gouvernement du Nouveau-Brunswick 2010b). Les activités piscicoles sont concentrées dans la baie de Fundy, alors que les activités conchylicoles, beaucoup plus modestes, sont réparties sur tout le littoral de la province. Le secteur est principalement régi par la loi provinciale sur l’aquaculture90, votée en 2011 et appliquée en coopération avec le gouvernement fédéral, sur la base d’un protocole d’entente incluant les obligations réglementaires qui émanent des ministères fédéraux des Pêches et Océans et des Transports, ainsi que de l’Agence canadienne de l’inspection alimentaire. À l’intérieur de la province, le Ministre de l’Agriculture, de l’Aquaculture et de la Pêche du Nouveau-Brunswick joue le rôle de régulateur primaire. Comme dans d’autres provinces du Canada, l’aquaculture au Nouveau-Brunswick est régulée en premier lieu par une obligation faite aux opérateurs de détenir un permis d’exploitation en cours de validité91, et par de larges pouvoirs conférés aux autorités pour fixer les modalités de l’obtention de ce permis92. Les dossiers de candidature sont déposés chez le registraire93. Une partie des autorisations les plus importantes reste aux mains du ministre, mais d’autres sont confiées au registraire, ce qui témoigne d’un effort en vue de dépolitiser la procédure d’octroi des permis.

L’article 15 de la loi du Nouveau-Brunswick sur l’aquaculture accorde au ministre et au registraire un pouvoir discrétionnaire concernant les conditions à imposer aux candidats à un permis pour une activité aquacole. Un important aspect de ces conditions concerne la coordination des activités à l’intérieur d’une même baie. Le Nouveau-Brunswick a adopté une approche de la gestion de l’aquaculture par baie, ce qui implique que le ministre dispose de l’autorité pour coordonner les classes d’âge auxquelles doivent appartenir les animaux mis en élevage au cours d’une période donnée dans une zone de gestion donnée d’une baie, ainsi que les périodes de jachère à respecter entre deux cycles d’exploitation.

L’article 13(1) de la loi donne un aperçu de la façon dont peut s’exercer le pouvoir discrétionnaire d’imposer des conditions à l’opérateur. Il propose la liste suivante, à caractère non exhaustif, de conditions possibles :

• l’adhésion à un plan de développement de site aquacole approuvé par le registraire ; • des normes concernant l’utilisation du site et les densités d’animaux en élevage ; • la classe d’âge pouvant être élevée sur le site ;

• la longueur de la période de jachère à respecter ;

• les mesures à prendre en vue de minimiser les risques de dégradation de l’environnement ; • les mesures à prendre pour prévenir les évasions d’animaux en élevage ;

90 RSNB 2011, ch. 112. 91 Ibid. art. 6.

92 Ibid. art. 5(3), 13 et 14. 93 Ibid. art. 7(1).

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• les mesures à prendre pour minimiser le risque que des maladies, des agents pathogènes, des parasites, des toxines ou des contaminants se répandent vers d’autres sites aquacoles ; • les mesures à prendre pour le respect des normes en vigueur en matière sanitaire,

génétique et de qualité ;

• et tout autre sujet que le registraire considère comme nécessaire au respect de la loi et de son règlement d’application.

Les permis peuvent être accordés pour des périodes allant jusqu’à vingt ans94. La loi pose les fondements des pouvoirs d’émission95, de renouvellement96, d’amendement97, de suspension et d’annulation98 des permis. Les permis sont accordés pour des sites déterminés,99 et ne peuvent être transférés sans autorisation à d’autres sites100.

La loi inclut des obligations générales concernant la déclaration des problèmes susceptibles d’apparaître sur un site, parmi lesquels la présence de maladies, d’agents pathogènes, de parasites, de toxines et de contaminants101. On y trouve aussi des dispositions classiques concernant le suivi de l’activité d’exploitation102. La loi du Nouveau-Brunswick contient des dispositions strictes concernant les espèces dont l’élevage est autorisé sur un site103, et confère au ministre l’autorité pour détruire les animaux de toute espèce non autorisée sur ce site104. Le ministre dispose de larges pouvoirs pour faire face, par le biais de directives, à toute menace causée par tout type de problème identifié sur un site d’exploitation105. Les inspecteurs ont eux aussi de larges pouvoirs pour inspecter les activités d’exploitation, en vue de vérifier leur conformité à la loi106.

Comme dans les autres provinces, la procédure d’octroi de permis d’exploitation s’accompagne d’une procédure d’octroi de concessions, qui donnent aux opérateurs le droit d’utiliser le domaine public (Crown land) à des fins d’aquaculture107. Pour être en mesure de faire fonctionner son installation, l’aquaculteur qui souhaite travailler sur le domaine public maritime doit détenir à la fois une concession et un permis. La durée d’une concession peut aller jusqu’à vingt ans, mais peut être modifiée par le ministre dans certaines circonstances108. Une évaluation environnementale à caractère provincial peut être décidée selon la nature de l’activité, mais cette décision a un caractère discrétionnaire. Les dispositions concernant l’information du public sont limitées, et relèvent du candidat plutôt que de l’administration109. Pour le reste, la participation du public à la procédure reste à la discrétion du ministre. Il n’y a pas de dispositions visant à assurer la transparence de la procédure ou l’accès du public à l’information. Au contraire, l’article 38 de la loi veille à préserver le caractère confidentiel des informations fournies par le candidat dans le cadre de la procédure réglementaire. Les 94 Ibid. art. 20(1). 95 Ibid. art. 8. 96 Ibid. art. 10. 97 Ibid. art. 12. 98 Ibid. art. 29(1). 99 Ibid. art. 18. 100 Ibid. art. 16. 101 Ibid. art. 25. 102 Ibid. art. 23 et 24. 103 Ibid. art. 21(1) et (2). 104 Ibid. art. 21(3). 105 Ibid. art. 26(2) et (3). 106 Ibid. art. 30. 107 Ibid. art. 33. 108 Ibid. art. 36. 109 Ibid. art. 33(4).

M. Doelle et P.M. Saunders La propriété à l’épreuve de la mer Colloque international, Brest, 2-3 juillet 2015 candidats ont un droit d’appel concernant les décisions les concernant, mais les autres parties affectées par ces décisions ne disposent pas d’un droit équivalent.

L’aquaculture en mer dans la province de Terre-Neuve-Labrador est dominée par les activités piscicoles qui sont localisées sur la côte méridionale de l’île de Terre-Neuve. La province a récemment actualisé sa loi et son règlement sur l’aquaculture110. L’approche est fondamentalement similaire à celle qui prévaut au Nouveau-Brunswick. Les éléments-clés du système sont constitués par l’obligation de détenir un permis111 et une concession pour pouvoir mener une activité aquacole dans les eaux côtières. Le ministre dispose de larges pouvoirs discrétionnaires pour imposer des conditions112 et pour exiger un suivi de l’activité et une information sur celle-ci113. Il existe une présomption défavorable concernant l’élevage d’une espèce nouvelle dans le milieu, à moins que le ministre ne décide que l’espèce candidate ne présente pas de risque pour l’environnement114.

Dans la première phase de la procédure d’octroi d’un permis, le candidat fournit les informations requises par le ministre115. La procédure se poursuit sous la forme d’un dialogue entre le candidat et le département ministériel concerné. La fixation de conditions est largement discrétionnaire, bien que certaines conditions générales soient prescrites par l’article 4(6) de la loi. Il n’existe pas de dispositions formelles concernant la participation du public. Toutefois, les informations fournies doivent être rendues publiques à moins qu’elles ne se voient reconnaître un caractère confidentiel116. La loi ne prévoit pas de droit d’appel, et l’application de la procédure provinciale d’évaluation environnementale aux installations aquacoles en mer est largement discrétionnaire. Si cette procédure est mise en œuvre, elle inclut une période obligatoire de consultation du public117.

L’aquaculture de la Nouvelle-Ecosse est la plus diversifiée de toutes celles des provinces de l’Atlantique. Elle inclut des activités piscicoles, des activités conchylicoles ainsi que des cultures de végétaux marins, et se pratique non seulement en mer mais aussi à terre. La procédure réglementaire pour les installations en mer, définie par la loi de la Nouvelle-Ecosse sur la pêche et les ressources côtières118, est similaire à celles que l’on observe au Nouveau- Brunswick et à Terre-Neuve, dans la mesure où elle inclut également l’octroi d’un permis et d’une concession,119 et repose sur de larges pouvoirs accordés au ministre pour imposer des conditions d’exploitation120, exiger des activités de suivi et de déclaration121, et inspecter les activités. La loi n’impose pas de mener une évaluation environnementale pour le développement de nouvelles activités d’aquaculture en mer122. Elle ne contient pas de dispositions relatives à la participation du public. En revanche, outre le candidat, toute personne se considérant comme lésée par une décision relative à un permis peut faire appel de cette décision123. 110 RSNL 1990, ch A-13. 111 Ibid. art. 4(1). 112 Ibid. art. 4(6). 113 Ibid. art. 6. 114 Ibid. art. 8(3). 115 Ibid. art. 4(3). 116 Ibid. art. 9(3) et (4).

117 Loi sur la protection de l’environnement, SNL 2002, ch. E-14.2, art. 58. 118 SNS 1996, ch. 25. 119 Ibid. art. 44 et 52. 120 Ibid. art. 56(1)(b). 121 ibid. art. 10(2). 122 Ibid. art. 15. 123 Ibid. art. 118 et 119.

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