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Chapitre 1 : Introduction bibliographique

2. L’amibe modèle Acanthamoeba castellanii

2.5. Les outils moléculaires disponibles chez A castellanii

L’amibe Acanthamoeba a longtemps été étudiée comme un modèle eucaryote afin de mieux comprendre les composants du cytosquelette impliqués dans la mobilité cellulaire (Pollard et al. 1970; Isenberg et al. 1980; Adams and Pollard 1989; Brzeska et al. 2001), ainsi que dans l’expression des gènes (Bateman and Paule 1986; Chen et al. 2004c). De par le manque d’outils moléculaire, et la présence d’un génome polyploïde, ce modèle a partiellement été délaissé face à d’autres modèles cellulaires tels que Dictyostelium discoideum, une amibe sociale possédant un état haploïde dans son cycle de vie, ou les cellules de mammifères. Cependant, un regain d’intérêt est observé, du fait que cette amibe ubiquitaire interagit avec de nombreux microorganismes incluant des pathogènes humains, et est décrit comme un hôte naturel pour ces pathogènes. Un intérêt non négligeable est donc porté dans divers domaines d’études tels que la microbiologie cellulaire, la physiologie, la biologie moléculaire, la biochimie, l’interaction entre organismes ainsi qu’en biologie environnementale (Swart et al. 2018).

2.5.1. Les outils de biologie moléculaire

La disponibilité d’outils moléculaire chez Acanthamoeba reste actuellement faible. En effet, la polyploïdie du génome pose problème pour l’utilisation d’outils menant à l’inactivation de gène (recombinaison homologue médiée par un plasmide, CRISPR-Cas9 …). De ce fait, des techniques alternatives tels que des plasmides d’expression (Peng et al. 2005; Bateman 2010) ou des ARN interférents (Lorenzo- Morales et al. 2005) ont été développées.

2.5.1.1. Les vecteurs d’expression

Le premier vecteur d’expression généré permettait l’expression de la chloramphénicol acétyltransférase sous le contrôle du promoteur du gène de l’ubiquitine (vecteur POPSB). Ce vecteur d’expression a été introduit dans

Acanthamoeba par électroporation (Hu and Henney 1997). Par la suite, le vecteur a

été amélioré afin de permettre la production de protéines fusionnées à la protéine fluorescente eGFP (pUBPG). De plus, un protocole de transfection par l’intermédiaire de vecteurs lipidiques a également été développé, mais le taux de cellules transfectées était inférieur à 5%, ce qui rend difficile la quantification de l’expression d’un gène rapporteur par exemple (Kong and Pollard 2002). C’est ainsi, que des plasmides d’expression dits « stables » basés sur la présence d’un gène de résistance à la néomycine G418, ont été développés (Peng et al. 2005). Par la suite, ces plasmides ont été améliorés afin de permettre une expression d’une protéine fluorescente sous le contrôle du promoteur du gène TPBF (TATA binding protein (TBP) promoter binding factor) (plasmide pTPBF-eGFP) ou du gène de la GAPDH (glycéraldéhyde-3- phosphate déshydrogénase) (plasmide pGAPDH-eGFP), tout en maintenant l’expression du gène de résistance à la néomycine G418 (Figure 4) (Bateman 2010). Les deux vecteurs montrent une expression robuste, basée sur l’analyse du gène rapporteur eGFP. Ces plasmides ont ainsi été utilisés pour générer des protéines fusionnées dans des études moléculaires chez Acanthamoeba sp. (Lee et al. 2015; Hong et al. 2018).

Figure 4 : Carte des plasmides pGAPDH-eGFP et pTPBF-eGFP (d’après Bateman, 2010).

Les fragments « GAPDH », « TPBF » et « TBP » correspondent aux séquences promotrices utilisées pour l’expression des séquences codantes adjacentes. Le fragment « Amp » correspond au gène qui s’exprime chez E. coli et qui apporte la résistance à l’ampicilline. Le fragment « Neo » correspond à la séquence codante du gène de résistance à la généticine G418 qui s’exprime chez A. castellanii. Le fragment « eGFP » correspond à la séquence codante de la protéine fluorescente eGFP.

2.5.1.2. Les ARN interférents

Les ARN interférents ont été découverts chez les plantes dans les années 1990, mais c’est seulement en 1998 que le processus d’interférence est démontré dans le modèle Caenorhabditis elegans (Fire et al. 1998; Dana et al. 2017). Cette découverte a permis à Andrew Fire et Craig Mello, une reconnaissance dans le monde scientifique par l’obtention du prix Nobel en 2006.

L’interférence par les ARN est un processus biologique dans lequel un ARN double brin (siRNA, miRNA) va cibler un brin d’ARNm complémentaire, ce qui va aboutir à une dégradation de ce dernier ou à une inhibition de la traduction (Wittrup and Lieberman 2015; Ahmadzada et al. 2018). De ce fait, l’ARNm n’étant plus fonctionnel, cela induit une diminution de l’expression du gène (Figure 5).

Figure 5 : Mécanisme de répression de gène par l’intermédiaire des siRNAs (d’après

Wittrup and Lieberman, 2015). L’enzyme Dicer peut générer de façon endogène des petits ARN à partir d’ARN en épingle à cheveux (shRNA) ou de façon exogène par l’intermédiaire d’ARN double brins. Cette première étape peut être contournée en introduisant directement de petits ARN (siRNA) dans la cellule. Par la suite, le brin anti-sens est pris en charge par le complexe RISC (RNA-induced silencing complex), et est utilisé comme guide pour la reconnaissance de l’ARNm complémentaire. La protéine Argonaute 2 du complexe RISC va cliver le complexe ARNm/siRNA ce qui va induire une dégradation de l’ARN et donc empêcher la traduction de la protéine.

Chez Acanthamoeba, de nombreuses études utilisant les ARN interférents ont permis une meilleure compréhension de l’enkystement et notamment, l’identification de protéines intervenant dans ce processus (Dudley et al. 2008a; Lorenzo-Morales et al. 2010; Aqeel et al. 2013; Moon et al. 2014). De plus, l’utilisation de cette technique a même été proposée afin de cibler des protéines clés de la pathogénicité d’Acanthamoeba sp., ceci, afin de mieux traiter les kératites induites par ces dernières (Lorenzo-Morales et al. 2010). Récemment, une étude a montré une efficacité de ces ARN interférents dans le traitement de kératite amibienne chez la souris (Zorzi et al. 2019).

2.5.2. Les génomes séquencés d’Acanthamoeba sp.

Le premier génome séquencé et annoté correspond à l’espèce A. castellanii Neff (ATCC 30010). Ce génome d’une taille de 45 Mb (mégabase) montre la présence de 15 455 gènes riches en introns prédits pour coder des protéines, dont 14 974 ont été identifiés par l’intermédiaire de données transcriptomiques (Clarke et al. 2013). De façon intéressante, ce génome montre la présence de 450 gènes, soit 2,9% du génome, décrits comme ayant pu être acquis par un transfert latéral de gènes (Clarke et al. 2013). Ce génome est accessible en ligne, par exemple, par l’intermédiaire du site AmoebaDB, une base de données regroupant des génomes et d’autres études basées principalement sur les genres Acanthamoeba et Entamoeba (Aurrecoechea et al. 2011). L’acquisition de ce génome annoté sert de base pour les autres génomes parmi le genre Acanthamoeba et facilite l’accès à des outils de biologie moléculaire, ainsi qu’à des analyses protéomiques et/ou transcriptomiques.

En 2015, quatorze génomes d’Acanthamoeba sp. ont été déposés sur NCBI par une équipe de l’université de Liverpool. Cependant, l’analyse de ces génomes par une équipe américaine, montre que certains ne sont pas bien attribués à l’isolat correspondant (Paul A. Fuerst, site internet : u.osu.edu/Acanthamoeba/). Cette étude se base sur l’analyse de la séquence du gène de l’ARNr 18S. Parmi ces quatorze génomes, six sont correctement attribués à leurs isolats et un possèderait des séquences d’ADN contaminants. Pour les sept autres génomes, une attribution problématique entre les séquences du génome et l’isolat a été identifiée.

En 2016, des chercheurs de l’université de Kingston ont déposé des séquences du projet de séquençage d’A. polyphaga Linc Ap-1. Cependant, cet isolat semble relativement différent des autres isolats identifiés comme A. polyphaga. Cette même

année, le génome d’Acanthamoeba pyriformis (anciennement Protostelium pyriformis) a été séquencé et correspond à un membre atypique parmi le genre Acanthamoeba (Tice et al. 2016). En 2017, deux autres génomes ont été déposés dans la base de données par une équipe de l’institut de technologie autrichienne.

Bien que l’accès à certains génomes soit disponible, leurs utilisations et leurs analyses restent difficiles du fait de l’absence d’annotation, de problèmes d’attribution de nom, de l'origine des isolats qui reste parfois floue, ou encore de problèmes de classification des amibes. En effet, les anciennes attributions d’espèces basées sur les caractères morphologiques et biochimiques, ne concordent pas forcément avec la nouvelle classification basée sur l’analyse du gène de l’ARNr 18S.