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2. Épissage alternatif

2.1 Les principes de l’épissage alternatif

La mise en évidence d’un processus complexe visant à produire plusieurs ARN messagers (ARNm) différents à partir d’une même séquence d’ADN a été réalisée en 1977 [143]. Il a été démontré qu’il était possible de produire 5 ARNm d’adénovirus différents à partir d’une même séquence d’ADN dans des cellules humaines. Plusieurs études ont ensuite découlé de cette découverte, permettant ainsi de caractériser ce processus de maturation de l’ARN pré-messager qui vise à éliminer les régions introniques afin d’obtenir un ARNm prêt à être traduit en protéine par les ribosomes. Le déséquilibre entre le nombre de gènes et le nombre de protéines existantes a donc pu être expliqué par ce processus d’épissage alternatif. Le processus d’épissage alternatif est d’ailleurs reconnu pour générer une diversité protéique chez l’humain [144]. La vaste majorité des gènes possédant plus d’un exon (plus de 90% de ces gènes) sont sujet à l’épissage alternatif [145]. Selon la figure 9, différentes formes de variants d’épissage alternatif peuvent être produites ; le saut d’un ou plusieurs exons (a et e), la rétention d’un intron, (d) un nouveau site 3’ ou 5’ alternatif (b et c), un promoteur alternatif (f) et un nouveau site de polyadénylation (g) [146].

Figure 9 : Différentes formes d’évènements d’épissage alternatif.

Illustrations de 7 différentes formes d’épissage alternatif pouvant survenir au sein de la cellule. Les régions alternatives sont illustrées en violet. Traduit de Keren, H., Lev-Maor, G., and Ast, G. (2010). Alternative splicing and evolution: diversification, exon definition and function. Nat. Rev. Genet. 11, 345–355.

La machinerie d’épissage reconnaît des séquences consensus qui délimitent la jonction intron/exon (sites donneurs et sites accepteurs). L’intégrité de ces sites est importante pour assurer un épissage adéquat. La figure 10 illustre notamment la reconnaissance de cette machinerie d’épissage pour un ARN, via les séquences consensus

[147]. L’épissage alternatif peut alors être modulé par le biais de variations génomiques, notamment lorsque celles-ci sont localisées près d’une jonction.

Figure 10 : Reconnaissance de la jonction intron-exon de la machinerie d’épissage.

Les séquences consensus permettent de reconnaître ces jonctions et de procéder à l’excision des régions introniques. Traduit de Stamm, S., Ben-Ari, S., Rafalska, I., Tang, Y., Zhang, Z., Toiber, D., Thanaraj, T.A., and Soreq, H. (2005). Function of alternative splicing. Gene 344, 1–20.

À cet effet, la technique du minigène in vitro est une méthode courante très efficace permettant de vérifier l’impact d’un polymorphisme donné sur l’inclusion ou l’exclusion d’un exon. Cette méthode consiste à cloner dans un plasmide d’expression la région d’ADN génomique qui comprend : l’exon d’intérêt, l’intron et l’exon précédents ainsi que l’intron et l’exon suivants. Par mutagenèse dirigée, les différents plasmides contenant les polymorphismes d’intérêt sont générés à partir du minigène de type sauvage. Les différents minigènes sont transfectés dans des cellules et l’ARN est extrait afin de quantifier par PCR le ratio d’expression de l’isoforme sauvage sur le variant d’épissage alternatif en comparaison avec le ratio observé pour le minigène sauvage [148-150].

La présence de ces variations de séquence génomique peut en effet moduler l’affinité d’un facteur d’épissage et entraîner la production d’un transcrit alternativement épissé. Certains facteurs d’épissage alternatif favorisent ainsi l’inclusion d’un exon, tel que les protéines SR alors que les hnRNPs favorisent l’exclusion de l’exon au sein du transcrit [144].

Dans un autre ordre d’idées, certains transcrits alternatifs n’encodent pas pour des protéines. La production d’un ARMm alternativement épissé peut s’avérer une façon de réguler l’expression d’un gène quand le transcrit est dégradé. Le «Nonsense-mediated decay (NMD)» est un mécanisme de contrôle des ARNm non-sens qui est souvent lié à l’épissage alternatif [151]. Un déphasage du cadre de lecture peut être créé à la suite de la rétention d’une région intronique ou bien par l’exclusion d’un exon, produisant ainsi un ARNm «non-désiré» par la cellule, qui sera alors sujet à être dégradé par ce mécanisme. Il devient nécessaire de s’assurer de la traduction de l’ARNm en protéine lorsqu’on étudie la fonction d’un variant d’épissage alternatif. Afin de déterminer si un ARNm présentant un déphasage du cadre de lecture est sujet à la dégradation par le NMD, il est possible d’inhiber l’action du NMD par la puromycine par exemple et de vérifier par PCR s’il y a accumulation d’ADNc. Il est tout aussi important de vérifier la régulation et la traduction des variants d’épissage alternatif présentant un maintien du cadre de lecture. Le fractionnement des monosomes/polysomes par la technique des fractions ribosomales permet d’ailleurs de vérifier que l’ARNm est en voie de traduction en protéine par son association aux polysomes. Les cellules sont lysées et les particules sont séparées selon un gradient de sucrose en fonction de leur poids. Ainsi, les fractions les plus légères correspondent à celles constituées d’ARN libres et de monosomes alors que les polyribosomes sont retrouvés dans les fractions les plus lourdes. Une fois l’ARN extrait pour chacune de ces fractions, il est possible de vérifier dans quelle fraction est retrouvée l’ARNm de notre variant d’épissage alternatif d’intérêt par PCR quantitatif avec des amorces spécifiques.

La régulation du processus d’épissage alternatif et de l’activité du splicéosome est alors importante afin d’assurer la stabilité génomique. Une étude a démontré que certaines mutations dans la séquence génomique du facteur d’épissage U2AF2 entraineraient la production de plusieurs variants d’épissage alternatif, impliqués dans diverses voies métaboliques [152]. Le niveau d’expression des facteurs d’épissage, tels que les hnRNPs et les protéines SR, peut jouer un rôle important sur la production de variant d’épissage alternatif. Il a été démontré que certains facteurs sont surexprimés dans des cellules cancéreuses, entrainant ainsi un dérèglement de l’épissage alternatif [153,154]. La

Quant aux transcrits traduits en protéines, ceux-ci peuvent avoir une fonction complètement différente de la forme sauvage (la forme la plus souvent retrouvée). Des évènements d’épissage alternatif peuvent également être spécifiques à un stade du développement embryonnaire ou à un tissu en particulier, notamment dans le système nerveux [155-157]. Par contre, un simple déséquilibre de l’expression entre la forme sauvage et la forme épissée peut avoir un impact négatif important sur la stabilité cellulaire. Certains variants peuvent provoquer un effet dominant négatif sur l’activité de l’isoforme sauvage, empêchant ainsi la protéine de type sauvage d’accomplir sa pleine fonction. Cet effet peut se manifester de différentes façons; entre autres par une interaction avec la forme sauvage entraînant sa séquestration dans le cytoplasme et sa dégradation, par compétition pour le même site de liaison, etc. [158-163].

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