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1. Introduction générale

1.3. Les phosphoinositides

1.3.1. Les phosphoinositides chez les eucaryotes : en bref

Comme mentionné précédemment, sept espèces de phosphoinositides ont été identifiées jusqu’à maintenant, chacune d’entre elles étant impliquée dans des fonctions biologiques particulières et étant spécifiquement enrichie dans les membranes des différents compartiments cellulaires. Des études afin d’établir des cartes de la distribution des PIP ont associé le phosphatidylinositol 4- phosphate (PI(4)P) majoritairement à l’appareil de Golgi, le phosphatidylinositol (4,5)-bisphosphate (PI(4,5)P2) et le phosphatidylinositol (3,4,5)-triphosphate (PI(3,4,5)P3)à la membrane plasmique et

le PI(3)P aux endosomes ainsi qu’aux autophagosomes108. Cet enrichissement différentiel dans les membranes de différents compartiments cellulaires est lié à des rôles différents pour chaque espèce de PIP dans les cellules.

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Figure 5. Les phosphoinositides. A) Représentation du métabolisme des phosphoinositides

sous l’action des kinases et des phosphatases. Les flèches noires représentent une phosphorylation par une kinase et les flèches rouges une déphosphorylation par une phosphatase. PI : phosphatidylinositol, PI3K : PI(3)-kinase, PI4K : PI(4)-kinase, PI5K : PI(5)- kinase. Image tirée de :Bishé, B., Syed, G. & Siddiqui, A. Phosphoinositides in the hepatitis C virus life cycle. Viruses 4, 2340–2358 (2012). B) Distribution des différentes espèces de phosphoinositides dans les compartiments cellulaires. CMV : Corps multivésiculaire. Figure réalisée par Catherine Thériault.

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1.3.1.1.

Rôle des différents phosphoinositides

1.3.1.1.1. PI(3)P

Jusqu’à maintenant, trois classes de PI 3-kinases ont été identifiées et produisent trois ensembles distincts de PIP ayant des fonctions différentes. Les classes II et III phosphorylent le PI à la position 3 de l’anneau inositol pour former le PI(3)P. Activées par des cytokines et des facteurs de croissance, les kinases de classes II ainsi que le PI(3)P qu’elles produisent sont impliquées dans les voies de signalisation régulant la survie et la croissance cellulaire110. Chez la levure, une seule kinase de type 3, VPS34, a été identifiée. Tout comme son homologue mammifère, elle produit un PI(3)P qui est localisé principalement aux endosomes et est donc impliquée dans le trafic endosomal des phagosomes et dans l’autophagie en périodes de carences en nutriments109,112,113. Contrairement aux deux autres classes de PI 3-kinases, la classe I ne permet pas de synthétiser du PI(3)P. Ces kinases ajoutent plutôt un phosphate en position 3 au PI(4)P et au PI(4,5)P2 afin de

former le PI(3,4)P2 et le PI(3,4,5)P3. Tout comme les kinases de classe II, elles sont activées en

réponses à des cytokines et à des facteurs de croissance et agissent dans les voies de survie et de croissance cellulaire110.

1.3.1.1.2. PI(3,5)P

2

Le PI(3,5)P2 est peu abondant dans les cellules, représentant moins de 5% des phosphoinositides

totaux114. Comme toutes les autres espèces de PIP, le PI(3,5)P2 est impliqué dans le trafic de

protéines et de membranes. Il se trouve principalement aux endosomes tardifs et précoces ainsi qu’aux lysosomes115

. Bien que le mécanisme précis soit toujours inconnu, il est suggéré qu’il soit impliqué directement dans l’empaquetage des protéines cargos aux corps multivésiculaires114. Le PI(3,5)P2 possède également une fonction dans une variété d’autres processus cellulaires qui sont

assez bien conservés de la levure aux cellules mammifères116. Ces rôles incluent la régulation de la fonction vacuolaire/endo-lysosomale116, l’autophagie, la croissance cellulaire et les processus métaboliques (via la régulation de mTORC1 (mammalian target of rapamycin complex 1))116,117. De

C) Représentation de la reconnaissance de chaque espèce de phosphoinositide par les différents domaines protéiques. Noms des domaines de reconnaissance des PIP : ANTH (AP180 N- terminal homology), C2 (Conserved region-2 of protein kinase C), ENTH (Epsin N-terminal homology), FERM (4.1, ezrin, radixin, moiesin), FYVE (Fab1, YOTB, Vac1, EEA1), GOLPH3 (Golgi phosphoprotein 3), PDZ (postsynaptic density 95, disk large, zonula occludens), PH (Pleckstrin homology), PROPPINS (β-propellers that bind phosphoinositides), PTB (phosphotyrosine binding), PX (Phox homology), et Tubby. Image tirée de :Kutateladze, T. G. Translation of the phosphoinositide code by PI effectors. Nat. Chem. Biol. 6, 507–513 (2010).

22 plus, il semble réguler certains canaux ioniques de la levure afin de maintenir l’osmolarité et le pH lors d’un choc osmotique116,118,119.

1.3.1.1.3. PI(4)P

Le PI(4)P, combiné avec le PI(4,5)P2, est le PIP qui est trouvé en plus grande quantité dans les

cellules. S’il était autrefois considéré uniquement comme un substrat intermédiaire des PIP 5- kinases pour former le PI(4,5)P2, plusieurs protéines effectrices lui ont été associées depuis et la

fonction essentielle qu’on lui attribue est indépendante de celle occupée par le PI(4,5)P2 (voir

section 1.3.1.1.4)109. Fortement concentré dans la membrane de la face trans de l’appareil de Golgi,

le PI(4)P occupe un rôle majeur dans le contrôle de la morphologie de cet organite et du trafic vésiculaire qui en sort120,121. Il peut être synthétisé par deux types de PI 4-kinases, dites type II et type III ou par la déphosphorylation du PI(3,4)P2 ou du PI(4,5)P2 par les PI-phosphatases

appropriées114. Le PI(4)P à la membrane de l’appareil de Golgi lie directement les adaptateurs de clathrines régulant ainsi le trafic vésiculaire sortant de ce compartiment cellulaire122–124. Dans les cellules mammifères, une diminution de l’expression de la protéine GOLPH3 (Golgi phosphoprotein 3), un effecteur du PI(4)P impliqué dans la régulation de la kinase mTOR (mammalian Target of Rapamycin), est associé avec des défauts de transports et une morphologie atypique de l’appareil de Golgi125,126

. Puisque mTOR occupe un rôle dans les voies de croissance cellulaire, il est possible qu’un lien fonctionnel existe entre elles et la régulation de la fonction de l’appareil de Golgi109

.

1.3.1.1.4. PI(4,5)P

2

Le PI(4,5)P2 peut être synthétisé à partir du PI(4)P ou du PI(5)P par des PI 5-kinases ou des PI 4-

kinases, respectivement. Chez l’humain, trois PI5K de type I (α, β et γ) ont été identifiées114. Dans les cellules mammifères, il peut aussi être produit par la déphosphorylation du PI(3,4,5)P3 par des

PI 3-phosphatases comme PTEN (phosphatase and tensin homolog)127. Chez la levure et dans les cellules de mammifères, le PI(4,5)P2 est particulièrement enrichi à la membrane plasmique des

cellules d’où il contrôle plusieurs processus, tels que les interactions entre la membrane plasmique et le cytosquelette, le recrutement des adaptateurs de clathrines durant l’endocytose109 et l’arrimage des vésicules en prévision de l’exocytose128,129. Il est notamment important dans la transduction de signal classique, dans laquelle il est soit clivé par la phospholipase C pour produire les seconds messagers, soit phosphorylé par la PI 3-kinase pour former le PI(3,4,5)P3

110

23

1.3.1.1.5. PI(5)P

Le PI(5)P est l’espèce de PIP la moins bien caractérisée puisqu’elle est présente en très faibles quantités en conditions basales dans les cellules. Chez l’humain, il peut être produit par la phosphorylation du PI ou par la déphosphorylation du PI(3,5)P2

114

. Sa localisation subcellulaire n’a pas encore été définie avec clarté, mais pourrait être le RE lisse ou bien l’appareil de Golgi des cellules mammifères130. Il a été associé avec la signalisation nucléaire et la dynamique des membranes131, la signalisation induite par le stress ou les hormones, la dynamique du cytosquelette, la migration, le cycle cellulaire et l’apoptose131

. Les mécanismes exacts de la fonction du PI(5)P dans ces processus restent encore à élucider.

1.3.1.1.6. PI(3,4)P

2

et PI(3,4,5)P

3

: effecteurs des voies signalétiques

Le PI(3,4)P2 et le PI(3,4,5)P3, indétectables chez la levure, sont présents en très faible quantité dans

les membranes plasmiques des cellules humaines. Le PI(3,4)P2 peut être produit par la

phosphorylation du PI(4)P par les PI3K de classe II ou par la déphosphorylation du PI(3,4,5)P3 par

les PI 5-phosphatases. Le PI(3,4,5)P3 est obtenu grâce à la phosphorylation du PI(4,5)P2 par les

PI3K de classe I114. Tous les deux agissent comme seconds messagers en recrutant au moyen de leur domaine PH (section 1.3.1.2) des protéines kinases comme Akt (ou protéine kinase B), PDK1 (phosphoinositide-dependent kinase 1) ou les effecteurs en aval de la PKC (protéine kinase C)132. Leur implication dans la voie PI3K/Akt suggère qu’ils puissent jouer un rôle dans une multitude de processus cellulaires, tels que le contrôle du cycle cellulaire, la survie, l’angiogenèse ou le métabolisme du glucose114.

1.3.1.2.

Domaines protéiques liant les phosphoinositides

La spécificité de la signalisation effectuée par les PIP ne dépend pas uniquement de leur expression spatio-temporelle unique, mais également des protéines qui interagissent avec eux via des domaines protéiques reconnaissant une espèce de PIP précise. Ces protéines permettent le recrutement d’un ensemble d’effecteurs des cascades de signalisation. Jusqu’à maintenant, 15 domaines de liaison aux PIPPIP ont été identifiés, certains étant spécifiques à une espèce particulière et d’autres ayant une spécificité plus élargie.

Le domaine en doigt de zinc FYVE tient son nom des quatre protéines chez qui il a été identifié : Fab1, YOTB, Vac1 et EEA1108. Il lie spécifiquement le PI(3)P et possède trois motifs signature qui le distingue des protéines en doigt de zinc liant l’ADN ou d’autres protéines133

. Le motif seul lie faiblement le PI(3)P et l’insertion dans la membrane de régions hydrophobiques est requise pour

24 augmenter l’affinité111

. Les protéines possédant ce domaine sont impliquées dans le transport endosomal (voir fonctions PI(3)P section 1.3.1.1.1)133.

Dans les domaines ayant une spécificité plus large, on retrouve notamment les domaines PH (Pleckstrin homology domain), Px (Phox homology domain), C2 et PTB. Originellement décrit chez les pleckstrines, protéines kinases C majeures trouvées dans les plaquettes, le domaine PH a été identifié dans plus de 200 protéines humaines impliquées dans plusieurs processus, dont la signalisation intracellulaire, le métabolisme des lipides, la transformation du cytosquelette et le trafic de membranes111. Il lie le PI(3,4)P2, le PI(4,5)P2 et le PI(3,4,5)P2. Les protéines contenant un

domaine PH peuvent lier à la fois les PIP (par leur domaine PH) et d’autres protéines effectrices des cascades de signalisation134. Chez la levure S. cerevisiae, les protéines contenant le domaine PX lient préférentiellement le PI(3)P alors que chez les cellules mammifères, une spécificité élargie est rapportée135. Les protéines qui possèdent ce domaine sont impliquées dans l’endocytose, le tri protéique, le trafic de membrane, la polarité cellulaire et la signalisation111.

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