• Aucun résultat trouvé

Première partie : Généralités

I.2.3 Les propriétés de la cellule cancéreuse :

Hanahan & Weinberg [2] ont décrit six propriétés essentielles acquises par les cellules cancéreuses et responsables du caractère malin des tumeurs (Figure 3) :

Figure 3 : Les six principales propriétés acquises par les cellules cancéreuses

10

Leur autosuffisance en signaux qui stimulent la croissance cellulaire.

Les mécanismes par lesquels la cellule cancéreuse acquiert une capacité de croissance exagérée et une entière autonomie sont nombreux et concernent aussi bien les signaux de croissance extracellulaire, les transducteurs cellulaires, que les circuits intracellulaires. Dans le cas des cellules normales, le passage de l’état quiescent à l’état actif de prolifération est gouverné par un ensemble de signaux de croissance mitogènes solubles provenant essentiellement de voies de signalisation hétérotypiques (signaux paracrines ou endocrines). La cellule maligne développe, elle, une propre boucle de stimulation autocrine conduisant à la génération de ses propres signaux de croissance.

Ceci n’exclut pas les stimulations hétérotypiques induisant la production de ces facteurs notamment par le stroma tumoral. Par ailleurs, la surexpression des récepteurs de facteurs de croissance ainsi que leur mutation et activation constitutionnelle rendent la cellule cancéreuse hypersensible à des taux faibles en facteurs de croissance et induisent une signalisation souvent indépendante de la présence ou non du ligand (EGFR/erbB dans les tumeurs de l’estomac, du sein et du cerveau ; HER2/neu dans les carcinomes mammaires et gastriques). Les mécanismes les plus complexes conduisant à l’autonomie des cellules tumorales concernent toutefois l’aval des circuits de signalisation, notamment l’altération de certains maillons des chaînes de transduction (mutation du gène Ras dont le produit est impliqué dans la cascade de signalisation SOS-Ras-Raf-MAP kinase).

Leur insensibilité aux inhibiteurs physiologiques de la croissance cellulaire.

La perte du contrôle de la prolifération cellulaire peut mettre en jeu l’inactivation des mécanismes de contrôle physiologique du cycle cellulaire (p53, p16 et autres inhibiteurs de cdk) ainsi que l’inactivation du récepteur ou de la chaîne de transduction de signaux anti-prolifératifs, comme dans le cas du TGFβ.

11

Leur résistance à la mort cellulaire programmée.

Les cellules normales disposent de plusieurs systèmes capables de détecter des situations extra- ou intracellulaires anormales et d’émettre des signaux en conséquence dirigés vers les effecteurs de la mort apoptotique. Les situations extracellulaires sont jugées par des couples ligand/récepteur capables d’induire des signaux de survie ou des signaux de mort.

Les cellules tumorales échappent à l’apoptose par la sécrétion autocrine de facteurs de survie cellulaire (IGF-1, IGF-2, IL-3) et l’inactivation des récepteurs des facteurs de mort. A l’intérieur de la cellule normale, les détecteurs sont éveillés par des dérèglements comme les dommages de l’ADN, l’insuffisance de signaux de survie ou l’hypoxie, et activent la voie apoptotique. Les protéines de la famille de Bcl-2 assurent ce rôle de gardien et comprennent des membres antiapoptotiques (Bcl-2, Bcl-xl, Bcl-w) et des membres pro-apoptotiques (Bax, Bak, Bad, Bid). Ces protéines sont très souvent dérégulées dans les cellules tumorales.

Leur capacité de réplication illimitée.

Les cellules tumorales acquièrent une capacité de division illimitée par échappement à la mort par sénescence. L’immortalisation peut provenir de la dérépression du gène de la télomérase, enzyme impliquée dans l’addition des séquences télomériques, ou de l’activation de mécanismes alternatifs permettant la maintenance des télomères.

Leur capacité d’induire une néo-angiogenèse.

La néo-angiogenèse est un processus physiopathologique clé de la progression tumorale. Elle intervient à une étape critique de la croissance de la tumeur.

En effet, si dans les phases précoces de la croissance de la tumeur (diamètre ≤ 1-2 mm) [6].les phénomènes de diffusion permettent l’alimentation de la tumeur en oxygène et nutriments (phases qualifiées d’avasculaires ou de quiescentes), en revanche lorsque la taille de la tumeur dépasse 2 mm, le simple apport en nutriments par diffusion ne suffit plus. La tumeur entre alors dans une phase dite vasculaire ou angiogénique, au cours de laquelle les cellules cancéreuses libèrent des stimuli angiogéniques en direction des vaisseaux sanguins proximaux du tissu hôte. Ces stimuli appellent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins

12

et le développement d'un nouveau réseau vasculaire autour de la tumeur [7]. Alors que des cellules normales en prolifération n’ont à priori pas de potentiel angiogénique, les cellules cancéreuses, menacées de nécrose hypoxique, sont capables de déréguler l’équilibre entre les activateurs et les inhibiteurs de l’angiogenèse en augmentant la production des facteurs pro angiogéniques comme le VEGF ou les FGF-1 et -2 et en diminuant la régulation des inhibiteurs comme la thrombospondine-1 ou l’interféron β (« angiogenic switch »). La formation des ramifications vasculaires rapproche les vaisseaux nourriciers et soutient la croissance de la tumeur. Elle favorise d’autre part le passage des cellules tumorales dans la circulation sanguine et augmente donc les risques de formation de foyers métastatiques secondaires dans des organes éloignés. La densité de vascularisation tumorale a été associée à l’agressivité des tumeurs, mesurée par l’incidence des métastases et la survie des patients. En effet, de nombreuses études cliniques ont montré une corrélation entre la densité des micro-vaisseaux tumoraux, l’apparition de métastases, la rechute et le faible pronostic des patients [8] [9] [10] [11].

Indispensable à la progression de la tumeur, la néo-angiogenèse est une cause fondamentale de la malignité des cancers et donc une cible thérapeutique convoitée.

Leur capacité d’invasion des tissus et de formation de métastases.

La progression tumorale se poursuit par l’extension ganglionnaire de la tumeur suite à l’envahissement régional des voies du drainage lymphatique par les cellules tumorales, puis par l’extension métastatique suite au passage des cellules malignes dans la circulation sanguine. Ces phénomènes sont dus à la perte ou aux modifications, sur les cellules tumorales, de glycoprotéines de surface assurant dans les phénomènes normaux la reconnaissance des cellules d’un même tissu les unes par rapport aux autres et la constitution des tissus organisés. (Les cadhérines). La perte de ces molécules d’adhésion intercellulaires et, dans le même temps, la sur-expression anormale de molécules d’adhésion cellule/tissu intersticiel (les intégrines) confèrent aux cellules tumorales des propriétés inhabituelles de migration. Libérant par ailleurs des enzymes responsables de la dissolution de la membrane basale. (collagénase, stromélysines, plasmine, cathépsines), les cellules tumorales envahissent

13

peu à peu la membrane basale et pénètrent la membrane des capillaires lymphatiques et sanguins. La présence des cellules tumorales dans la circulation sanguine leur permet alors d’envahir des régions éloignées de l’organisme et d’y établir des foyers tumoraux secondaires (métastases). L’extension métastatique concerne essentiellement les organes de filtration du volume sanguin et les sites de drainage habituels des organes : les poumons, le foie, les os et le cerveau sont les organes de localisation préférentielle des métastases. Le développement des métastases constitue la gravité du processus cancéreux.

Contrairement à une tumeur localisée, un cancer diffus et généralisé est souvent au delà de toute possibilité curative.