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4.1 Des milieux hautement diversifiés et multi-usages

Les prairies subalpines sont le réservoir d’une flore riche, abritant de nombreuses espèces végétales spécialisées (Nösberger et al., 1994; MacDonald et al., 2000) et représentent un point chaud de biodiversité en Europe (Körner and Spehn, 2002). Si ces écosystèmes remplissent toujours une importante fonction économique et sociale en liaison avec les activités d’élevage et de pastoralisme, leurs rôles dans le maintien d’une certaine qualité esthétique du paysage et dans la gestion de la biodiversité constituent autant d’enjeux à prendre en compte (Cozic and Bornard, 1998; Dorioz, 1998; Pfimlin et al., 2001). En France,

les nombreux statuts de protection qui existent sur ces milieux attestent de l’importance de les préserver (Parc National, Réserve Naturelle de France, Espace Naturel Sensible, zone Natura 2000…).

Figure 14. Diversité floristique d’une pelouse calcaire subalpine

(Hauts-Plateaux du Vercors, Isère)

4.2 Des milieux façonnés par l’Homme et à l’équilibre

La déforestation et le pâturage extensif par les herbivores domestiques, débuté il y a parfois plusieurs milliers d’années, ont joué un rôle prépondérant dans la formation des prairies subalpines telles que nous les observons aujourd’hui en Europe (Quétier, 2006). Dans le système traditionnel de l’élevage pastoral, les troupeaux d’herbivores domestiques, essentiellement ovins, pâturent sur de grandes étendues de prairies et sont déplacés selon les saisons pour laisser à la végétation le temps de repousser et pour aller chercher ailleurs l’herbe nécessaire à l’alimentation des animaux. L’utilisation adaptée, selon la saison et l’année, des différents quartiers d’alpages, la rotation régulière des zones de couche et les nombreuses actions d’entretien ont déterminé, en interaction avec le climat subalpin et la diversité des conditions édaphiques, les types de végétation présents aujourd’hui sur ces milieux, formant des communautés végétales riches en espèces. De part l’ancienneté de l’activité pastorale, l’équilibre de ces milieux est particulièrement vulnérable aux changements d’utilisation des terres, et dans ce cadre, la déprise agricole en montagne peut avoir un impact sans précédent sur leur pérennité (MacDonald et al., 2000; Quétier, 2006).

4.3 Un équilibre menacé par le déclin de l’agriculture de montagne

Les alpages sont des milieux présentant de nombreux handicaps naturels qui les empêchent de répondre à la course à la productivité amorcée par le monde agricole il y a une cinquantaine d’années. Le climat rude, la faible productivité et la variabilité de la production, les reliefs marqués, l’éloignement des sièges d’exploitation et les difficultés d’accès sont autant de contraintes qui rendent difficilement intensifiables ces milieux (Tasser and Tappeiner, 2002).

Figure 15. Carte de Cassini de 1777. Carte

géographique précise la plus ancienne (18ème

siècle) couvrant l’ensemble de la France. Ici, elle atteste de la présence des pâturages et boisements sur les Hauts-Plateaux du Vercors (Isère), déjà décrit comme tels.

Figure 16.

Le Grand Veymond, Drôme, 2346 m. Berger et troupeau d’ânes. Carte postale ancienne, B. Roche (Musée Dauphinois de Grenoble

A81.646, A82.1465, PNRV 38186.74)

Le retour du loup sur certaines régions complique également l’activité pastorale (Cugno, 2002) et peut représenter une contrainte supplémentaire. Ne répondant souvent plus à la logique actuelle de rentabilité de l’agriculture, ces milieux sont marginalisés au profit des prairies de vallées plus facilement mécanisables et où l’activité agricole s’est intensifiée (entraînant en général des conséquences dramatiques sur ces milieux également). En dépit des soutiens financiers que reçoit l’agriculture de montagne dans les Alpes, dans le but du maintien des pratiques traditionnelles de gestion au regard des services fournis par ces écosystèmes, l’abandon se généralise sur les zones les plus en marge de la rentabilité depuis plusieurs dizaines d’années (Dobremez et al., 2000; MacDonald et al., 2000; Marriott et al., 2004). L’allègement de la charge pastorale, allant jusqu’à l’abandon des alpages les plus reculés, provoque un changement du régime de perturbations ancestral, et peut se traduire par des conséquences profondes et durables sur la diversité, la composition et le fonctionnement de ces prairies (Tasser and Tappeiner, 2002; Lavorel et al., 2004; Quétier et al., 2007).

4.4 Dynamique des milieux abandonnés

Les travaux conduits sur les prairies de montagne pour étudier les effets des changements de pratiques pastorales, et en particulier l’abandon du pâturage, sur la dynamique de la végétation montrent généralement une modification de la composition en espèces et notamment une perte de la qualité et de la production fourragère (Dorée et al., 2001; Krahulec

et al., 2001; Marriott et al., 2004; Lanta et al., 2009; Mayer et al., 2009). Cependant la

dégradation de la diversité végétale ne semble pas systématique et est probablement le résultat de facteurs complexes (Austrheim and Eriksson, 2001; Dullinger et al., 2003; Mayer et al., 2009). De même, si la colonisation par des espèces envahissantes (e.g. Veratrum album, Spiegelberger et al., 2006) ou par les ligneux bas (Dorée et al., 2001; Tasser and Tappeiner, 2002) et les ligneux (Ostermann, 1992; Dullinger et al., 2003) est souvent rapporté, il existe des cas où elle n’a pas lieu en raison de blocage successionnels dans ces milieux très contraints (i.e. sols pauvres et climat rude). L’utilisation des traits fonctionnels pour révéler des modifications du fonctionnement de ces écosystèmes suite à l’extensification des pratiques est apparue prometteuse (Lavorel et al., 2004). Il semble que les espèces compétitives et conservatrices colonisent ces milieux, conduisant à un ralentissement des flux de nutriments et cycles de la matière (Lavorel et al., 2004). Cependant ces études restent rares dans le cas précis de l’abandon du pâturage en milieu subalpin. Par ailleurs, il se peut que les

l’interaction avec d’autres facteurs, par exemple le réchauffement climatique favoriserait également la colonisation par les ligneux. Il ressort cependant de ces études que la réponse locale des communautés végétales est importante à prendre en compte car elle peut déterminer le fonctionnement des écosystèmes et se répercuter à des échelles supérieures (Austrheim and Eriksson, 2001).