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5 3 Les problématiques de conservation-restauration des œuvres

CHAPITRE I : Notions introductives et état de l’art

I. 5 3 Les problématiques de conservation-restauration des œuvres

la couleur aux problèmes de la conservation-restauration [Brommelle 1955]. A l’époque, il existe deux types d’appareils : ceux fournissant seulement un spectre (spectrophotomètres) et ceux fournissant uniquement les coordonnées trichromatiques (colorimètres). Il compare les deux, en soulignant que la spectrophotométrie est plus adaptée à l’étude des multicouches de pigments. Cette technique est limitée pour 3 raisons : le coût élevé de l’appareil, la difficulté à comparer les spectres, et le fait qu’il n’y ait pas de corrélation immédiate entre le spectre et la sensation colorée correspondante. A cette époque, ils utilisent des atlas (type Munsell) pour faire correspondre les couleurs et évaluer les décolorations de pigments.

Les appareils de mesure utilisés à l’époque sont :

- le ‘Lovibond Tintometer’ (aussi décrit dans le Principles of Color

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comparaison visuelle à un mélange soustractif de colorants) : cet appareil est utilisé par Helmut Ruhemann [Ruhemann 1955] en 1955 pour analyser une peinture de Botticelli. Il utilise l’appareil (qui est un colorimètre) par ses coordonnées r,y,b (red, yellow, blue) pour mesurer les couleurs avant et après la restauration (et conclut entre autre que le vernis est teinté). Cet appareil est basé sur la comparaison d’un échantillon avec un blanc sur lequel on projette une lumière avec différents filtres (rouges, jaunes et bleus) jusqu’à ce que la couleur corresponde. Il est intéressant de constater à quel point cet appareil a peu changé entre les années 80 et aujourd’hui (Figures I- 17 et I-18).

Figure I-17 Lovibond tintometer 1980

([Billmeyer,1981], page 76) (www.lovibondcolour.com/resources/literature/225) Figure I-18 Lovibond tintometer actuel

- le colorimètre à six couleurs de Donaldson.

L’auteur évoque également deux problématiques de la restauration : 1) comment éviter le métamérisme ? 2) un repeint doit-il être du même composé ou de la même couleur que la peinture originale ? Norman Bromelle cite aussi l’importance de la texture de l’objet dans la mesure de la couleur (sujet étudié à la National Gallery de Londres, par F. Ian G. Rawlins [Rawlins 1942]).

En 1962, Georges Champetier et Henri Rabaté [Champetier et Rabaté 1962] évoquent dans leur livre les différentes problématiques liées à l'analyse des couches de peinture par spectrophotométrie (brillance, granulométrie, indice de réfraction, liant, pouvoir couvrant...). Les auteurs expliquent très clairement le modèle de Kubelka-Munk, pour les mélanges blanc+couleur en particulier. Ils mentionnent un appareil créé par Edwin Stearns en 1951 qui permettrait de simuler automatiquement la courbe spectrale d'un mélange de couleurs.

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En 1963, Suzy Delbourgo explique ce que l’on attend de l’analyse de la couleur [Delbourgo 1963] :

- Trouver des moyens adaptés pour protéger les œuvres d’art contre la dégradation, le vieillissement, l’altération (rôle de conservation du musée) - Connaître plus précisément la nature physico-chimique des matériaux

employés (application à la restauration)

Pour elle, la connaissance des pigments éclaire sur l’histoire et l’évolution des techniques, mais aussi donne une estimation de l’âge et de la provenance, et enfin permet la détection des faux.

A l’époque, on n’effectuait pas de spectrophotométrie mais des radiographies, des photographies UV et IR, de l’analyse chimique et des prélèvements pour observer les coupes.

L’auteur conclut qu’il serait intéressant de faire l’inventaire des techniques et pigments employés par chaque artiste, et lorsque l’inventaire sera complet il aura « une valeur inestimable, et pour le physicien, et pour l’historien de l’art. »

En 1968, Françoise Flieder (directrice du Centre de Recherches sur la conservation des documents graphiques) décrit, pour l'analyse de manuscrits enluminés, les méthodes destructives et non destructives utilisées. Elle précise que la seule méthode non destructive utilisée, la photographie – en lumière directe, rasante, en UV et en IR – n'a pas été concluante. "La photographie est la seule analyse non destructive utilisée. Afin d'essayer de déceler les détails supplémentaires, non visibles a l'œil nu, nous avons effectué toute une série de clichés. Les sources lumineuses furent les suivantes : infrarouge et visible (lampe au sodium et lampe & incandescence), lumière ultra-violette et enfin lumière rasante. Malheureusement, nous n'avons pu tirer aucune conclusion positive de ce moyen d'examen." [Flieder 1968]

Madeleine Hours, alors directrice du Laboratoire de Recherche des Musées de France (LRMF, ancêtre du C2RMF), étudie d'un point de vue historique, les méthodes scientifiques consacrées à l'étude des peintures [Hours 1980]. Selon elle, cette étude commence au XVIIème siècle, avec l'Abbé Dubos (ami de Fontenelle), qui

"rédige ses "réflexions critiques sur la peinture" en insistant sur le mérite de l'analyse optique, la précision des faits." Le physicien Charles reprend cette démarche vers 1780, et l'applique aux tableaux alors conservés au Louvre. Et, au

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XIXème siècle, ce sont Chaptal, Pasteur, Roentgen (entre autres) qui développent les

techniques d'analyse de ce qu'on ne voit pas à l'œil nu. L'auteur répertorie les méthodes d'examen et d'analyse des peintures, en mentionnant entre autre la colorimétrie (en solution), la spectrométrie d'absorption IR, et la spectrométrie d'émission dans l'UV pour les méthodes d'analyse, et la fluorescence UV et réflectographie IR, examen sous lumière rasante ou tangentielle, microscopie, macro et microphotographie, photogrammétrie (ancêtre de la 3D) pour les méthodes d'examen.

En 1994, le Musée d'Art et d'Histoire de Genève présente une exposition intitulée "L’œuvre d'art sous le regard des sciences" où les différentes méthodes, avec ou sans prélèvement, sont expliquées [Rinuy et Schweizer 1994]. Parmi les méthodes sans prélèvement, les "Examens en lumière de différentes longueurs d'ondes" sont mentionnés : lumière rasante, fluorescence UV (lampes à vapeur de mercure 300- 400nm), réflectographie IR (pour conserver les images, les chercheurs photographient l'écran du moniteur vidéo sur lequel s'affiche l'image).

Enfin, en 1996, au Laboratoire de Recherche des Musées de France (ancien nom du C2RMF) Alain Chiron et Michel Menu (en collaboration avec Françoise Viénot), mettent au point un appareil permettant de mesurer le spectre de réflectance diffuse d’une œuvre d’art, à distance de celle-ci (donc sans contact), avec une taille de la plage de mesure inférieure à 6mm (donc capable de mesurer une couleur précise dans la diversité d’un tableau par exemple) [Chiron et Menu 1999]. Des fibres optiques sont utilisées pour amener la lumière (un éclairage halogène) et la collecter dans la même direction. La géométrie de mesure est variable car il est possible de modifier l’angle d’incidence/de collection du signal. L’étude de la couleur porte sur un tableau de Marc Chagall et sur des échantillons de laines, et permet de qualifier précisément les couleurs par cette mesure spectrale et colorimétrique. Cet appareil mis au point au LRMF sera ensuite commercialisé par l’entreprise STIL, entreprise qui fabriquera également les modèles plus récents de spectrophotomètres utilisés au laboratoire comme le RUBY (voir chapitre II).

En 2007, Clotilde Boust et Jean-Jacques Ezrati présentent les différents axes d’étude relatifs à la colorimétrie appliquée à l’analyse des œuvres d’art. Les problématiques de mesure de la couleur sont multiples : suivi des étapes de

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restauration des tableaux (mesures avant/après restauration), mais également choix des sources d’éclairage des œuvres pour leur présentation au musée et restitution des couleurs en vue de leur diffusion [Boust et Ezrati 2007].

I. 5. 4. Application des méthodes optiques à l’étude du patrimoine