V- Rechercher les bases génétiques de la résistance au Bti
V.3- Les marqueurs moléculaires pour les scans génomiques
Introduction
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outliers. L’analyse des marqueurs outliers est basée sur l’hypothèse que la dérive génétique et
la migration sont des forces évolutives qui agissent de la même manière sur tous les locus,
alors que la sélection ne concerne que certains gènes impliqués dans l’adaptation. Ainsi, les
allèles procurant un avantage sélectif dans un environnement donné seront statistiquement
plus fréquents que dans les autres environnements où ils ne seront pas avantagés. A l’inverse,
les allèles neutres non soumis à la sélection ne seront pas différenciés entre les
environnements. Plusieurs méthodes permettent l’analyse statistique de la distribution de la
différenciation génétique (F
ST) pour plusieurs centaines de loci et la mise en évidence de loci
outliers ayant un F
STparticulièrement élevé entre populations soumises à sélection divergente
(Beaumont & Nichols 1996, Beaumont & Balding 2004, Vitalis 2003, Foll & Gaggiotti
2008). Les marqueurs outliers ainsi détectés ne sont pas nécessairement directement
impliqués dans l’adaptation, et sont plus probablement liés aux régions chromosomiques sous
sélection.
L’évolution très rapide des allèles de résistance après leur apparition dans les
populations est une des particularités de la résistance aux pesticides par rapport à de
nombreux autres types d’adaptations. Cette évolution particulièrement rapide ne laisse que
peu de temps à la recombinaison pour séparer les gènes directement sous sélection des gènes
qui leur sont liés (Oakeshott 2003). Pouvoir détecter des traces de sélection sur de grandes
régions chromosomiques autours des gènes de résistance est un avantage considérable pour
les études criblant aléatoirement le génome. En effet, pour un nombre de marqueurs
moléculaires donné, il sera statistiquement plus probable de génotyper par hasard ces régions
sous sélection. L’inconvénient cependant, est qu’il est plus difficile de déterminer « le » gène
sous sélection lorsque les régions montrant une signature de sélection contiennent plusieurs
centaines de milliers de paire de bases et plusieurs dizaines de gènes. Les méthodes de QTL
ou de scan génomique nécessitent une bonne couverture du génome et utilisent généralement
des centaines de marqueurs moléculaires répartis sur tous le génome et génotypés pour
plusieurs centaines d’individus.
V.3- Les marqueurs moléculaires pour les scans génomiques
L’identification de gènes (ou de régions du génome) sélectionnés par une approche
génomique des populations nécessite l’utilisation d’un grand nombre de marqueurs
moléculaires répartis le plus uniformément possible sur tout le génome. Il s’agit d’avoir une
Introduction
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vision globale de la variabilité du génome. Plusieurs types de marqueurs ont récemment été
utilisés pour identifier des allèles sous sélection (Luikart et al. 2003, Nosil et al. 2009), dont
notamment les microsatellites, AFLP (Amplified Fragment Length Polymorphism) et SNP
(Single Nucleotide Polymorphism).
L’utilisation de marqueurs microsatellites présente de nombreux avantages pour les
études de génétique des populations car ils sont multialléliques et codominants, ce qui facilite
l’utilisation des tests de détection d’outliers. Cependant, ils ont l’inconvénient d’être
monolocus. Cela veut dire qu’un screening de l’ensemble du génome ne pourra se faire
qu’après avoir défini au préalable de nombreux locus microsatellites. Le génotypage doit se
faire ensuite locus par locus ou alors par lots de petits nombres de locus (le multiplexage lors
de l’amplification n’est réalisable qu’à petite échelle, Armstrong et al. 2000). De plus, le
nombre de marqueurs microsatellites dont on dispose ne permet généralement pas de couvrir
l’ensemble du génome, notamment chez les espèces non-modèles. Il est à noter que le génome
d’Aedesaegypti est particulièrement pauvre en microsatellites (Severson et al. 2004).
Les SNP correspondent à des mutations ponctuelles sur le génome. Ce sont des
marqueurs intéressants bien qu’ils soient mono-locus, car le développement de nouvelles
technologies de génotypage permet l’analyse simultanée de plusieurs centaines voir de
plusieurs milliers de ces marqueurs (Matsuzaki et al. 2004). Si l’on dispose de plusieurs
centaines de SNP, le « screening » du génome est donc possible. Néanmoins, cette approche
nécessite une connaissance préalable du génome (séquençage partiel ou complet), avant de
pouvoir rechercher des SNP à grande échelle. Cette technique a donc été utilisée chez des
organismes modèles et notamment chez l’homme pour la détection de gènes liés à
l’expression de maladies génétiques (Teshima et al. 2006, Hampe et al. 2007).
Bien que l’on dispose de la séquence du génome d’Aedes aegypti, l’utilisation de
marqueurs SNP n’a pas été envisagée pour cette étude. En effet, disposer de la séquence d’une
espèce ne permet pas d’obtenir le polymorphisme, et l’identification de nombreux SNPs
demande un séquençage massif de nombreuses portions réparties sur l’ensemble du génome et
sur plusieurs dizaines d’individus. Ceci ne peut se faire que sur des espèces sur lesquelles
l’effort de séquençage est très important. Les avancées récentes de génotypage haut débit vont
permettre d’obtenir à moindre coût des milliers de SNP, cependant ces méthodes étaient
encore en cours de développement lors de ma thèse.
Introduction
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Chez les espèces non-modèles, on peut révéler le polymorphisme génétique par
d’autres méthodes ne nécessitant pas de connaissance préalable du génome. C’est le cas de
marqueurs multilocus comme les AFLP (Vos et al. 1995). Cette méthode permet de détecter
des mutations ponctuelles situées au niveau de sites de coupure d’enzymes de restriction. Bien
que les marqueurs AFLP soient bialléliques et dominants (présence/absence d’un fragment de
restriction), des méthodes d’analyse pour la détection d’outliers prenant en compte ces
contraintes sont maintenant disponibles (Beaumont & Nichols 1996, Vitalis 2003, Foll &
Gaggiotti 2008). Les AFLP offrent surtout le grand avantage de générer rapidement et à
moindre coût un très grand nombre de marqueurs (plusieurs centaines) couvrant l’ensemble
du génome. Cela rend ces marqueurs de plus en plus utilisés pour la recherche de gènes
sélectionnés chez les espèces non-modèles (Wilding et al. 2001, Campbell & Bernatchez
2004, Bonin et al. 2004, Nosil et al. 2008, Egan et al. 2008, Meyer et al. 2009). Dans notre
cas, cette méthode nous a semblée bien adaptée à la recherche des bases génétiques de la
résistance au Bti chez les moustiques.
Enfin, la technique DArT (Diversity Array Technology, Jaccoud et al. 2001) basée
sur la technique des AFLP est également prometteuse. Cette technique a été développée pour
l’analyse moléculaire de plantes cultivées comme le blé ou l’orge (Jaccoud et al. 2001, Wenzl
et al. 2004, Akbari et al. 2006) et peut être appliquée aux espèces animales. Le principe de la
méthode DArT est de révéler le polymorphisme de présence/absence de séquences par
hybridation du génome d’un individu contre des séquences de référence grâce à des puces à
ADN (figure 13). La technique DArT offre de nombreux avantages :
• elle peut permettre de produire des marqueurs liés à des éléments précis dans
les génomes, comme les éléments transposables par exemple.
• le nombre de fragments polymorphes étudiés simultanément en routine est
beaucoup plus important que pour les AFLP (plusieurs milliers) ce qui offre
une meilleure couverture du génome.
• le protocole contient une étape de clonage des fragments. Un séquençage
éventuel des fragments polymorphes est donc très facilement réalisable, et
moins sensible aux problèmes d’homoplasie de taille que l’on peut rencontrer
avec les AFLP.
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centaines de
marqueurs DArT
polymorphes
pool des
génomes
digestion enzymatique
+ PCR ancrée sur un
élément transposable
milliers de
séquences
clonage
spotting
hybridation
référence individu X= référence
détection du
polymorphisme
élément transposable site de restriction souche A souche B
Figure 13 : Obtention de marqueurs DArT liés à un élément transposable.
Dans le document
Evolution de la résistance au bactério-insecticide Bti chez les moustiques
(Page 43-46)