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Les principaux groupes ethnolinguistiques du Viêt Nam contemporain

Source : Salemink O.(dir.), Diversité culturelle au Viet Nam : enjeux multiples, approches

plurielles, Unesco, coll. Mémoire des peuples, Paris, 2001, p. 11. Remarque méthodologique :

les couleurs associées à un groupe ethnique sont conservées pour toutes les cartes de ce travail. Commentaire : cette représentation des groupes ethnolinguistiques du Viêt Nam pèche par de nombreux aspects ; elle tend à faire croire que les populations, notamment celles situées dans les zones frontalières, sont circonscrites par les maillages nationaux. De plus, l'échelle choisie pour distinguer les groupes surestime la place réelle des minorités (autour de Buôn Ma Thuôt, par exemple, les Édé ne représentent que 13 % de la population en 1999) en fixant les groupes dans des grands aplats colorés juxtaposés. Cette juxtaposition suggère un cloisonnement étanche entre les Kinh répartis dans les plaines et les "minorités" dans les montagnes. Pour une autre représentation comparée des différents groupes ethnolinguistiques à Tây Nguyên, voir Cartes 34 Les principales populations autochtones du Tây Nguyên en 1999 et Cartes 35 Les principales populations allochtones dans le Tây Nguyên en 1999.

Kadai et tibéto-birman)85. En analysant et en critiquant ces questions d'homogénéité et

d'occupation spatiales dans la suite de ce travail, constatons que la zone des plateaux, qui s'étend bien au-delà de sa délimitation administrative régionale actuelle (Tây Nguyên86), tient une place considérable dans la partie sud du Viêt Nam, et même

au-delà des frontières nationales.

Parmi les deux familles Môn-Khmer et Austronésienne, notre attention se porte sur les groupes peuplant la zone des plateaux comme les Mnông, Sedang, et Banhar dans le premier groupe et les Édé87, Jarai dans le second en raison de leur nombreuse

présence sur "notre" terrain. Ces deux groupes d'austroasiatiques et d'austronésiens (malayo-polynésiens) sont les descendants de vagues migratoires qui ont traversé les massifs montagneux d'Asie du Sud-Est (voir Carte 4 Représentation des groupes ethnolinguistiques dans le Centre Viêt Nam). Des travaux archéologiques récents tendraient à attribuer les origines des groupes austronésiens à l'île actuelle de Taiwan d'où ils se seraient diffusés aux Philippines vers 1 500 av. J.C avec une partie allant vers les îles de l'Océan Indien alors qu'une autre aurait pris le chemin de Bornéo et Sumatra pour atteindre vers 500 av. J.C le Viêt Nam du Sud88. Du fait de l'antériorité de

leur présence en l'état actuel des connaissances, il est possible de leur attribuer le nom d'autochtone dans cette zone du Centre Viêt Nam même si, comme le note Condominas, les actuels austronésiens des plateaux ont repoussé devant eux des "tribus" Môn-khmer installés là au XIIe siècle au moment de l'installation du Champa

85 Voir commentaire critique dans les remarques de la Carte 3 Les principaux groupes ethnolinguistiques du

Viêt Nam contemporain (page 39).

86 Le nom de cette région est traduit de façon diverse par les auteurs. Suivant les traductions et en fonction des

critères géophysiques ou administratifs, les auteurs utilisent les termes de « hautes terres » ou « hauts plateaux » (highlands ou uplands en anglais) ou bien privilégient l'expression de « plateaux centraux » ou « plateaux du Centre » (central highlands). Dans ces deux derniers cas, on a affaire principalement à une vision administrative car les plateaux sont analysés dans le contexte national vietnamien, alors que les deux premières expressions privilégient la dimension altitudinale sans préjuger de son appartenance politique. En vietnamien l'expression « Tây Nguyên » signifie plateaux de l'Ouest. Cette dernière appellation est la traduction la plus fidèle du nom administratif (Tây signifie ouest et Nguyên plateaux) qui n'est apparue officiellement que dans les années 1960 lorsque cette zone devient autonome. Trân Dac Dân, 2001, p. 72. (Au sujet des zones autonomes, voir 2.2.1 La question des territoires ethniques, a) Les zonages

autochtones au Nord Viêt Nam, à partir de la page 133). Le nom de Tây Nguyên désigne aujourd'hui une

région administrative comprenant les quatre provinces de Kontum, Gia Lai, Dak Lak et Lam Dông. Dans les années 1970, au Sud on préfèrait, semble-t-il, parler de Cao Nguyên (plateaux) ou de "miÒn th-îng" (région des “Montagnards”); voir, par exemple, l'ouvrage de Cöu Long Giang et Toan ¸nh, Cao Nguyªn miÒn

th-îng, 1974. Nous utilisons ces différentes acceptions selon leurs critères respectifs : à l'échelle

internationale le terme de plateaux, à l'échelle nationale celui de plateaux centraux, à l'échelle régionale celui de Tây Nguyên. Il ne nous semble pas utile d'employer l'adjectif "haut" pour parler des plateaux dans la mesure où la définition inclut déjà la dimension de ce qui « domine les environs » et que la moyenne altitudinale de ces plateaux se situant à 800 m ne mérite pas de tels excès terminologiques.

87 Ce groupe a pour autonyme le nom d'Édé qui vient, selon Gerard Hickey, de l'expression "Anak H'Dê"

signifiant "fils de H'Dê". Ce dernier, issu d'une légende, est identifié comme l'ancêtre commun au groupe. Le terme Édé est celui qui est utilisé au Viêt Nam mais écrit de manière différente (Ê®ª) respectant le son [e] dans la langue vietnamienne qui se note par les accents circonflexes et en français par l'accent aïgu. Plutôt que de reprendre le terme colonial de Rhadé, l'autonyme actuel est employé dans cette recherche. Voir Hickey G.C., 1993, p. 1. Jacques Dournes écrit "eddé", alors que Georges Condominas préfère l'appelation coloniale de "Rhadé". Les Édé se décomposent en trois ou quatre sous-groupes selon les auteurs. Anne de Hautecloque-Howe distingue les Kp¨ situés dans la région de Buôn Ma Thuôt, les Adham au nord-ouest de la province et les Ktul au sud-est ; Brigitte Junker en recense un quatrième qu'elle nomme Dlie Rue (Junker B., 2000, p. p. 58). D'après Anne de Hautecloque-Howe, les différences portent sur la coutume, le vocabulaire. Un linguiste vietnamien a publié en 1998 un ouvrage sur les dialectes Édé dans lequel il en distingue neuf répartis sur une large partie du Dak Lak. Voir §ßan V¨n Phóc, 1998.

88 Coedès G., 1962, p. 30-32. Condominas G., 1965, p. 114. Voir l'archéologue Virgina Mitchell, texte publié sur

dans les plateaux89. Ce royaume

d'influence culturelle indienne (groupe ethnique Cham) a occupé la partie méridionale du Viêt Nam contemporain jusqu'à sa disparition à la fin du XVIIIe siècle sous la poussée des armées vietnamiennes, la Marche vers le Sud90.

Ces différents groupes austronésiens ont gardé une empreinte culturelle Cham importante notamment dans l'organisation clanique et familiale avec par exemple la prépondérance de la matrilinéarité. Ces populations, ainsi que celles appartenant aux groupes austroasiatiques des plateaux, se sont forgées, à travers les aléas de l'histoire de cette partie du monde, des destins distincts de celui des peuples vivant dans les zones plus septentrionales où l'influence chinoise est très prégnante.

L'histoire, riche de plusieurs siècles, a amené la rencontre de ces influences, chinoise, indienne mais aussi occidentale à tel point qu'aujourd'hui la carte des peuples de cette partie montagneuse de l'Asie du Sud-Est est d'une extrême complexité. Il est donc nécessaire, dans notre réflexion, de prendre en compte la présence de groupes allochtones comme les Th¸i,

Tµy, Nïng, Hmông, M-êng. Parmi ces

groupes allochtones dans les plateaux,

les Kinh sont numériquement les plus importants car ils représentent en 1999 la majorité de la population des provinces de Lâm Dông, Dak Lak et Gia Lai91.

Pour analyser cette diversité ethnique des plateaux du Centre Viêt Nam, il est possible d'opter pour l'analyse proposée par Elikia M'Bokolo et Jean Loup Amselle dans leur ouvrage Au cœur de l'ethnie en tenant compte de trois aspects92. Tout d'abord

89 NguyÔn V¨n Huy, 1997, p. 97. Ce point permet de relativiser la notion d'autochtone qui désigne des

populations nées sur le sol même où elles habitent. Pour une discussion sur ce qu'est un autochtone, voir

1.2.1 L'autochtone et son territoire, a) Être autochtone (page 63).

90 Hall D.G.E, 1991, p.210 ; Steinberg D.J, 1987, p. 74.

91 Les Kinh représentent 77 %, 70 % et 56 % de la population des provinces de Lâm Dông, Dak Lak et Gia Lai.

Seule la province de Kon Tum se distingue avec 46 % de Kinh. Tæng côc thèng kª ViÖt Nam, 2000.

92 Amselle J. L., M'Bokolo, 1999. PHUONG Pleiku Groupe linguistique malayo-polynésien Groupe linguistique mon-khmer 0 100 km Groupes ethnolinguistiques 0 100 km N

Carte 4 Représentation des groupes