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Chapitre 1. État de l’art

4. Production de biogaz avec les résidus de culture et son optimisation par prétraitement

4.2 Les prétraitements des biomasses lignocellulosiques

Les prétraitements agissent en altérant la structure de la biomasse, permettant aux enzymes d’accéder à la cellulose pour convertir les polymères carbohydratés en sucres

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fermentescibles. Ils permettent d’augmenter l’accessibilité des enzymes aux substrats (Figure 10) (Mosier et al., 2005).

Figure 10. Schéma représentant l’objectif du prétraitement des biomasses lignocellulosiques selon Mosier et al. (2005).

Les prétraitements peuvent être de différentes natures et plusieurs peuvent être appliqués, s’ils sont compatibles, sur un même produit. Ils peuvent être physiques ou chimiques. Les procédés physiques consistent (i) en un broyage/découpage de la biomasse qui augmente la surface et l’accessibilité de la matière dégradable par les enzymes, ou (ii) en un traitement thermique qui dépolymérise la lignine, la cellulose crystalline et l’hémicellulose. Les procédés chimiques sont des traitements oxydatifs, acides ou alcalins appliqués directement sur le substrat. Il existe également des prétraitements biologiques qui reposent essentiellement sur l’action d’enzymes, de bactéries ou de champignons. Des associations peuvent aussi être faites entre les prétraitements physiques et chimiques pour que le rendement en terme de dégradabilité soit optimum, mais une certaine vigilance doit être apportée quant à la production d’inhibiteurs de fermentation générés lors de ces prétraitements (Weil et al., 1998).

4.2.1 Prétraitements physiques

Les prétraitements physiques portent essentiellement sur une action mécanique ou thermique appliquée sur la biomasse.

Les prétraitements mécaniques (broyage ou ultrasons) consistent à découper la biomasse afin d’en augmenter la surface, ce qui conduit à une augmentation du rendement de la production en méthane de 5 à 25% (Delgènes et al., 2003). Ils présentent également

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l’avantage de limiter la production d’inhibiteurs de la méthanogénèse tels que le furfural, et les phénols. Le broyage est plutôt adapté aux résidus secs (MS>90%), le broyage des biomasses humides nécessitant plus d’énergie (Barakat et al., 2015). L’effet du broyage s’appuie sur l’interruption de la structure macroscopique de la biomasse lignocellulosique. Pour la digestion anaérobie, cet effet atteint son maximum quand la taille des fragments est réduite à environ 1 mm de diamètre (Dumas et al., 2015). Les ultrasons, qui entraînent une interruption mécanique de la lignocellulose (Pilli et al., 2011), sont notamment utilisés pour la production de bioéthanol et sont appliqués lors de l’étape de saccharification de la biomasse (Zhang et al., 2008). Cependant, les prétraitements requièrent une énergie considérable. Comme l’ont souligné Fan et al. (2014), au regard de l’augmentation du prix de l’énergie, ce type de prétraitement n’est économiquement pas réalisable.

Les prétraitements thermiques consistent à hydrolyser par la chaleur l’hémicellulose et la cellulose. Les températures comprises entre 150°C et 180°C conduisent à une hydrolyse de l’hémicellulose puis de la cellulose dont la solubilisation est plus lente que celle de l’hémicellulose. L’hydrolyse de l’hémicellulose produit des acides qui catalysent à leur tour l’hydrolyse des oligomères solubles de l’hémicellulose, phénomène appelé « auto-cleave » (Mok & Antal, 1992). Cependant, certains produits de dégradation résultant de l’hydrolyse par l’élévation de température peuvent être des inhibiteurs de la digestion anaérobie, à l’exemple des phénols. De plus, lorsque le prétraitement est réalisé à très haute température et avec un temps d’exposition long (>15 min), les composés phénolés qui sont des inhibiteurs de nombreuses enzymes, précipitent avec les composants solubles de l’hémicellulose (Hendriks & Zeeman, 2009). Même s’il est possible de retirer les composés phénolés avant d’utiliser les résidus lignocellulosiques prétraités par la chaleur, le procédé peut être long et coûteux (Hendriks & Zeeman, 2009). Il existe d’autres traitements thermiques pour lesquels le substrat est maintenu sous pression avec de la vapeur à une température supérieure à 240°C. Le temps de maintien dépend du taux de matière sèche du substrat ; plus celui-ci est élevé, plus la durée du traitement augmente. A la fin du traitement, la vapeur est enlevée par dépressurisation, ce qui entraîne un refroidissement du substrat. Une autre méthode consiste à remplacer la vapeur par de l’eau chauffée. L’irradiation par micro-ondes, autre type de traitement thermique,

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permet d’obtenir une température de la biomasse comprise entre 200 et 300°C qui favorise la décomposition de la structure de la biomasse lignocellulosique (Sapci et al., 2013). L’explosion à la vapeur (steam explosion) est l’un des prétraitements les plus utlisés dans la filière de méthanisation (Carrere et al., 2016). Elle consiste à traiter la biomasse avec de la vapeur à haute pression dans une enceinte fermée puis à réaliser une décompression explosive qui dégrade la structure de la biomasse lignocellulosique.

La limite principale des prétraitements physiques est la consommation d’énergie qui n’est pas négligeable pour des applications industrielles. Bien que l’explosion à la vapeur soit considérée comme une approche rentable, son application est actuellement limitée dans le traitement des déchets municipaux en co-digestion avec des boues, en raison du coût élevé de son installation (Carrere et al., 2016).

4.2.2 Prétraitements chimiques

Les prétraitements chimiques reposent essentiellement sur l’acidification, l’alcalinisation ou l’oxydation de la biomasse. En général, ils présentent l’avantage de consommer peu d’énergie par rapport aux prétraitements physiques. Parmi les prétraitements basés sur l’acidification, les traitements à l’acide sulfurique dilué ou à l’acide chlorhydrique dilué ont fait l’objet de nombreuses études (De los Santos Ramos et al., 2009; Harmsen et al., 2010). Ces acides possèdent la capacité de pénétrer au travers de la lignine et d’hydrolyser la cellulose (Harmsen et al., 2010). Ils conduisent également à la production de monomères, de furfural, de 5-hydroxyméthylfurfural (HMF) et de composés volatils. Ces prétraitements ne peuvent être appliquées qu’à petite échelle en raison de la consommation considérable d’acides (1 – 5% en masse), ce qui est un problème général des prétraitements chimiques. La soude possède la capacité d’hydrolyser la lignine. Elle est d’ailleurs l’un des réactifs du procédé Kraft qui est largement utilisé pour la délignification de la pâte à papier. L’urée ainsi que des bases faibles comme l’ammoniac ou la chaux sont aussi étudiées (Brodin, 2009). L’alcalinisation par l’ammoniac et l’urée présente un avantage majeur par rapport à l’acidification dans la mesure où elle apporte souvent une source d’azote nécessaire à la digestion anaérobie. En effet, le ratio optimum carbone/azote pour la digestion anaérobie étant de 25 à 35, il est souvent nécessaire d’ajouter une source d’azote pour obtenir un bon

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fonctionnement du processus, notamment pour les biomasses lignocellulosiques. De plus, l’ajout d’alcali dans les digesteurs permet de neutraliser le pH qui s’acidifie naturellement. La méthode AAS (aqueous ammonia soaking) permet d’améliorer les rendements finaux en méthane des biomasses lignocellulosiques (Antonopoulou et al., 2015). Certains solvants organiques, notamment l’acide acétique, le carbonate d’ethylène et la tétraline sont capables de dissocier la lignine de la cellulose et ainsi d’optimiser l’accessibilité de cette dernière. Par ailleurs, la solution aqueuse du N-methylmorpholine-N-oxide (NMMO) , lorsqu’elle est ajoutée à la paille de blé pendant 3 heures à une concentration de 50% en masse permet

d’augmenter le BMP de 97% (Teghammar et al., 2011). L’utilisation d’oxydants comme le

peroxyde d’hydrogène ou l’ozone a été étudiée pour la délignification de la biomasse lignocellulosique (Gould & Freer, 1984; Puri, 1983). Ces réactifs sont généralement efficaces en décomposition de la biomasse mais ils peuvent générer des pollutions environnementales en raison de leur propriété corrosive ou toxique et produire des inhibiteurs de la digestion anaérobie.

4.2.3 Prétraitements biologiques

Les prétraitements biologiques consistent en l’utilisation d’enzymes et/ou de microorganismes (champignons, bactéries) permettant d’exposer l’holocellulose en dégradant la lignine ou déduisant la structure de la paroi cellulaire.

4.2.3.1 Prétaitements enzymatiques

Les prétraitements basés sur l’utilisation d’enzymes présentent des avantages non négligeables par rapports aux prétraitements chimiques dans la mesure où ils ne produisent pas de composés susceptibles de perturber la digestion anaérobie. Les enzymes ayant une spécificité d’action, il est possible de les utiliser en cocktail afin d’améliorer le rendement de biodégradation de la biomasse lignocellulosique (Wilson, 2009). La dégradation des substrats lignocellulosiques nécessite de nombreux types d’enzymes. Ainsi, les laccases dégradent ou modifient la lignine (Piscitelli et al., 2011), les estérases clivent les liaisons esters entre la lignine et l’hémicellulose, les péroxydases et les oxydases sont les principales enzymes de dégradation ou de modification de la lignine (Singh et al., 2011), les cellulases digèrent les liaisons glycosidiques des polymères constituant la cellulose (Lee et al., 2001), les xylanases

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et les mannases dégradent les composants de l’hémicellulose. Ces enzymes peuvent être utilsées comme réactif de prétraitement (Romano et al., 2009), ce qui conduit à une légère augmentation du rendement de biogaz (13% maximum). Toutefois, l’application industrielle reste limitée par le coût élevé (Carrere et al., 2016). De plus, en raison de la fragilité des enzymes, il est nécessaire de contrôler les conditions des réactions enzymatiques et la durée du prétraitement. En effet, il existe un risque de perte de sucres fermentescibles consommés par des microorganismes endogènes du substrat. Il est possible de limiter le coût de l’apport d’enzymes et de s’affranchir de leur perte d’activité en utilisant des microorganismes capables de se développer sur les substrats lignocellulosiques. .

4.2.3.2 Prétraitements biologiques à l’aide de microorganismes

Ces prétraitements s’appuient sur la capacité des microorganismes à dégrader les composés lignocellulosiques. Il existe très peu d'organismes connus possédant l’arsenal enzymatique complet (laccases, estérases, péroxydases, oxydases, cellulases, xylanases et mannases) permettant de dégrader la biomasse lignocellulosique. Parmi ceux-ci, les champignons basidiomycètes tels Trametes sp., Phanerochaetea sp. et Pleurotus sp. produisent ces enzymes oxydatives extracellulaires. Pour cette raison, ils sont utilisés dans les prétraitements biologiques de la biomasse lignocellulosique (Gourdon, 2001). Les prétraitements fongiques permettent de délignifier la biomasse lignocellulosique, à l’aide des oxydases et des péroxydases (Morel et al., 2009) ou des radicaux d’hydroxyl (∙OH) (Arantes

et al., 2012). Cependant, le prétraitement fongique requiert un temps de séjour relativement

long (>2 semaines) et peut générer une perte de cellulose liée à la croissance fongique.

Dans la nature, la décompostion de la biomasse lignocellulosique est réalisée par des communautés mixtes de champignons et de bactéries (Hervé et al., 2014). La fonction de ces dernières est encore très peu connue mais des études ont montré que les bactéries participent à la dégradation de la biomasse lignocellulosique (Gelhaye et al., 1993; Zainudin et al., 2013). De plus, des systèmes enzymatiques semblables à ceux décrits chez les champignons ont été mis en évidence chez des bactéries (Ausec et al., 2011; Taylor et al., 2012). Ainsi, des espèces appartenant aux genres Xanthobacter, Burkholderia ou Rhodococcus peuvent synthétiser des enzymes ligninolytiques et possèdent des enzymes proches des laccases.

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Ausec et al. (2011) ont mis en évidence chez certaines de ces espèces plus de 5 gènes codant des laccases dans un même génome. Par ailleurs, ils ont montré que 34 % des 2211 génomes inclus dans leur analyse métagénomique possédaient des séquences d’ADN plasmidique ou chromosomique codant des enzymes proches de laccases. De plus, 75% des enzymes retrouvées dans la banque génomique de Ausec et al. (2011) portent la signature d’enzymes sécrétées hors du cytoplasme et sont donc susceptibles d’attaquer la lignine à l’extérieur de la cellule. Le sol étant riche en composés ligneux, il n’est pas surprenant que la plupart des bactéries dotées d’activité ligninolytique soient des bactéries telluriques capables de dégrader des composés aromatiques. Ces découvertes mettent donc en lumière un arsenal enzymatique bactérien non exploré qui pourrait trouver des applications pour le prétraitement des résidus de cultures. Il existe cependant une incertitude sur la possibilité d’isoler et de cultiver des bactéries ligninolytiques destinées à être produites en grande quantité.

Dans l’objectif de valoriser le résidus de culture via la méthanisation agricole, le travail de thèse a consisté à coupler les recherches de bactéries productrices d’enzymes ligninolytiques aux techniques de la digestion anaérobie par voie sèche. Nous avons donc tenté de développer une méthode de prétraitement des biomasses lignocellulosiques mettant en œuvre des bactéries ligninolytiques. Ce choix est basé sur plusieurs arguments : i) l’approche biologique permet de répondre à la demande du développement durable ; ii) un prétraitement bactérien est compatible avec la méthanisation ; iii) les bactéries présentent une croissance rapide qui permettrait d’augmenter l’efficacité du prétraitement et iv) le coût serait moindre que celui des prétraitements enzymatiques.

Pour atteindre ces objectifs, les travaux de thèse ont consisté à développer des techniques de culture de souches pures ligninolytiques isolées de l’environnement et à mettre en place une méthode de prétraitement biologique validée par l’amélioration de l’accessibililé à la cellulose des résidus de culture.

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Avant-propos :

Le premier objectif du travail de thèse étant l’isolement de bactéries capables de dégrader la lignine, une synthèse de la littérature scientifique a été effectuée en se focalisant sur les techniques existantes permettant l’identification de bactéries ligninolytiques. En plus, afin d’approfondir les connaissances sur le potentiel ligninolytique que possèdent les bactéries, une exploitation des données bioinformatiques a été réalisée pour établir un bilan des espèces possèdant dans leur génome des gènes de laccases qui est une famille d’oxydases ligninolytiques.

Cette revue a été publiée dans le journal « Applied microbiology and biotechnology » sous le titre : « Occurrence of lignin-degradation genotypes and phenotypes among prokaryotes »

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Occurrence of lignin-degradation genotypes and phenotypes among prokaryotes

Authors: Jiang-Hao Tian1,2; Anne-Marie Pourcher1,2; Théodore Bouchez3; Eric Gelhaye4,5; Pascal Peu1,2*

Author affiliations: 1IRSTEA, UR GERE, 17 avenue de Cucillé, CS 64427, F-35044 Rennes, France.

2Université Européenne de Bretagne, France. 3Irstea, UR HBAN, F-92761, Antony, France. 4INRA, Interactions Arbres - Microorganismes, UMR1136, F-54280 Champenoux, France. 5Université de Lorraine, Interactions Arbres - Microorganismes, UMR1136, F-54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, France

Corresponding author: P. Peu, e-mail: pascal.peu@irstea.fr, Tel. +33 (0)2 23 48 21 45, Fax. +33 (0)2 23 48 21 15

Abstract

A number of prokaryotes actively contribute to lignin degradation in nature and their activity could be of interest for many applications including the production of biogas/biofuel from lignocellulosic biomass and biopulping. This review compares the reliability and efficiency of the culture-dependent screening methods currently used for the isolation of ligninolytic prokaryotes. Isolated prokaryotes exhibiting lignin-degrading potential are presented according to their phylogenetic groups. With the development of bioinformatics, culture-independent techniques are emerging that allow larger scale data mining for ligninolytic prokaryotic functions but today, these techniques still have some limits. In this work, two phylogenetic affiliations of isolated prokaryotes exhibiting ligninolytic potential and laccase-encoding prokaryotes were determined on the basis of 16S rDNA sequences, providing a comparative view of results obtained by the two types of screening techniques. The combination of laboratory culture and bioinformatics approaches is a promising way to explore lignin-degrading prokaryotes.

Keywords: lignin, degradation, prokaryotes, screening, dependent, culture-independent, phylogenetic distribution

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