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CHAPITRE II : VARIABILITE SAISONNIERE DES

C. Dynamique du carbone dans les sédiments sableux intertidaux

4.2. Les origines du DIC par traçage isotopique

Le δ13C du DIC est un outil permettant de distinguer les différentes sources de DIC, de manière qualitative mais aussi quantitative (Spiker, 1980, Ogrinc et al., 2003 ; Polsenaere and Abril, 2012). Pour les eaux interstitielles d’origine marine, avec une salinité supérieure à 34,5, la relation linéaire existant entre la quantité

d’oxygène consommé et le δ13C du DIC traduit un DIC provenant directement de

la dégradation de la matière organique marine pénétrant dans le sédiment à pleine mer (Fig.27).

Il est toutefois possible d’affiner l’origine de la matière organique respirée dans le sédiment en calculant la signature isotopique du DIC ainsi ajouté, grâce à la relation suivante : δ13 C ajouté =  !"#!" ∗ δ 13 !"# − !"#$% ∗ δ13!"# !"#$% − !"#$%  

où δ13C ajouté représente la signature isotopique du DIC ajouté ; DICpw et

DICsw la concentration en DIC dans les eaux interstitielles (PW) et dans l’eau de

mer de surface (SW) ; δ13Cpw et δ13Csw la composition isotopique des eaux

interstitielles (PW) et de l’eau de mer de surface (SW).

Ce calcul a été réalisé pour toutes les eaux interstitielles caractérisées par un enrichissement en DIC significatif, supérieur à 100 µM, qu’elles soient d’origine marine (salinité supérieure à 34,5) ou issues du mélange avec les eaux douces continentales (salinité inférieure à 34,5).

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Figure 34 : δ13C du DIC ajouté dans les eaux porales, pour un enrichissement en DIC significatif (supérieur à 100 µM).

Les signatures isotopiques des sources du DIC ajouté diffèrent selon la salinité des eaux (Fig.34) : la majorité des eaux porales, qu’elles soient salées ou

saumâtres, indique une source caractérisée par un δ13C compris entre -23 et -12

‰, ce qui correspond à la signature isotopique du plancton marin (Mook, 2000). Une partie des eaux interstitielles montre une signature isotopique du DIC ajouté moins négative, comprise entre -10 et -5‰, ce qui peut caractériser les plantes en C4, notamment les plantes aquatiques mais aussi les plantes de type désertique, comme les plantes colonisant la dune en arrière-plage.

De plus, quelques échantillons légèrement dessalés, avec une salinité comprise entre 30 et 33, sont caractérisés par un ajout de DIC ayant une signature isotopique plus négative, d’environ -25 ou -30 ‰, ce qui correspond aux plantes terrestres en C3 (Mook, 2000), voire entre -40 et -60 ‰. De telles valeurs très négatives sont généralement observées dans des environnements affectés par des processus d’oxydation du méthane, comme par exemple les sols terrestres. Ces signatures isotopiques inférieures à -25 ‰ suggèrent une origine continentale du DIC ajouté dans ces eaux interstitielles légèrement dessalées issues du mélange avec les eaux douces souterraines.

L’ajout de DIC dans les eaux porales de la zone intertidale peut ainsi avoir deux sources principales :

- la production in situ d’un DIC issu de la dégradation d’une matière

organique d’origine marine et phytoplanctonique entrant dans le sédiment avec l’eau de mer à chaque marée

- l’apport latéral d’un DIC issu de la dégradation, en amont de la

plage, d’une matière organique d’origine continentale et transporté par les eaux continentales souterraines se mélangeant in fine aux eaux porales salées.

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Il est possible de calculer la proportion de DIC issu de la respiration d’une source donnée de matière organique à partir de la relation suivante (Bouillon et al., 2003) :

δ13C du DIC = Xatm+carb x δ13Catm+carb + Xrespi x δ13Crespi

où Xatm+carb et δ13Catm+carb sont respectivement la proportion et le rapport isotopique du DIC provenant de l’atmosphère et de la dissolution des carbonates ;

Xrespi et δ13Crespi la proportion et le rapport isotopique du DIC issu de la

respiration.

En considérant que δ13Catm+carb vaut environ 0 ‰, il est possible d’estimer la contribution de la respiration à l’ajout de DIC pour les deux sources principales

de matière organique établies précédemment, soit un δ13Crespi fixé à -18 ‰

(plancton marin) ou à -25 ‰ (plantes terrestres en C3).

Le premier résultat de ce calcul est la confirmation de l’origine du DIC : les processus de respiration de la matière organique expliquent bien une large proportion (40 à 80 % en moyenne) de l’enrichissement en DIC observé dans les eaux porales (Tab.7). De plus, il apparaît que la dégradation d’une matière organique marine est l’hypothèse expliquant le mieux les valeurs de DIC obtenues dans les eaux interstitielles marines, excepté au printemps, où la contribution des deux types de matière organique testés sont similaires. Pour les eaux porales saumâtres, la dégradation d’une matière organique marine explique également mieux les valeurs de DIC observées, même si les valeurs obtenues pour la matière organique terrestre ne sont pas négligeables et peuvent également expliquer la moitié de la hausse du DIC observée (Tab.7).

HIVER PRINTEMPS ETE AUTOMNE

Proportion du DIC ajouté issu de la respiration d’une matière organique à -18 ‰ S > 34,5 79 % 62 % 64 % 63 % S < 34,5 71 % 67 % 43 % 51 %

Proportion du DIC ajouté issu de la respiration d’une matière organique à -25 ‰ S > 34,5 57 % 45 % 46 % 45 % S < 34,5 44 % 60 % 52 % 45 %

Tableau 7 : Proportion du DIC ajouté issu des processus de respiration, pour une matière organique marine et une matière organique continentale, dans les eaux porales marines (S > 34,5) et les eaux porales saumâtres (S < 34,5) de la zone intertidale.

Ces chiffres, s’ils permettent d’estimer la contribution des processus de respiration à l’enrichissement en DIC des eaux porales, ne permettent toutefois pas de mettre en évidence la prédominance d’une source de matière organique pour les eaux saumâtres. Ces dernières sont en effet simultanément affectées par des apports de DIC continental et des processus in situ de respiration de la matière organique marine : leur signature isotopique est donc probablement le résultat d’un mélange entre ces deux influences.

Il est possible de calculer la valeur théorique du δ13C du DIC d’une eau issue du mélange entre l’eau de mer et les eaux douces souterraines grâce à l’équation suivante (Bouillon et al., 2003) :

δ13C théorique= Sal* DICfw

13Cfw‐DICsw13Csw +Salfw*DICsw13Csw‐Salsw*DICfw13Cfw

Sal* DICfw‐DICsw +(Salfw*DICsw‐Salsw*DICfw)

où δ13C représente la signature isotopique du DIC, Sal est la salinité et DIC la concentration en DIC ; ce qui est indexé par « sw » correspond au pôle marin (eau de mer de surface) et par « fw » au pôle eau douce, assimilé aux eaux douces échantillonnées en pied de dune.

Pour la plage du Truc Vert, le pôle « eau de mer » a été défini par la moyenne

annuelle des valeurs de DIC (2,07 mM) et de δ13C (0,38 ‰) et une salinité de 35.

Le pôle « eau douce » a été établi à partir de données obtenues en mars 2013 lors d’une étude sur les flux d’eau douce souterraine en pied de dune (Partie III.C). Ces eaux souterraines sont caractérisées par des valeurs moyennes de 0,6 pour la salinité, 3,3 mM pour les concentrations en DIC et -12 ‰ pour les valeurs du δ13C.

La majorité des valeurs mesurées dans les eaux porales saumâtres de la plage du Truc Vert sont proches de la droite de mélange théorique entre ces deux masses d’eau (Fig.35).

Figure 35 : Droite de mélange théorique entre l’eau de mer et les eaux douces souterraines (ligne noire) et valeurs de δ13C du DIC mesurées dans les eaux porales saumâtres de la plage du Truc Vert (cercles blancs).

De nombreux échantillons montrent toutefois des valeurs du δ13C du DIC plus négatives que celles prédites théoriquement par l’équation de mélange : d’autres processus interviennent donc dans les eaux porales saumâtres, notamment la respiration de la matière organique, qui induit un allègement du rapport isotopique.

Les échantillons ayant une salinité inférieure à 30 montrent en revanche un rapport isotopique mesuré plus élevé que les valeurs théoriques de mélange (Fig.35). Cet écart entre les mesures et les valeurs calculées peut indiquer l’existence d’autres processus que le mélange conservatif et la respiration de la matière organique. Il peut aussi provenir de la non prise en compte de la variabilité temporelle des caractéristiques chimiques des eaux douces souterraines, celles établies dans nos calculs provenant d’une unique mission de terrain réalisée en fin d’hiver. L’étude de la variabilité saisonnière des eaux continentales souterraines, en termes de flux d’eau et de composition chimique, est donc nécessaire pour estimer correctement la contribution de ces eaux sur la dynamique du carbone au niveau des plages sableuses. Ce travail est actuellement en cours sur la plage du Truc Vert et les premières données obtenues sont présentées dans la Partie III.C.

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