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Les mesures de nature à favoriser l’épargne-retraite privée

Dans le document Principaux enjeux des politiques (Page 96-105)

Les salariés qui entrent sur le marché du travail aujourd’hui percevront une retraite publique nettement inférieure à celle de leurs parents et grands-parents. Autrement dit, ils doivent se prémunir en souscrivant à un régime privé facultatif pour conserver leur niveau de vie une fois à la retraite. En effet, un grand nombre des réformes des régimes publics ont été fondées sur l’hypothèse d’une progression de l’épargne-privée facultative. Dans certains

Tableau 4.1. Taux de cotisation total à des régimes de retraite à cotisations définies facultatifs

En pourcentage du salaire

Note : Pour le Royaume-Uni, les données se rapportent à des régimes professionnels à cotisations définies et ne comprennent pas les personnes possédant des plans de retraite individuels. Les chiffres ont été arrondis.

Source :Antolín, P. et E.R. Whitehouse (2009), « Filling the Pension Gap: Coverage and Value of Voluntary Retirement Savings », Documents de travail sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n°69, OCDE.

Taux de cotisation moyen

Allemagne 4.0

Belgique 4.3

États-Unis 9.0

Irlande 10.0

République tchèque 2.5

Royaume-Uni 8.8

pays comme le Canada, les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni, c’est le cas depuis longtemps. C’est toutefois un phénomène nouveau dans d’autres comme l’Allemagne et la France. De plus, la nécessité de constituer une épargne-retraite s’étend désormais à d’autres catégories de la population, comme les personnes à faible revenu qui n’ont guère pour habitude de prendre eux-mêmes des décisions dans ce domaine.

Certaines données laissent à penser que la couverture des régimes d’épargne-retraite est satisfaisante, de même que les cotisations qui y sont versées. D’autres indiquent que des déficits considérables pourraient exister à cet égard. Faute de preuves suffisantes, les responsables publics doivent donc éviter de relâcher leur vigilance. Heureusement, les gouvernements se sont activement employés à élaborer des mesures de nature à favoriser l’épargne-retraite privée.

L’obligation d’affiliation

Rendre obligatoire l’adhésion à un régime privé permet d’obtenir aisément un taux de couverture élevé et une distribution uniforme de la couverture en fonction de l’âge et du salaire. Dans des pays comme l’Australie, l’Islande, la Norvège et la Suisse, les dispositifs de retraite privés facultatifs bénéficient traditionnellement d’une vaste couverture (soit 50 % des salariés au moins). Les gouvernements ont simplement imposé aux employeurs de mettre en place et de cotiser à des régimes privés pour le compte de leurs salariés. De manière générale, les prestations servies par les dispositifs obligatoires étaient toutefois inférieures à celles habituellement assurées par les régimes privés lorsqu’ils étaient encore facultatifs. Une deuxième mesure a consisté à rendre les cotisations privées obligatoires en remplacement de la retraite publique. La Hongrie, le Mexique, le Pologne, la République slovaque et la Suède ont tous emprunté cette voie.

D’autres pays tels le Danemark, la Suède et les Pays-Bas n’ont pas imposé directement l’affiliation à un régime privé, mais en vertu des contrats de travail, cette adhésion est de fait obligatoire (« quasi obligatoire ») et la couverture excède 85 % des salariés. En Allemagne et en Belgique, la couverture des dispositifs facultatifs a également augmenté ces dernières années du fait de l’établissement de régimes de retraite sectoriels. Ce modèle est néanmoins difficilement exportable vers d’autres pays de l’OCDE, où la structure du marché du travail et les relations professionnelles se prêtent moins à une couverture quasi universelle des dispositifs de retraite privés.

Le principal argument en faveur du caractère obligatoire de ces régimes est qu’il empêche les intéressés de regretter de ne pas avoir suffisamment épargné pour leur retraite lorsqu’ils étaient plus jeunes. Il protège également la société en la préservant de devoir financer des prestations sociales au profit de ceux qui ont négligé de se prémunir.

Mettre en œuvre cette approche paternaliste est simple : il suffit de choisir un objectif de taux de remplacement (variant ou non en fonction du salaire) puis de veiller à ce que les retraités atteignent cet objectif grâce aux prestations servies par le régime public ou à leur dispositif de retraite privé obligatoire.

La nécessité d’imposer ou non l’affiliation à un régime est une question importante, malheureusement non résolue. Les salariés font-ils preuve d’un manque de prévoyance ? Laissés à eux-mêmes, manqueront-ils d’épargner suffisamment pour leur retraite ? L’analyse des revenus des retraités présentée dans le précédent chapitre spécial sur « Les revenus et la pauvreté des personnes âgées » donne à penser qu’en tenant compte de la taille des ménages, ils représentent en règle générale de 75 % à 85 % du revenu moyen de

la population dans son ensemble. Il n’existe cependant aucun lien entre les revenus relatifs et le type de système de retraite. Les régimes privés facultatifs jouent un rôle important au Canada et aux États-Unis, où le revenu des personnes âgées, en termes relatifs, est supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. C’est également le cas en Irlande, où le revenu est le plus bas, et au Royaume-Uni. L’OCDE (2001) a qualifié ce phénomène de

« convergence de résultats, diversité des moyens ». Ces données infirment pour une part l’hypothèse d’un manque de prévoyance.

Plusieurs arguments plaident en défaveur de l’obligation d’affiliation à un régime privé.

Premièrement, même si les individus ne sont pas suffisamment prévoyants, accentuer le caractère obligatoire des pensions n’est pas toujours indiqué. Si l’on rend l’épargne-retraite obligatoire, il convient de fixer un objectif de taux de remplacement, exercice difficile qui ne donne pas droit à l’erreur. La perte de bien-être individuel enregistrée lorsqu’on contraint les salariés à épargner de façon excessive peut être équivalente à celle qui découle d’un manque de prévoyance ou d’une épargne insuffisante. Ainsi, compte tenu des ressources mobilisées par l’épargne-retraite, les sommes consacrées à l’éducation des enfants pourraient s’avérer trop maigres.

Deuxièmement, les plans de retraite formels ne sont pas les seuls instruments dont les salariés disposent et se servent pour épargner en vue de leur retraite. Certains peuvent souhaiter investir dans la pierre ou dans leur propre entreprise. Or, ces comportements tout à fait rationnels peuvent être prohibés par l’obligation de constituer une épargne-retraite conséquente dans le cadre de régimes de épargne-retraite formels.

Troisièmement, les cotisations retraite à caractère obligatoire sont souvent perçues comme un impôt, ce qui risque de dissuader les actifs de travailler.

Enfin, les prestataires de dispositifs de retraite facultatifs – en particulier les régimes professionnels – se sont souvent élevés contre cette obligation d’affiliation par crainte qu’elle ne vide de leurs adhérents les plans existants. Il y a également un risque que les prestations servies diminuent si l’objectif fixé par le gouvernement est inférieur aux normes en vigueur.

L’obligation partielle d’affiliation

L’obligation présente des inconvénients tandis que les systèmes purement facultatifs sont assortis d’un risque d’épargne insuffisante. En cas d’affiliation automatique à un dispositif privé, les personnes concernées doivent choisir de sortir du régime plutôt que d’y adhérer. L’objectif est d’accroître la participation tout en préservant le libre arbitre. De nombreuses personnes indiquent dans des enquêtes qu’il est important d’épargner en vue de leur retraite et avoir le sentiment qu’elles devraient la préparer (OCDE, 2005).

Malheureusement, il est rare qu’elles passent des paroles aux actes en raison, naturellement, de la longueur et de la complexité manifestes du processus de souscription à un dispositif de retraite, et faute d’informations et de connaissances sur les différentes formules d’épargne-retraite. L’affiliation automatique sert à amener les temporisateurs à épargner pour leurs vieux jours.

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, plusieurs employeurs proposant des régimes de retraite recourent de longue date à l’affiliation automatique pour accroître le nombre de salariés couverts. Aux États-Unis, on a observé récemment une progression rapide de l’affiliation automatique aux régimes professionnels à cotisations définies (connus sous le

nom de plans 401(k) d’après la clause du Code fiscal s’y rapportant), qui a atteint 16.9 % en 2005 contre 8.4 % en 2003. Les dispositifs les plus étendus ont tout particulièrement contribué à ce phénomène. En 2002, ils étaient près de 17 % à pratiquer l’affiliation automatique et pas moins de 41.3 % en 2006. Cette progression devrait se poursuivre eu égard aux modifications législatives qui ont supprimé les obstacles à l’affiliation automatique.

Une analyse de la situation au Royaume-Uni fait apparaître quatre procédures d’affiliation. Quelque 44 % des employeurs utilisent une procédure d’« adhésion simplifiée », consistant tout simplement à signer un formulaire prérempli (McKay, 2006). Seuls 19 % des salariés étaient couverts par un régime à affiliation intégralement automatique, c’est-à-dire nécessitant de choisir expressément de ne pas être affilié. Ainsi qu’aux États-Unis, ces deux procédures étaient plus répandues parmi les gros employeurs. L’adhésion traditionnelle concernait 19 % des dispositifs, pondérés par le nombre d’adhérents.

L’affiliation automatique est aujourd’hui mise en place à l’échelle nationale. La Nouvelle-Zélande l’a déjà adoptée et le Royaume-Uni s’apprête le faire. L’introduction de tels programmes a déjà fait l’objet d’un débat animé en Allemagne, aux États-Unis et en Irlande.

En ce qui concerne l’affiliation automatique, la question cruciale est savoir si elle est efficace. En dépit d’un enthousiasme croissant, on ne dispose guère de données sur ses effets. L’un des ouvrages les plus largement cités – Madrian et Shea (2001) – analyse l’expérience d’un employeur américain. Avant l’affiliation automatique, seuls 57 % des personnes travaillant dans cette entreprise depuis moins de trois ans avaient adhéré au régime professionnel, contre 80 % au moins pour les salariés ayant au moins 10 ans d’ancienneté. Durant les 18 mois suivant l’introduction de l’affiliation automatique, le taux de couverture est grimpé à 86 %. De même, Beshears et al. (2006) mettent en évidence une hausse de 35 points de la couverture des personnes employées depuis trois mois dans une autre entreprise, contre 25 points seulement pour celles qui ont deux années d’ancienneté.

Ces résultats donnent à penser que l’affiliation automatique hâte la décision des intéressés d’adhérer à un régime de retraite d’entreprise, mais que la couverture des salariés de longue date ne s’accroît guère.

Horack et Wood (2005) ont étudié, au Royaume-Uni, 11 régimes de retraite d’entreprise ayant modifié leurs modalités d’adhésion. Deux sociétés ayant introduit l’affiliation automatique ont élargi leur couverture, la portant de 25 % à 58 % et de 45 % à 62 % respectivement. Les deux autres entreprises affichaient déjà des taux de couverture extrêmement élevés, soit 86 % et 88 %, très probablement parce que les salariés n’étaient pas tenus de cotiser. L’affiliation automatique a permis de porter la couverture à 92 % et 100 % respectivement. Une autre enquête, réalisée pour le Department of Work and Pensions [ministère du Travail et des Retraites], fait état d’une couverture de 41 % pour l’adhésion traditionnelle et de 60 % pour l’affiliation automatique (McKay, 2006). Ces chiffres concernent des employeurs plus importants (plus de 20 salariés). Parmi les plus petites entreprises, la couverture était pratiquement la même dans les deux cas (67 %).

En Nouvelle-Zélande, le plan KiwiSaver, introduit en juillet 2007, marque la première mise en place de l’affiliation automatique à l’échelle nationale (voir Rashbrooke, 2009). Les employeurs doivent y affilier les nouveaux salariés et les particuliers ont deux mois pour en sortir. À ce jour, la proportion des salariés ayant choisi de ne pas y adhérer s’établissait

en moyenne à un tiers. Il n’est pas surprenant de constater que les personnes optant pour la sortie du régime sont davantage les jeunes (37 % des 25-34 ans, par exemple) que les plus âgés (25 % des 55 ans et plus). Cela étant, l’analyse de la mesure prise par la Nouvelle-Zélande est rendue complexe par les incitations généreuses à adhérer au plan KiwiSaver.

Ainsi, 47 % des adhérents sont passés par un prestataire de services financiers et 17 % par leur employeur. On peut donc affirmer avec certitude que 36 % seulement des détenteurs de plans KiwiSaver y ont adhéré du fait de l’affiliation automatique.

Ces études laissent à penser, dans l’ensemble, que l’affiliation automatique aurait un impact non négligeable sur la couverture des dispositifs de retraite privés. Néanmoins, il est toujours préférable de ne pas généraliser à partir d’un nombre restreint d’études de cas.

Qui plus est, de nombreux éléments portent à croire que les expériences acquises en la matière par les régimes nationaux seront différentes de celles des dispositifs proposés par les employeurs. Il convient à l’évidence de réunir de nouvelles données avant de pouvoir affirmer que l’obligation partielle permet d’étendre ou non la couverture des régimes de retraite privés.

Premièrement, si l’affiliation automatique ne fait qu’atténuer la procrastination, en précipitant la constitution d’une épargne-retraite, les répercussions sur les retraites futures seront limitées.

Deuxièmement, l’évaluation de la pérennité de la couverture des retraites doit se fonder sur des données à plus long terme. Ainsi, les salariés peuvent, au fil du temps, vaincre leur inertie et faire le choix inverse en se rendant compte qu’en sortant du régime, ils peuvent accroître rapidement leur revenu.

Troisièmement, il faut s’intéresser à la façon dont les individus financent les cotisations aux régimes d’épargne-retraite à affiliation automatique (voir l’analyse des incitations fiscales ci-dessous).

Quatrièmement, enfin, les dispositifs à affiliation automatique étaient également assortis d’aides substantielles à l’épargne individuelle. L’abondement de l’État néo-zélandais aux comptes KiwiSaver en est le plus bel exemple. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, toutefois, le montant des cotisations patronales aux régimes professionnels était extrêmement divers. Il faut donc isoler avec soin une retombée

« parfaite » de l’affiliation automatique sur la couverture, indépendamment de l’influence des allégements fiscaux, des cotisations patronales et autres aides.

Les arguments jouant en défaveur de l’obligation partielle sont de deux ordres : ceux qui vont dans le sens d’une obligation « rigoureuse » et ceux qui sont à l’appui d’une approche purement facultative. La validité du premier type d’arguments repose sur l’incapacité de l’affiliation automatique d’étendre sensiblement la couverture. Les arguments en faveur d’une approche purement facultative rappellent ceux qui militent à l’encontre de l’obligation d’affiliation, à savoir que les régimes à affiliation automatique vont faire disparaître les dispositifs existants et entraîner un nivellement par le bas des revenus des retraités. Par exemple, les études de cas menées sur l’affiliation automatique aux États-Unis ont montré que le taux de cotisation par défaut constitue un bon indicateur des adhérents et que l’affiliation automatique fait baisser le taux de cotisation moyen (voir, par exemple, Beshears et al., 2006 ; et Madrian et Shea ; 2001). Les employeurs sont en effet nombreux à fixer délibérément les taux de cotisation par défaut à un faible niveau pour minimiser les risques de sortie.

Quoi qu’il est soit, il est probable que l’on recourra davantage à l’affiliation automatique afin d’élargir la couverture des régimes de retraite privés. Les enquêtes menées laissent à penser qu’au Royaume-Uni, l’affiliation automatique recueille auprès des particuliers une adhésion plus large que l’obligation d’affiliation (Bunt et al., 2006 ; Hall et al., 2006). Et le point de vue des électeurs est partagé par de nombreux hommes politiques, qui craignent que les salariés ne considèrent les cotisations obligatoires aux régimes privés comme une ponction intempestive sur leur revenu.

L’éducation financière

L’éducation financière peut également permettre de sensibiliser les salariés à la nécessité de l’épargne-retraite et, il faut l’espérer, d’accroître la couverture des régimes par capitalisation facultatifs. Il est établi, par exemple, que les campagnes d’information menées par les employeurs ont entraîné une augmentation de la participation et des cotisations aux régimes de retraite privés (OCDE, 2005). Des études menées aux États-Unis ont ainsi montré que les salariés dotés d’une meilleure éducation financière sur les plans 401(k) semblent davantage devoir adhérer à ce plan (ou risquent moins de sortir d’un régime à affiliation automatique). Les relevés des droits à retraite individuels – qui viennent d’être introduits ou améliorés en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Suède, notamment – peuvent aider les salariés à mieux planifier leur retraite et à faire des choix éclairés en matière d’épargne-retraite privée facultative.

Un accès simplifié aux régimes de retraite privés

Il est possible d’accroître la participation aux dispositifs de retraite privés en en facilitant l’accès. Les régimes de retraite professionnels sont essentiellement représentés parmi les salariés des grands groupes. Pratiquement 50 % des employés d’entreprises de moins de 25 personnes ont accès à un régime de retraite professionnelle au Royaume-Uni, contre plus de 95 % dans les sociétés de plus de 1 000 salariés (Office of National Statistics [Office national de statistique], 2009, tableau 6.10). Aux États-Unis, deux tiers environ des entreprises de plus de 500 personnes proposent un régime de retraite, contre 28 % dans les structures moins importantes comptant moins de 25 salariés. La situation est équivalente dans d’autres pays. Les personnes qui travaillent dans des sociétés de petite taille perçoivent un salaire relativement bas, de sorte que les personnes à faible revenu ont moins de chances de bénéficier d’un régime de retraite professionnel. Aux États-Unis, par exemple, 30 % environ des salariés touchant moins de 20 000 USD sont employés par une entreprise dotée d’un régime de retraite, contre près de 70 % pour ceux dont le salaire dépasse 50 000 USD (Copeland, 2007).

On évoque souvent, afin d’expliquer pourquoi les petites entreprises ont moins tendance à mettre en place des dispositifs de retraite professionnels, les coûts fixes de gestion d’un tel régime, attribuables en partie aux difficultés de se conformer à la réglementation. Les États-Unis ont fait face à ce problème en autorisant les petits employeurs à établir des plans de retraite soumis à des contraintes administratives moins strictes que ceux des grandes entreprises. Aux États-Unis, par exemple, les employeurs peuvent créer un régime simplifié d’épargne-retraite (Simplified Employee Pensionou SEP), qui regroupe de fait un ensemble de comptes de retraite individuels gérés par une institution financière agissant en qualité d’administrateur fiduciaire.

Les incitations fiscales

Pour promouvoir l’épargne-retraite facultative privée, il est fréquent de voir les pouvoirs publics soumettre à un régime fiscal préférentiel les cotisations aux dispositifs de retraite et les rendements des investissements réalisés dans ce cadre. Ils estiment en effet qu’un taux de rendement net plus élevé encouragera les salariés à épargner davantage. En règle générale, ces incitations fiscales sont assorties de conditions, habituellement applicables pendant la durée de l’épargne, et de restrictions quant aux modalités de versement des prestations. Ce sont ces conditions qui permettent de parler d’« épargne-retraite » (voir Engen et al., 1994 et 1996, par exemple).

La principale question qui se pose aux responsables est de savoir si ces incitations fiscales permettent d’accroître le volume de l’épargne spécifiquement constituée en vue de la retraite. L’OCDE a évalué les incitations à constituer une épargne dans le cadre d’un régime de retraite en comparant le taux effectif d’imposition sur les pensions à celui qui s’applique à l’« épargne de référence » ; il s’agit le plus souvent d’un dépôt en banque (voir Yoo et de Serres, 2004). L’ampleur des incitations fiscales est calculée en pourcentage des cotisations, mais en tenant compte du manque à gagner fiscal dû aux cotisations déductibles et aux rendements d’investissement exonérés d’impôt, ainsi que des recettes collectées lors du versement des prestations. Il convient de noter que l’étude est fondée sur les règles et paramètres fiscaux de 2003 : dans bien des pays, le régime fiscal des retraites a sensiblement évolué depuis.

Les résultats donnent à penser qu’il existe de fait une incitation à épargner dans le cadre d’un dispositif de retraite (graphique 4.7). Cette incitation varie considérablement, allant de près de zéro au Mexique et en Nouvelle-Zélande à plus de 40 % des cotisations en République tchèque. Hormis ces deux pays, les incitations représentent 10 % au moins des cotisations dans la majorité des économies et la moyenne des pays de l’OCDE est supérieure à 20 %.

Selon certaines enquêtes, l’incitation fiscale à souscrire à un régime de retraite privé accroît le montant de l’épargne-retraite constituée (voir Engen et al., 1994 et 1996, par

Graphique 4.7. Incitation fiscale en faveur des régimes de retraite privés, par rapport à l’épargne-retraite de référence

Paramètres et règles de 2003

Source : Yoo, K.Y. et A. de Serres (2004), « Le régime fiscal de l’épargne-retraite privée dans les pays de l’OCDE », Revues économiques de l’OCDE, vol. 39, n°2, pp. 81-120.

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40 35 30 25 20 15 10 5 0

Incitation fiscale, en % des cotisations

OCDE

exemple). Cette progression pourrait néanmoins être le fait de personnes qui, en réalité, épargnent davantage de façon globale (épargne nouvelle), ou qui transfèrent l’épargne accumulée sur d’autres supports (réallocation) sans variation de leur épargne totale.

Malheureusement, les données empiriques recueillies pour tenter de savoir si l’épargne constituée dans le cadre de régimes de retraite présentant des avantages fiscaux est nouvelle ou issue d’une réallocation ne sont pas concluantes et reposent en grande partie sur le cas des États-Unis.

Si l’épargne nouvellement constituée prédomine, l’épargne nationale (tenant compte de la réduction de l’épargne publique due à l’incitation fiscale) a de fortes chances d’augmenter. En revanche, si la réallocation est plus importante, l’épargne nationale devrait s’inscrire en repli. Cette substitution de l’épargne privée à l’épargne publique n’a guère de répercussions sur le plan macroéconomique. Elle peut néanmoins servir l’action publique en bloquant l’épargne individuelle dans des dispositifs à long terme exclusivement destinés à financer les retraites.

La conception des incitations fiscales a aussi son importance. En permettant simplement aux particuliers de déduire leurs cotisations aux régimes de retraite privés des sommes dues au titre de l’impôt sur le revenu, les autorités avantagent tout particulièrement les hauts revenus, qui sont soumis à des taux marginaux plus élevés. À l’inverse, les bas salaires, qui n’acquittent pas d’impôt sur le revenu ou sont soumis à un taux d’imposition minime, bénéficient d’une moindre incitation fiscale à épargner en vue de la retraite. De plus, leurs droits à retraite étant relativement faibles, leurs prestations de retraite peuvent être soumises à conditions de ressources. Cela représente de fait une

« ponction » supplémentaire sur l’épargne-retraite, comme on l’a vu précédemment.

Néanmoins, il est possible de concevoir des incitations fiscales bénéficiant également aux faibles revenus ou axées sur les bas salaires. Ainsi, les allégements fiscaux sur les cotisations pourraient se limiter au taux standard ou réduit de l’impôt sur le revenu. L’État peut aussi verser un abondement ou propo ser un crédit d’impôt aux personnes qui ne sont pas assujetties à l’impôt sur le revenu.

Notes

1. Voir OCDE (2007, section II.1), Martin et Whitehouse (2008), ainsi que le chapitre spécial sur « Les réformes récentes des retraites » de la présente publication.

2. Ce chapitre spécial est inspiré de l’analyse plus approfondie exposée dans Antolín et Whitehouse (2009). Comme dans le reste de la publication, les calculs figurant dans la section 1 du présent chapitre sont une mise à jour des modélisations des paramètres et des règles des systèmes de retraite de 2004 à 2006. Queisser et al. (2008) analysent également le rééquilibrage des retraites publiques et privées.

3. Une analyse des calculs détaillée, étape par étape, figure dans OCDE (2007), pp. 88-90.

4. La couverture d’ensemble des régimes de retraite privés est présentée dans la partie II de cette publication, qui est consacrée aux indicateurs.

Références

Antolin, P. et E.R. Whitehouse (2009), « Filling the Pension Gap: Coverage and Value of Voluntary Retirement Savings », Documents de travail sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n°69, Éditions de l’OCDE, Paris.

Dans le document Principaux enjeux des politiques (Page 96-105)