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PARTIE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

1.1 Les monocytes/macrophages

1.1.3 Polarisation des monocytes/macrophages

1.1.3.3 Les macrophages M2

Les différents types d’activation des macrophages M2 initialement décrits comme « extincteurs » de l’activation M1 sont actuellement reconnus en tant que polarisations distinctes.

Alberto Mantovani propose en 2004 une nomenclature permettant de nuancer et de préciser les différents profils d’activation des macrophages M2 en fonction des signaux inducteurs [32]. En parallèle, David M. Mosser [3] propose de classifier les macrophages selon les fonctions développées par les macrophages afin de favoriser le retour à l’homéostasie. Ces deux approches sont complémentaires et ne sont pas contradictoires et permettent de mettre en valeur les fonctions immunitaires et homéostatiques des macrophages. La classification des macrophages M2 en fonction des signaux inducteurs conduit à distinguer les macrophages M2a, M2b et M2c. Ainsi l'exposition à l'IL-4 ou l’IL-13 induit une polarisation dite M2a ou activation alternative, les complexes immuns associés aux ligands des TLR ou du IL-1R aboutissent à une polarisation M2b et enfin l’IL-10 polarise le macrophage en une forme M2c correspondant davantage à la dénomination M2 initiale, à savoir un macrophage anti-inflammatoire, de réparation (Figure 7).

INFLAMMATION RESOLUTION PERSISTANCE M2 REGULATEUR ACTIVATION ALTERNATIVE M2a MR, Dectine-1 IL-12bas IL-10bas TNFbas IL-12bas IL-10haut TGFβ IL-12bas IL-10haut TNFhaut REPARATION IL-4 IL-13 IL-10 Complexes immuns + ligands des TLRs ou du IL-1R M2c M2b

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Le panel de récepteurs de surface exprimés diffère entre les macrophages M2 mais l’expression du récepteur Mannose est une caractéristique commune aux macrophages M2a et M2c. L’ensemble de ces macrophages M2 partagent également une faible capacité de production d’IL-12 [4,32].

Enfin, un critère déterminant est la production d’IL-10. Comme dit précédemment, l’IL-10 est un facteur majeur d’inhibition de la production et de l’activité des cytokines pro-inflammatoires. De plus l’IL-10 induit la répression de l’expression du CMH II des macrophages et réprime la production de NO. De ce point de vue il est possible des distinguer deux ensemble de macrophages M2. Les macrophages M2b et M2c peuvent être regroupés sous le terme de macrophages « producteurs d’IL- 10 ». L’IL-4 et l’IL-13 définissent alors l’activation alternative des macrophages [3,4,32].

1.1.3.3.1 Les macrophages M2 « producteurs d’IL-10 »

Les macrophages M2b sont induits par les complexes immuns associés aux ligands des TLRs. Plus largement, ces macrophages semblent induits par deux signaux. Le premier signal est variable et semble caractéristique du microenvironnement, du stade de la réponse inflammatoire en cours. Ainsi ce premier signal peut être la fixation de complexes immuns, de corps apoptotiques ou de prostaglandines. Le second signal, comme pour l’activation classique, semble dépendre de la reconnaissance de ligands des TLRs. Ces deux signaux déclenchent alors la production d’IL-10.

Ces macrophages, producteurs d’IL-10, produisent peu d’IL-12. Ils conservent alors leurs propriétés anti-inflammatoires malgré leur capacité à produire des cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL-1 et IL- 6) [32] et sont responsables de la protection contre la toxicité aux LPS [79,87]. Ces macrophages sont impliqués dans l’activation des lymphocytes Th2 mais aussi dans les mécanismes d’immunorégulation [32].

Parallèlement des macrophages régulateurs peuvent être producteurs essentiellement d’IL-10 et de TGFβ correspondant à un phénotype de désactivation ou M2c. Ces macrophages produisent également des PGE2 [4], ce qui correspond au phénotype retrouvé dans la phase de résolution de l’inflammation. L’induction de ces macrophages peut-être associée à un environnement riche en cellules apoptotiques et semble dépendre du panel de récepteurs exprimés permettant une meilleure interaction avec les fibroblastes et la matrice extracellulaire. Les glucocorticoïdes favorisent également le phénotype régulateur des macrophages et semblent favoriser la phagocytose des cellules apoptotiques [3].

Le panel de chemokines diffère entre ces deux extrêmes de macrophages producteurs d’IL-10. Les macrophages M2b produisent essentiellement CCL1 afin de mettre en place une réponse immunorégulatrice avec le recrutement de LT régulateurs. Enfin, les macrophages induits par l’IL-10

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favorisent le recrutement d’éosinophiles et de LT naïfs par la production de CCL16 et CCL18 [32] (Figure 5).

1.1.3.3.2 L’activation alternative des macrophages par l’IL-4 et l’IL-13

L’activation alternative des macrophages fut initialement définie par l’induction par l’IL-4 des molécules de CMH de casse II et du récepteur mannose (RM, CD206) à la surface des macrophages [4,88,89].

Actuellement l’activation alternative est définie comme l’activation des macrophages en réponse aux interleukines IL-4 et IL-13.

Ces cytokines peuvent être produites par les cellules de l’immunité innée (éosinophiles, basophiles, mastocytes, cellules NK) et les cellules de l’immunité adaptative (lymphocytes Th2 et T CD8+). Ainsi l’activation alternative des macrophages nécessite deux grands signaux, la reconnaissance de PAMPs par les PRR et une stimulation par l'IL-4, dans un cycle qui détermine le développement de la réponse immunitaire. Dans un premier temps la stimulation de PRR tels que Dectine-1 ou le RM par des motifs conservés (PAMPs) entrainent la production de chemokines (CCL2…) pour le recrutement de cellules de l’immunité innée telles que les éosinophiles et les basophiles productrices d'IL-4 et d’IL- 13. L’IL-4 et l’IL-13 produites par les cellules immunitaires innées induisent alors une première vague d’activation alternative des macrophages. Ce signal permet le développement d’une différenciation Th2 qui va, comme pour l’activation classique, permettre la mise en place d’une activation alternative des macrophages plus intense. De plus, les cytokines IL-4/13 et les PAMPs peuvent agir en synergie pour stimuler la sécrétion d'IL-10 de macrophages, qui constitue un signal pour la répression de la réponse Th1.

L’arginase 1 est un marqueur important de l’activation alternative des macrophages chez la souris. Le métabolisme de la L-arginine est en balance entre la production de NO par la NOS inductible durant l’activation classique des macrophages nécessaire au contrôle de l’infection [90] et la production de L-ornithine contrôlée par l’arginase 1 dont l’expression est induite par l’IL-4/13 et dont les métabolites (proline et polyamines) favorisent la prolifération et la réparation tissulaire. Ainsi Rutschman et al. montrent en 2001 que l’IL-4 et l’IL-13 régulent la production de NO par la modulation de l’arginase 1 sans affecter l’activité ou l’expression de la NOS inductible [91]. Les cytokines Th2 entrainent donc une déplétion du milieu en arginine. De ce fait, les macrophages induits par l’IL-4 et l’IL-13 sont donc des macrophages « réparateurs », nécessaires au retour de l’homéostasie tissulaire [3]. Bien qu’il existe des homologues de l’arginase 1 et de la NOS inductible chez l’homme, ces deux marqueurs restent confinés à la souris [92]. D’autres marqueurs sont

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strictement murins, YM1, YM2, appartenant à la famille des chitinases [92] ou encore FIZZ1 [93]. Les macrophages humains présentent également des marqueurs propres d’activation alternative regroupés dans les récepteurs nucléotidiques couplés aux protéines G (RCPGs) [94].

Parallèlement, un postulat du concept d’activation alternative des macrophages est l’acquisition d’un répertoire spécifique de récepteurs impliqués dans la reconnaissance et la phagocytose des pathogènes. L’activation alternative favorise l’expression de récepteurs PRR reconnaissant directement les PAMPs, des motifs moléculaires conservés à la surface des pathogènes dont font partis les résidus glucidiques de la paroi des levures ou encore les lipopolysaccharides bactériens.

Cette reconnaissance directe est notamment liée à l’expression des récepteurs lectine de type-C (RLC). Les RLC sont définis par leurs capacités à reconnaitre les motifs carbohydrates à la surface des pathogènes de manière calcium-dépendante. Les fonctions des RLC, notamment leur capacité à activer la NADPH-oxydase des macrophages et à produire des IROs, sont dépendantes de leur niveau d’expression et du niveau de multimérisation à la surface du macrophage [95] avec d’autres récepteurs comme les TLR2, TLR4 et les récepteurs scavengers. Le récepteur mannose et le récepteur aux β-glucanes Dectine-1 font partis des RLC.

L’IL-4 se fixe à la chaine IL-4Rα avec une haute affinité. Cette interaction entraine la dimérisation de cette chaine avec une autre chaine pour former un récepteur de type I ou de type II. La majorité des cellules de la lignée hématopoïétique présente des récepteurs de type I résultant de la dimérisation avec la chaine γc. Pour les cellules non-hématopoïétiques et les cellules de la lignée myéloïdes, IL- 4Rα se dimérise avec IL-13Rα1, formant ainsi un récepteur de type II. Le récepteur de type II est également le récepteur principal pour l’IL-13. Dans tous les cas, la dimérisation des récepteurs de type I ou de type II active des voies de signalisation impliquant les Janus kinases (Jak1, Jak3 et Jak 1, Jak2 respectivement) [96,97] ou d’autres kinases aboutissant à la phosphorylation de résidus tyrosines de la portion cytoplasmique des récepteurs. Ces tyrosines phosphrylées sont le site d’interactions moléculaires déclenchant différentes voies. Une de ces voies est la signalisation JaK/STAT-6. L’activation des Janus Kinases aboutit à la phosphorylation du facteur de transcription STAT-6 qui s’homodimèrise avec une seconde molécule STAT-6. Ce complexe est transloqué dans le compartiment nucléaire pour se lier sur la séquence promotrice des gènes cibles tel que le gène CMH

de classe II. D’autres voies de transduction du signal sont médiées par les IRS1/2 (Insulin Receptor

Substrate) interagissant avec la voie de la PI3K (Phosphoinositide 3-Kinase) ou de la PLCγ (Phospholipase Cγ) [98] et modulent ainsi la capacité d’activation de la NADPH oxydase.

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Bien que les voies de signalisation en réponse à L’IL-4 et l’IL-13 soient considérées comme équivalentes, il existe des différences en termes de cinétique et d’intensité de réponse. Ainsi des travaux sur la lignée A549 (carcinoma epithelial) ont permis d’établir que l’IL-4 induit la phosphorylation de STAT-6 à des doses 5 à 10 fois plus faible que l’IL-13. Cette réponse apparaît également comme beaucoup plus lente [99].

A l’échelle physiopathologique, les macrophages M2a sont impliqués dans les processus de réparation tissulaire. La présence de macrophages activés de manière alternative a été confirmée dans de nombreux modèles d’infections par des helminthes et est corrélée à leur élimination [100] [101]. L’activation alternative est également impliquée dans les phénomènes d’allergie [4]. Ainsi, les macrophages M2a sécrètent des chemokines qui sont des agonistes des récepteurs CCR3, CCR4 ou CCR8 (Figure 5). Ce panel de chemokines permet le recrutement d’éosinophiles, de basophiles ainsi que de LTh2 pour une réponse immune de type 2. Ces macrophages représentent également une composante importante du microenvironnement des tumeurs. Ils peuvent voir des effets bénéfiques ou néfastes au processus de tumorigénèse en favorisant la progression de la tumeur ou en permettant l’immunosurveillance [102].

1.1.3.3.3 Interaction entre les voies de l’IL-4 et l’IL-13 et les récepteurs nucléaires

Ainsi dans les macrophages, l’IL-13 active le métabolisme de l’acide arachidonique via l’augmentation de l’expression et de l’activation, par la phosphorylation d’un résidu sérine, de la cPLA2 [103,104]. De plus l’IL-13 et l’IL-4 induisent l’augmentation de la 5-LO. Les travaux de Huang montrent que l’IL-4 favorise l’induction du récepteur nucléaire PPARγ et de la 12/15-LO. L’activation de cette enzyme permet à partir de l’acide arachidonique et de l’acide linoléique la production des ligands de PPARγ que sont les 13-HODE (acide hydroxyoctadécadienoïque) et 15-HETE respectivement. De plus, des études réalisées au laboratoire sur des monocytes humains montrent une augmentation de la production de PGD2, précurseur de la 15-déoxy-∆12,14-PGJ2 qui est un ligand de PPARγ, après 1 heure de traitement par l'IL-13. Ainsi l’IL-4 et l’IL-13 induisent la production de 15-déoxy-∆12,14-PGJ2 des les monocytes/macrophages [104].

Par ce mécanisme les cytokines Th2 permettent l’induction du CD36 à la surface des monocytes humains et favorisent ainsi la phagocytose des érythrocytes parasités par Plasmodium falciparum [8]. L’activation de PPARγ par l’IL-13 dans des macrophages murins permet également la surexpression du récepteur mannose via l’activation d’une PLA2 cytosolique et la production de 15-déoxy-∆12,14- PGJ2. L’activation de PPARγ par la rosiglitazone ou par l’IL-13 et la surexpression du récepteur mannose sont corrélées à une amélioration de l’activité fongicide des macrophages face à Candida

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Ces résultats mettent en évidence le lien étroit entre les cytokines Th2 et le récepteur nucléaire PPARγ dans l’induction des fonctions anti-infectieuses vis-à-vis des pathogènes non-opsonisés. De plus des études du phénotype de macrophages du tissus adipeux blancs de souris invalidés pour le récepteur nucléaire PPARγ montrent que l’expression de gènes préférentiellement exprimés durant l’activation alternative des macrophages comme Arg1, Mcr1, Dectine-1 est diminuée d’au moins 70% par rapport aux macrophages de souris sauvages. Mais l’expression de ces gènes est également altérée dans les macrophages de souris déficientes en STAT-6.

L’ensemble de ces données suggère l’importance d’un axe fonctionnel IL-4/IL-13/STAT-6/PPARγ impliqué dans l’activation alternative des macrophages.