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Les méthodes de mesure de l’observance à la PrEP

Chapitre 1 Mise en contexte et état des connaissances

1.6 PrEP : Une innovation dans les stratégies de prévention du VIH

1.6.4 Les méthodes de mesure de l’observance à la PrEP

Il n’existe pas de « gold standard » pour mesurer l’observance à la PrEP. Chaque méthode a ses avantages et ses limites [136, 137]. Les nouvelles technologies en développement semblent prometteuses mais ont besoin de plus de recherche avant d’être utilisées à grande échelle pour mesurer l’observance à la PrEP. Ainsi, à ce jour pour mesurer l’observance, il serait préférable de combiner plusieurs méthodes pour augmenter la validité des mesures d’observance [136, 138]. Dans cette section, les mesures d’observance les plus utilisées dans les essais cliniques et les projets de démonstration sur la PrEP ainsi que les nouvelles technologies sont présentées.

1.6.4.1 Les méthodes subjectives

les entretiens en face-à-face (face-to-face interview : FTFI), les entretiens par textes messages (SMS), l’auto-questionnaire par écrit (self-administered questionnaire : SAQ), l’auto-administration par ordinateur (computer-assisted self-administered interview : CASI) et l’auto-administration par ordinateur avec soutien audio (audio computer-assisted self administered interview : ACASI).

Lors d’un FTFI, un enquêteur administre un questionnaire au répondant. Le FTFI est facile à utiliser et est peu coûteux mais dépend des informations fournies par le répondant, de l’habilité de l’enquêteur et de la façon dont les questions sont posées. Le FTFI tend à surestimer l’observance à cause des biais de désirabilité sociale et des biais de rappel. En effet, le répondant peut adapter ses réponses en fonction de ce qui est attendu et acceptable par l’enquêteur. Dans plusieurs essais cliniques sur la PrEP, les mesures auto-rapportées de l’observance étaient surestimées comparativement aux mesures objectives (Tableau 1.1) [12, 13, 137, 139].

Durant un CASI, les répondants lisent les questionnaires et inscrivent leurs réponses à l’ordinateur. Ce mode de questionnement maximise la confidentialité et minimise l’influence de la présence d’un enquêteur dans le processus de collecte des données. Le CASI requiert un certain niveau de littératie pour répondre aux questions. L’ACASI se fait de la même manière mais avec un support audio permettant d’écouter les questions et répondre sans être entendu par quelqu’un. Ces deux méthodes seraient donc moins affectées par un biais de désirabilité sociale comparativement au FTFI [140]. Cependant, dans l’étude VOICE [13], il n’y a pas eu de différence entre l’observance mesurée par FTFI et par ACASI. L’automatisation informatique des réponses permet de limiter les réponses illogiques et les données manquantes. Le CASI et l’ACASI sont coûteux et ne sont donc pas adéquats dans les milieux défavorisés.

Le SAQ est un ensemble de questions méthodiquement posées adressées au répondant. Il est intéressant en termes de coût et les données sont facilement

récoltées. Mais, il requiert un certain niveau de littératie et peut parfois surestimer l’adhérence à cause du biais de désirabilité sociale [71].

Les SMS sont une technologie qui permettent de collecter fréquemment les données sur l’adhérence mais peuvent être coûteux. Ils peuvent collecter des données sur l’adhérence selon la convenance du patient. Les SMS peuvent réduire le biais de rappel puisqu’ils ne requièrent pas un long temps d’attente pour la collecte des mesures. Les SMS peuvent être anonymes et donc peuvent potentiellement réduire le biais de désirabilité sociale qui affecte les FTFI. Une des principales limites des SMS est qu’ils peuvent être reçus à des moments inopportuns perturbant donc la routine d’une personne ou entrainant une absence de réponse [141, 142].

1.6.4.2 Les méthodes objectives

Les méthodes objectives sont connues pour être plus précises que les méthodes subjectives malgré leurs limites. Cependant, certaines méthodes objectives peuvent être coûteuses et non faisables dans les milieux avec des ressources limitées. Par conséquent, le choix des mesures d’observance est souvent basé sur la faisabilité et les coûts [15, 143, 144]. Les méthodes objectives incluent des méthodes indirectes comme le décompte des pilules, le taux de renouvellement des ordonnances, et les piluliers électroniques tel que le MEMS (Medication Event Monitoring System) et des méthodes directes comme le dosage du médicament dans différents types d’échantillons.

Pour le décompte des pilules, le patient doit ramener sa boîte de médicaments lors des visites médicales. Le nombre de pilules restant permet d’évaluer l’observance en considérant que le nombre de pilules manquantes correspond au nombre de pilules prises. Une des limites de cette méthode est que la prise n’est pas vérifiable et souvent les patients n’ont pas leur boîte de médicaments lors des visites médicales. Pour mesurer l’observance en utilisant le taux de renouvellement des ordonnances, un suivi des ordonnances le plus souvent informatisé est utilisé permettant ainsi de contrôler le délai entre les renouvellements et donc le nombre

de jours de prise ratée. Bien que cette méthode soit facile pour collecter les données d’observance, elle ne permet pas de savoir si le patient a réellement pris le médicament [136].

Le MEMS est un bouchon électronique qui affiche la date et l’heure de la dernière prise du médicament et qui permet de contrôler à distance l’ouverture du flacon de médicament. Chaque fois que le bouchon est ouvert ou activé, cela est enregistré, stocké et téléchargé dans un logiciel de traitement de données. Il permet d’évaluer la fréquence de la prise mais ne peut pas affirmer que le patient a effectivement pris la pilule. Le MEMS peut donner des mesures en temps-réel de l’observance mais est aussi confronté à certaines limites. Il peut surestimer l’observance si le patient ouvre le flacon à d’autres moments que la prise, ou sous-estimer l’observance si le patient extrait plusieurs comprimés à consommer en une seule fois. Il peut être coûteux et parfois être difficile à intégrer dans le mode de vie du patient [136, 137].

Le dosage plasmatique du Truvada a été utilisé comme mesure de référence dans la plupart des essais cliniques sur la PrEP [8-13]. Il permet de mesurer la concentration du médicament dans le sang qui est souvent corrélée avec l’efficacité de la PrEP contre l’acquisition du VIH. Il reflète en général une observance à court terme et ne permet pas de détecter les modalités et les fluctuations de prise. La présence du médicament dans le sang et une concentration élevée peuvent donc ne pas signifier une bonne observance au traitement et vice versa. Il peut également être sensible à la variabilité intra-individuelle [136, 145]. Le dosage plasmatique de la concentration de Truvada pourrait être considéré comme la mesure la plus précise pour quantifier l'observance. Cependant, les coûts élevés de cette méthode ne permettent pas sa mise en œuvre dans la pratique clinique de routine et dans un contexte de santé publique [17].

Les tâches de sang séché (dried blood spots : DBS) et les échantillons de cheveux permettent de mesurer l'observance à plus long terme. Ils sont de plus en plus incorporés dans les programmes de mise en œuvre de la PrEP. Cependant, comme

toute mesure d’observance, ils ont aussi des limites. Les équipements pour les analyses des DBS et échantillons de cheveux peuvent être coûteux et ne sont pas disponibles partout [146, 147]. Bien que la collecte des échantillons de cheveux soit facile et pas contraignante et que les échantillons se conservent facilement, cette pratique n’est pas toujours acceptée dans certaines populations particulièrement en Afrique en raison des pratiques religieuses traditionnelles telles le vaudou (culte qui mêle la sorcellerie et la magie) [148].

Les échantillons d’urine permettent aussi de mesurer l’observance. Mesurer l’observance avec les échantillons d’urine est généralement moins coûteux que les mesures avec les DBS et les échantillons de cheveux. Toutefois, les échantillons d’urine ne permettent pas de mesurer l’observance à long-terme comme les échantillons de cheveux. La collecte des échantillons d’urine est relativement simple. Les tests « point-of care » (POC : un test diagnostique de laboratoire médical destiné à être effectué à proximité directe du patient) avec des échantillons d’urine semblent prometteurs pour mesurer l’observance et pourraient être utilisés dans différents contextes économiques [149, 150].

La quantification du TDF dans le sang à l’aide d’une spectrométrie de masse miniature semble aussi prometteuse pour mesurer l’observance. C’est une technologie, rapide et simple qui pourrait être utilisée dans les milieux à ressources limitées. Toutefois, les données sont limitées pour le moment pour une mise en œuvre dans le milieu clinique [151].

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