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CHAPITRE I : Notions introductives et état de l’art

I. 4 1 Les bases de l’optique

I. 4. 1. 1. Les débuts de l’optique

Aux environs de l’an 300 avant notre ère, Platon puis Euclide expliquèrent la vision par un phénomène survenant à l’intérieur de l’œil. Euclide en particulier découvrit la notion de propagation rectiligne de la lumière, le principe du retour inverse de la lumière et les lois de la réflexion, tout en affirmant que tout se passait à l’intérieur de l’œil. Cette étude nous venant de Grèce antique indique que l’optique et la vision sont des phénomènes qui interpellaient les scientifiques et suscitaient des études même avant notre ère.

Il a fallu attendre le XIème siècle, avec en Egypte le physicien Alhazen, pour se

rendre compte que la lumière provient de l’extérieur de l’œil et qu’elle se caractérise par certaines propriétés comme la réfraction [Boudenot 2001].

I. 4. 1. 2. La décomposition de la lumière

Une avancée importante de l’optique (après l’invention de la lunette astronomique et l’établissement des lois de réflexion/réfraction de la lumière par Snell ou Descartes au XVIIème siècle) est la découverte par Newton de la décomposition de la lumière en

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ciel » composé des différentes couleurs. On avait déjà observé ce phénomène à l’époque mais on croyait que c’était le verre / le prisme qui « colorait » la lumière blanche. Par la sélection d’une longueur d’onde (en plaçant un écran troué pour ne laisser passer qu’une couleur à la sortie du prisme) et le passage (à nouveau) par un autre prisme, Newton a démontré que celui-ci ne modifiait pas la couleur de la lumière, et que c’était bien la lumière blanche qui se composait de toutes ces couleurs (Figure I-1) [Kefer 2008].

Figure I-1 Les expériences de Newton (tiré de http://college- guitres.com/spip/IMG/pdf/Exp_Crucis_schemas.pdf)

Newton est le créateur d’une expérience basée sur un disque (appelé plus tard disque de Newton), composé de sept zones colorées (le chiffre 7 étant lié aux 7 notes de musiques de la gamme), les sept couleurs dites « primaires » à l’époque (rouge, orange, jaune, vert, azur, indigo et violet). Si l’on fait tourner ce disque on observe la couleur blanche. Cette expérience démontre en sens inverse que la lumière blanche est composée des différentes couleurs primaires. En 1704, Newton publie le

Traité d’optique, où il développe la théorie corpusculaire de la lumière. En parallèle,

Huygens, lui, développe la théorie ondulatoire de celle-ci (par la théorie des interférences) mais sans convaincre à l’époque. Et il faudra attendre le XIXème siècle

pour que la théorie de Huygens soit acceptée, avec les avancées de Foucault, de Maxwell et de Fresnel entre autres.

C’est la découverte de la décomposition de la lumière par Newton qui est à la base de la spectrophotométrie, comme nous l’expliquerons au chapitre 1.4.2.

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I. 4. 1. 3. La Commission Internationale de l’Eclairage – les

coordonnées trichromatiques

En 1913, la Commission Internationale de l’Eclairage (CIE) est fondée à Berlin. Cette organisation internationale étudie tout ce qui a trait à la couleur, la lumière, la vision également, afin de proposer des définitions claires et objectives sur un sujet qui est particulièrement subjectif.

Ainsi, la CIE a mis un place un système dit « standard » : un observateur standard, des illuminants standards (les plus utilisés étant les illuminants standards A et D65) et une classification standard des couleurs [Billmeyer et Saltzman 1981]. Elle crée également en 1931 le concept d’observateur standard, concept qui sera revisité en 1964 : il s’agit d’une simulation d’un œil qui aurait une vision représentative de l’être humain moyen ayant une vision normale des couleurs. Les illuminants standards correspondent à des sources de lumière fictives, qui représentent les diverses répartitions spectrales que l’on peut rencontrer : A pour la lampe à incandescence, B et C pour les lumières du jour (respectivement zénithale et lumière moyenne du jour), et D (comme le D65) pour la lumière du jour moyenne également mais plus récente que B et C qui ne sont plus utilisés actuellement. S’appuyant sur le fait que dans l’œil, les cônes, cellules sensorielles à l’origine de la perception colorée, sont de trois types (les récepteurs diffèrent par leurs gammes de photosensibilité), toute couleur peut être décrite par trois données. La CIE propose en 1931 deux espaces colorimétriques, chacun avec trois dimensions : le système RGB (Red/Green/Blue) et le système XYZ [Sève 1996].

Le système RGB permet de classer les couleurs par leurs 3 composantes (R, G, et B). Chaque composante représente l’apport d’une lumière colorée (R représente l’apport de la lumière rouge, G celle de la lumière verte (green) et B celle de la lumière bleue). Pour mieux comprendre comment se calculent ces coordonnées, on peut imaginer un écran blanc sur lequel on observe une couleur donnée (lumière monochromatique). On projette juste à côté de cette couleur une combinaison de lumières rouge, verte et bleue et on règle l’intensité de ces trois faisceaux pour que la couleur obtenue par la combinaison des 3 lampes corresponde à la couleur voulue. Le problème est que dans ce cas, même si de nombreuses couleurs peuvent être obtenues, toutes ne le sont pas. En effet, certaines couleurs ne sont accessibles qu’en ajoutant une lumière monochromatique à l’une des 3 lumières colorées, ce qui revient à soustraire une des intensités, c’est à dire à combiner des valeurs

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positives ou négatives de chacune des trois composantes. Pour chaque longueur d’onde, on obtient alors une valeur des fonctions colorimétriques , , , et on peut donc tracer leur évolution en fonction de la longueur d’onde (Figure I-2).

Figure I-2 Les fonctions colorimétriques (tiré de [Billmeyer et Saltzman 1981], page 39)

Les experts de la CIE ont à cette époque (après la première guerre mondiale) alors voulu éliminer les valeurs négatives des fonctions colorimétriques , , . C’est pourquoi la commission a décidé de réaliser une transformation mathématique pour obtenir les fonctions colorimétriques , , , plus adaptées car toujours positives (même si elles ne représentent plus les lampes réelles), et également car représente exactement la fonction de réponse de l’œil (elle est appelée V(), l’efficacité lumineuse spectrale photopique) (Figure I-3).

Figure I-3Les fonctions colorimétriques (tiré de [Billmeyer et Saltzman 1981], page 40)

A partir de ces fonctions colorimétriques, et en fonction de l’illuminant standard choisi et de la réflectance de l’objet, on peut calculer les composantes trichromatiques X, Y et Z, qui correspondent à l’intégrale du produit de la densité spectrale de puissance de la source, multipliée par la réflectance de l’objet, et

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respectivement par , , , sur la longueur d’onde. On normalise les valeurs X, Y, Z de sorte que Y soit maximum à 1 (pour un blanc parfait, de réflectance 1 à chaque longueur d’onde).

Et avec les composantes trichromatiques, on peut calculer les coordonnées trichromatiques x, y, et z :

[Sève 1996]

Comme la somme des trois coordonnées vaut 1, on peut décrire la couleur avec 2 coordonnées uniquement, usuellement les coordonnées x et y. On donne généralement la valeur de Y également car celle-ci spécifie le facteur de luminance de l’objet. Si on calcule les valeurs (x,y) de chaque couleur pure (radiation monochromatique) et qu’on les trace sur un diagramme (x,y), on obtient ce qu’on appelle le spectrum locum, le lieu spectral, en forme de fer à cheval, qui est typique des diagrammes de chromaticité (Figure I-4).

Figure I-4 Diagramme de chromaticité (x,y)

Sur le diagramme de chromaticité CIE (x,y), on peut lire différentes informations : la longueur d’onde dominante et la pureté spectrale. La longueur d’onde dominante se trouve graphiquement en liant l’illuminant et l’objet que l’on étudie d’une ligne droite et en trouvant l’endroit du spectrum locus que coupe cette droite. Quant à la pureté spectrale, elle se calcule en divisant la distance échantillon-illuminant par la distance illuminant-spectrum locus.

Le défaut principal de ce diagramme est la non-uniformité des couleurs. En effet, dans la zone verte, qui est très grande par rapport aux autres, deux couleurs très

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proches visuellement pourront se trouver assez éloignées sur le diagramme, alors que dans les bleus ou les rouges un espacement équivalent donnera naissance à deux couleurs très différentes visuellement. Ce caractère non uniforme a été mis en évidence par MacAdam en 1942, avec sa théorie des ellipses : dans la figure suivante, il a tracé les ellipses (agrandies 10 fois) représentant les zones ou les couleurs sont proches visuellement, et on peut observer que la taille des ellipses est très variable selon la zone du spectre (Figure I-5).

Figure I-5 Ellipses de MacAdam agrandies 10 fois

(tiré de [Billmeyer et Saltzman 1981], page 100)

Pour éliminer cette non-uniformité, et suite aux travaux de Hunter, la CIE a ensuite validé en 1976 un nouveau système de coordonnées colorimétriques, le système L*a*b*, issu d’une transformation mathématique non linéaire des composantes (X,Y,Z), qui dépend de l’illuminant standard choisi. Un autre système, le système CIELuv a été mis en place, mais il s’utilise plutôt pour les lumières alors que le système CIELab est adapté aux mesures de couleurs de surface. C’est pourquoi ce système a été choisi dans notre étude.

Les coordonnées L*, a* et b* correspondent respectivement à la clarté (comprise entre 0 et 100, L* correspond aux différentes nuances de gris), et aux coordonnées de couleur (a* étant l’axe rouge-vert et b* l’axe jaune-bleu, voir Figure I-6).

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Dans le cadre de cette étude, nous allons étudier à la fois le spectre et les coordonnées trichromatiques (en L*a*b*, et éventuellement aussi en xy) des pigments pour tenter de les qualifier et de les quantifier lorsqu’ils sont mélangés par le peintre.

I. 4. 1. 4. Le métamérisme

La CIE a participé au développement des coordonnées colorimétriques, coordonnées qui permettent de caractériser une couleur pour un certain illuminant et un observateur standard, afin de désigner les couleurs d’une manière plus objective. Cependant, il est fréquent d’observer deux objets qui ont la même couleur (les mêmes coordonnées colorimétriques) sous un éclairage et qui se révèlent de couleurs différentes sous un autre éclairage [Billmeyer et Saltzman 1981].

Ce phénomène est appelé métamérisme. Il existe deux types de métamérisme : le métamérisme des couleurs et le métamérisme d’observateur.

Deux couleurs sont dites métamères si elles apparaissent identiques sous un éclairage donné et différentes sous un autre. Cela signifie qu’elles présentent des spectres de réflectance différents, mais que ponctuellement, dans des conditions d’observation (illumination) données, leurs coordonnées colorimétriques sont identiques. Si deux objets ont le même spectre de réflectance, ils auront les mêmes coordonnées colorimétriques quelle que soit la source, et ne seront donc pas métamères. Le métamérisme des couleurs est un phénomène qui est fondamental dans la restauration des peintures (Figure I-7). En effet, si un restaurateur comble une lacune de couleur sous un éclairage qui n’est pas celui des salles du musée où le tableau va être exposé, et qu’il comble cette lacune avec un pigment différent du pigment d’origine (donc de spectre différent), il y a de fortes chances pour que la couleur de restauration, qui correspond parfaitement à celle qui l’entoure dans les ateliers de restauration, s’en distingue dans les salles du musée.

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On observe un métamérisme d’observateur dans le cas où deux objets apparaissent de la même couleur pour un observateur et différents pour un autre observateur (les observateurs pouvant être des êtres humains ou des instruments de mesure). Cela est dû à des différences mineures de la réponse spectrale des observateurs, ce qui est possible pour deux personnes voyant correctement les couleurs. C’est un point qui doit être souligné car dans certaines analyses basées sur la sensibilité de l’observateur (comme l’exploitation des images en fausses couleurs que nous développerons en partie IV), le fait qu’une personne ou une autre fasse l’examen joue sur le résultat : une personne verra la couleur plutôt orangée alors qu’une autre la trouvera jaune, et le résultat de l’analyse pourra être différent.

Après avoir décrit les bases de l’optique, nous allons nous intéresser aux trois techniques optiques principalement utilisées dans cette étude, la spectrophotométrie, la photographie et l’imagerie hyperspectrale, afin d’expliquer leur évolution historique jusqu’à nos jours.