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Les pétales : organes producteurs de parfum

Les analyses des composés volatils du parfum réalisées chez les Hybrides de Thé au cours de notre étude et chez la rose sauvage Rosa x rugosa (Dobson et al., 1999) montrent que les pétales sont les organes qui produisent le plus de parfum chez ces roses. Une étude de la structure du pétale ainsi qu’une analyse de la localisation du parfum dans cet organe ont donc été mises en œuvre afin de déterminer s’il existe des sites spécialisés dans la production et l’émission du parfum dans les pétales de rose, et si des structures cellulaires spécifiques sont mises en place dans les pétales lors de la production et de l’émission des composés volatils.

1. La structure du pétale de rose

a. Les deux épidermes du pétale

Dans un premier temps, nous avons utilisé la microscopie afin de caractériser au niveau structural le modèle de notre étude : le pétale de rose. Les pétales de rose sont délimités par deux couches d’épiderme, séparées par un parenchyme de type lacuneux. La microscopie électronique environnementale à balayage (MEB) permet l’étude de la surface d’un pétale de rose, sans qu’il soit nécessaire de fixer et de métalliser les échantillons comme dans le cas de la microscopie électronique à balayage classique. Ceci permet de réduire les artéfacts liés à ces étapes de préparation de l’échantillon.

L’épiderme inférieur du pétale est plat (Fig. 26A), avec une cuticule intensément striée (Fig. 26C). De longs poils unicellulaires sont parfois observés, mais aucun trichome sécréteur n’est présent.

L’épiderme supérieur est constitué de cellules dont la forme évolue au cours du développement de la fleur. En effet, au stade ‘bouton fermé’ (BF), les cellules de l’épiderme supérieur sont de petite taille, régulières et leur surface est ridée (Fig. 26D). Au cours du développement de la fleur, ces cellules deviennent plus coniques et les rides s’atténuent sauf au niveau de l’apex des cellules (Fig. 26B et E à I).

B D J H I G F E C A c p a pl v po

Figure 26 : Structure des épidermes du pétale des roses Hybrides de Thé. A, épiderme inférieur de la variété ‘The Mac Cartney rose’ stade BTO observé en MEB. B, épiderme supérieur de la variété ‘The Mac Cartney rose’ au stade BO observé en MEB. C, détail de la cuticule de l’épiderme inférieur de la variété ‘The Mac Cartney rose’ stade BTO. D, épiderme supérieur de la variété ‘The Mac Cartney rose’ au stade BF observé en MEB. E, épiderme supérieur de la variété ‘The Mac Cartney rose’ au stade FE observé en MEB. F, coupe transversale de l’épiderme supérieur de la variété ‘Papa Meilland’ au stade BO observé en microscopie optique. G à I, coupes tangentielles de l’apex d’une cellule de l’épiderme supérieur de la variété ‘Anna’ au stade BO observé en MET. J, épiderme supérieur de la variété ‘Hacienda’ au stade FE observé en MEB, noter la présence de gouttelettes au sommet des cellules (flèche). p, paroi ; c, cuticule ; pl, plaste ; a, amidon ; v, vacuole ; po, poil. Les barres représentent une échelle de 50 µm pour A à E et J, de 10 µm pour F et 2 µm pour G à I.

Chez les variétés parfumées, au moment où la fleur est totalement épanouie, il est possible d’observer des gouttelettes à la pointe des cellules de l’épiderme supérieur (Fig. 25J). Comme ces gouttelettes n’ont jamais été observées chez les roses sans parfum, elles correspondent probablement aux composés volatils. Il est possible que le léger vide exercé à l’intérieur de l’enceinte du MEB soit responsable de la formation de ces gouttelettes par agrégation. Néanmoins, ces gouttelettes sont aussi parfois visibles lorsqu’on observe l’épiderme supérieur d’un pétale en microscopie optique entre lame et lamelle.

b. L'évolution du pétale au cours du développement de la fleur

La microscopie optique est utilisée pour étudier l’évolution de la structure du pétale au cours du développement floral de plusieurs variétés de rose, et plus particulièrement de la variété ‘Papa Meilland’. Pour cela, des coupes transversales semi-fines sont réalisées sur des pétales prélevés sur des fleurs à différents stades de développement et colorées au Paragon (Fig. 27A à I).

Aux stades BF (Fig. 27A) et BJO (Fig. 27B), les cellules de l’épiderme supérieur ont une forme plus ou moins rectangulaire. Leur cuticule et leur paroi cellulaire sont fines et leur cytoplasme est dense. Observées en microscopie électronique à transmission (MET), elles ont un noyau large et leurs plastes ont une structure qui rappelle celle des chloroplastes (Figure 27G). Leur cytoplasme contient de très nombreuses vacuoles de petite taille (Fig. 27H) qui fusionnent au cours du développement pour donner une ou quelques très grosses vacuoles. Sous les cellules des épidermes, se trouve une couche de cellules sous-épidermiques dont le cytoplasme est également très dense. Les cellules de l’épiderme supérieur sont reliées entre elles et avec les cellules du sous-épiderme par de nombreux plasmodesmes (Figure 27I). La partie centrale du pétale est remplie d’un parenchyme lacuneux, composé de cellules peu jointives très vacuolisées et de larges espaces intercellulaires. Les cellules de l’épiderme inférieur ont une forme rectangulaire et sont généralement plus grosses que les cellules de l’épiderme supérieur, recouvertes d’une cuticule et d’une paroi plus épaisses. Leur cytoplasme est également relativement dense. Au stade BJO, des amyloplastes sont souvent visibles dans les cellules des deux épidermes et du parenchyme (Fig. 27B, flèches rouges).

Lorsque les boutons floraux commencent à s’ouvrir (stade BO et BTO), les cellules des deux épidermes, ainsi que les cellules du parenchyme, renferment de très nombreux et volumineux amyloplastes (Fig. 27C et D, flèches rouges). Le parenchyme se désorganise et devient de plus en plus lacuneux. C’est à ce stade que la fleur commence à émettre des composés volatils.

Figure 27 : Micrographies optiques (A à F) et électroniques (G à I) de coupes transversales de pétales de la variété ‘Papa Meilland’. A, stade BF ; B, stade BJO ; C, stade BO ; D, stade BTO ; E, stade FE ; F, stade FS ; G, cellule de l’épiderme supérieur au stade BF ; H et I, cellules de l’épiderme supérieur au stade BJO. v, vacuole ; m, mitochondrie ; c, cytoplasme ; p, paroi ; pl, plaste ; n, noyau ; ►, plasmodesmes ; flèches rouges, amidon. Les barres représentent une échelle de 10 µm pour A à F, de 0,5 µm pour G

Lorsque la fleur est épanouie et émet le maximum de composés volatils (stade FE), les cellules de l’épiderme supérieur ont acquis leur forme de papille conique caractéristique (Fig. 27E). Les vacuoles des cellules des épidermes occupent la quasi-totalité de la cellule et sont remplies de précipités qui pourraient correspondre à des pigments (anthocyanes) ou à des tanins. De plus, les amyloplastes ont disparu (Fig. 27E).

Lorsque la fleur est sénescente (stade FS), la désorganisation du pétale est maximale : les cellules du sous-épiderme ne sont plus visibles et le parenchyme lacuneux est pratiquement dépourvu de cellules (Fig. 27F).

2. La production du parfum par le pétale

Les analyses en MEB confirment que chez la rose, comme chez d’autres espèces, les cellules des deux épidermes du pétale ont des caractéristiques différentes : les cellules de l’épiderme supérieur ont une forme de papille conique et l’ensemble formé par la cuticule et la paroi est fin, tandis que les cellules de l’épiderme inférieur sont plus volumineuses, rectangulaires et recouvertes d’une épaisse couche formée par la cuticule et la paroi.

De plus, depuis fort longtemps, il est supposé que les cellules de l’épiderme supérieur du pétale, à cause leur forme particulière, sont les seules responsables de l’émission des composés volatils du parfum (Loomis et Croteau, 1973). Néanmoins, à notre connaissance, aucune étude n’a été menée afin de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. En mettant au point une technique de séparation des épidermes du pétale en les pelant et en adaptant la technique de SPME, nous avons cherché à savoir si les deux épidermes du pétale des roses Hybrides de Thé sont capables de produire et d’émettre les composés volatils du parfum ou bien si seul l’épiderme supérieur possède ces deux fonctions.

a. La production des composés volatils dans les deux épidermes

L’analyse des composés volatils présents dans les cellules des deux épidermes du pétale est réalisée par extraction à l’hexane. Brièvement, à l’aide d’une pince très fine, l’épiderme supérieur d’un pétale est séparé du parenchyme et de l’épiderme inférieur, et l’épiderme inférieur d’un autre pétale est séparé du parenchyme et de l’épiderme supérieur. Une extraction par l’hexane des composés volatils du parfum est réalisée sur les différentes parties du pétale. Deux variétés de rose sont utilisées pour cette expérience : la variété ‘The Mac Cartney rose’ et la variété ‘Baronne Edmond de Rothschild’. Les résultats de l’expérience sur la variété ‘Baronne Edmond de Rothschild’ sont présentés dans la figure

volatils sont toujours plus élevées dans les fractions correspondant aux épidermes seuls que dans les fractions correspondant au parenchyme plus épiderme. Ceci suggère que les deux épidermes sont les sites de concentration des composés volatils. La concentration en composés volatils est légèrement plus importante dans l’épiderme supérieur (Fig. 28A). Ces résultats prouvent que l’épiderme supérieur n’est pas le seul site de concentration des composés volatils puisque la concentration en composés volatils des cellules de l’épiderme inférieur est relativement élevée, même si elle n’égale pas celle de l’épiderme supérieur.

b. L'émission des composés volatils par les deux épidermes

L’émission des composés volatils par les deux épidermes du pétale de la variété ‘The Mac Cartney rose’ est réalisée en adaptant la technique de SPME. Le pétale prélevé sur une fleur au stade BTO est placé sur un support inerte et un cône de pipette permet de délimiter une chambre d’analyse. La fibre de SPME est introduite dans cette chambre par l’extrémité du cône et les composés volatils sont piégés pendant 1 h sur la fibre. La désorption de la fibre se fait pendant 2 min à 240°C dans la chambre d’injection du chromatographe et les composés volatils sont analysés par GC-FID. Les composés volatils émis par les deux épidermes du même pétale sont ainsi successivement analysés. L’expérience est répétée plusieurs fois et aucune différence significative n’est observée dans l’émission des deux épidermes (Fig. 28B). Ce résultat prouve que l’épiderme inférieur émet des composés volatils de la même façon que l’épiderme supérieur.

c. La localisation tissulaire d’une enzyme responsable de la synthèse du DMT

L’orcinol-O-méthyltransférase (OOMT) est une enzyme qui intervient dans les dernières étapes de la synthèse du DMT, appartenant à la famille des composés aromatiques et conférant une 'odeur de thé’ au parfum de certaines roses, notamment les roses d’origine chinoise. La localisation tissulaire de l’OOMT par Western-blot dans les pétales de rose a été réalisée par P. Hugueney (laboratoire RDP, ENS Lyon).

Les protéines du pétale entier, de l’épiderme supérieur et enfin de l’épiderme inférieur sont extraites à partir de pétale de la variété ‘Anna’ qui synthétise des quantités très importantes de DMT et dont les épidermes sont facilement pelés. La figure 28C montre que l’OOMT est présente dans les deux épidermes du pétale de rose.

Epiderme supérieur Epiderme inférieur Parenchyme 10 µm 10 µm 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 épiderme supérieur épiderme inférieur ng é qui va le nt c am ph re .m m -2 .h -1 B ng.mm -2 .h -1 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 ép id er m e su ri eu r ép id er m e in ri eu r ép id er m e su ri eu r + pa re nc hy m e ép id er m e in ri eu r + pa re nc hy m e ta le e nt ie r µg.g -1 PF É pide rm e in ri eur Ép id er me s upé ri eu r ta le e nt ier m oi n C A B

Figure 28 : Analyse des composés volatils extraits (A) dans les tissus du pétale de la variété 'Baronne Edmond de Rothschild' au stade BTO ou émis (B) par les deux faces d’un pétale de la variété 'The Mac Cartney rose' au stade BTO. Pour B, la moyenne a été faite sur 4 analyses et les barres représentent l’erreur standard. C, localisation par

Western-blot de l’OOMT de rose, impliquée dans les dernières étapes de la synthèse du DMT (P. Hugueney, RDP, ENS de Lyon). 5 µg de protéines totales extraites des pétales de la variété ‘Anna’ sont déposées dans chaque puits ; témoin, protéine recombinante purifiée.

Etant donné que des quantités équivalentes de protéines sont déposées dans chaque puits, l’OOMT est présente dans les deux épidermes à des niveaux équivalents.

En conclusion, les trois expériences décrites ci-dessus montrent que les deux épidermes du pétale de rose produisent et émettent des composés volatils et renferment une enzyme responsable de la synthèse de ces composés.

3. Les structures cellulaires du pétale

La littérature est riche d’études cytologiques ayant pour but de mettre en évidence des structures spécifiques de cellules sécrétrices, notamment dans les trichomes sécréteurs. Par exemple, les glandes peltées des Lamiacées, productrices de composés terpéniques, se caractérisent par une prolifération intense du réticulum endoplasmique et par un très grand nombre de leucoplastes (Ascensao et al., 1997 ; Turner et al., 2000a). Nous avons donc utilisé la MET afin de savoir si des structures spécifiques sont mises en place dans les pétales de rose au cours du développement floral, parallèlement à la production de composés volatils.

a. Les structures caractéristiques des pétales de rose aux stades BO, BTO et FE

Au stade BO, les cellules de l’épiderme supérieur du pétale contiennent de nombreux plastes renfermant plusieurs grains d’amidon dont les tailles sont variables d’un plaste à l’autre (Fig. 29C). Au stade BTO, la paroi des cellules de l’épiderme supérieur du pétale forme un réseau à l’intérieur de la cuticule (Fig. 29A). Ce stade se caractérise également par l’abondance de corps de Golgi associés à de nombreuses vésicules (Fig. 29B), ainsi que par de nombreuses mitochondries.

Au stade FE, quand la fleur émet le maximum de composés volatils, les amyloplastes sont pratiquement absents du cytoplasme des cellules de l’épiderme supérieur du pétale. Ce stade se caractérise par l’abondance de plastes renfermant de nombreuses inclusions lipidiques osmiophiles denses aux électrons, les plastoglobules (Fig. 29E et G). On observe parfois à ce stade des plastes renfermant à la fois de l’amidon et des plastoglobules (Fig. 29D). A proximité des plastes, le réticulum endoplasmique forme des empilements, auxquels sont associées des vésicules de réticulum (Fig. 29F). Des enroulements membranaires,

? vl v p ? ?

*

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p v v ? vl pla A B C D E F G H I p

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Figure 29 : Micrographies électroniques à transmission des cellules de l’épiderme supérieur du pétale de rose. A et B, cellules de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Papa Meilland’, stade BTO ; C, cellules de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Alister Stella Gray’, stade BO ; D, cellule de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Royal Red’, stade FE ; E, cellule de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘The Mac Cartney rose’, stade FE ; F, cellule de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Paul Ricard’, stade FE ; G, cellule de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Alister Stella Gray’, stade FE ; H, cellule de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Alister Stella Gray’, stade FE ; I, cellule de l’épiderme supérieur du pétale de la variété ‘Papa Meilland’, stade FE. c, cuticule ; p, paroi ; pl, plaste ; a, amidon ; v, vacuole ; pla, plasmodesmes ; vl, vésicules lipidiques ; *, plastoglobules ; †, vésicules golgiennes ; fm, figure de myéline ; flèche, vésicules de réticulum ; ☼, corps multivésiculaires. Les barres représentent une échelle de 0,1 µm (B et F), 0,5 µm (A, D, E, H et I) et 1 µm (C et G).

rappelant des figures de myéline, sont également observés (Fig. 29G). La présence de nombreuses vésicules lipidiques au contenu dense caractérise également ce stade (Fig. 29H et I). Au niveau de la membrane plasmique, de nombreuses invaginations sont visibles, ainsi que, parfois, de nombreuses vésicules regroupées, formant des corps multivésiculaires (Fig. 29H et I).

Les organites présents dans l’épiderme inférieur des pétales de rose sont les mêmes que ceux décrits ci-dessus dans l’épiderme supérieur.

b. La localisation subcellulaire des terpènes

Nos expériences montrent que chez Rosa x hybrida, il n’existe pas de structures spécialisées dans la production du parfum : les deux épidermes du pétale produisent et émettent les composés volatils. Afin de localiser les terpènes à l’intérieur des cellules de ces deux épidermes, la coloration au réactif de NADI est utilisée. Cette coloration permet de différencier des inclusions lipidiques (coloration bleue) de celles renfermant des terpènes (coloration violette).

La coloration au réactif de NADI est mise en oeuvre sur les pétales frais de nombreuses roses, parfumées et non parfumées. Il est nécessaire de choisir des variétés de couleur pâle ou blanche parce que les anthocyanes gênent l’observation de la coloration au NADI. Dans les cellules des épidermes des pétales de toutes les roses, de nombreuses vésicules lipidiques de petite taille sont visibles et colorées en bleu (Fig. 30A et B).

Dans les cellules de l’épiderme supérieur d’un pétale d’une rose parfumée produisant des terpènes, des vésicules plus grosses colorées en violet sont observées, ce qui indique un contenu terpénique (Fig. 30C). Ces vésicules sont également visibles dans les cellules de l’épiderme inférieur. Elles ne sont jamais observées dans les cellules des pétales de roses contenant peu ou pas de terpènes. La présence de ces gouttelettes lipidiques est donc liée à la production et/ou au stockage des composés terpéniques. Elle confirme également que les deux épidermes renferment ce type de composés.

C. Les différences entre les roses parfumées et les roses non parfumées