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I.4 Vers une conception de produits de plus en plus anthropocentrée

I.4.4 Les limites de la conception anthropocentrée de produits

Prise en compte des critères ergonomiques pour la définition et évaluation des pré-concepts

Ainsi, selon les travaux de Sagot et col. [Sagot,1996a; Sagot et al.,1996b-c; Sagot et al.1998], l'apport

ergonomique dans la première phase de conception (études de faisabilité) est issu des connaissances

sur les utilisateurs ciblés : données biométriques (l'état de la santé, les caractéristiques

physiologiques, données anthropométriques) et données socioculturelles (niveau de qualification et

de formation, niveau de vie, habitudes de vie, etc.), mais également des informations recueillies

pendant l'analyse des produits existants. Sous la forme de recommandations définies par l'ergonome,

ces données sont intégrées par la suite dans le Cahier des Charges Fonctionnel (CdCF) du futur

produit. L'ergonome participe ainsi depuis le début du processus de conception jusqu'à la définition du

Cahier des Charges Fonctionnel, mais il est classique que son intervention s'arrête souvent là.

La deuxième phase de conception (études préliminaires) revient notamment aux concepteurs qui se

réunissent pour proposer des pré-concepts pour le futur produit, en s'appuyant sur le cahier des

charges fonctionnel et sur leurs savoir-faire. A travers des séances et outils de créativité

(brainstorming, TRIZ) et aidés par les outils de représentation 2D et 3D (AutoCad, Catia V5 R10,

ProEngineer, SolidWorks,…), ils aboutissent à plusieurs pré-concepts, modèles numériques du futur

produit. Les concepteurs travaillent ensuite ces différentes maquettes numériques qu'ils évaluent selon

les critères définis par eux-mêmes et en accord avec le CdCf, afin de pouvoir choisir celle qui sera la

solution acceptable.

Concernant l'ergonome, celui-ci "participe" à la définition de ces pré-concepts, sur la base des

recommandations qu'il a définies dans le CdCf. En effet, la matérialisation de ses recommandations

ergonomiques sous la forme de caractéristiques pour les pré-concepts est faite d'habitude par les

concepteurs, à leur sens, sans avoir d’outils spécifiques pour cela. Et cette tâche est souvent très

difficile et des fois impossible, fait constaté d'ailleurs sur les nombreux produits "non- ergonomiques" qui

sont proposés sur le marché actuel par les entreprises.

Il s'agit donc d'une première lacune à ce niveau de la conception, la nécessité d'un outil d'aide à la

traduction des recommandations et critères ergonomiques du cahier des charges fonctionnel.

Comment faire alors pour pallier cette lacune?

Selon nous, en accord avec les travaux de Gomes et Sagot, l'ergonome semble pouvoir contribuer à la

définition et l'évaluation de plusieurs préconcepts, maquettes numériques du futur produit, à

travers des mannequins numériques [Gomes,1999; Sagot,1999]. Ainsi, dans le cadre de ses travaux

de doctorat relevant du domaine de l'automobile, Gomes a montré les limites de la conception encore

peu centrée sur l'Homme et ensuite la nécessité de proposer un outil capable de simuler et évaluer d'un

point de vue ergonomique les activités gestuelles et posturales humaines et de guider à travers ces

dernières les actions des concepteurs, dont la définition, l'évaluation et le choix des préconcepts

[Gomes,1999].

Les mannequins numériques comme outils d’aide à une conception centrée sur l’Homme

Grâce au progrès informatique, il existe aujourd'hui de nombreux outils de type mannequins

numériques capables de reproduire les dimensions anthropométriques de l'humain et, de plus en plus,

leurs comportements physiques (gestes et postures) d'utilisation d'un produit [Kroemer,1973;

Karwowski,1990; Porter 1993; Das,1995; Sengupta,1997; Verriest,2000; Chaffin,2001; Barthelat, 2001].

En plus de leurs capacités de simulation, certains d'eux offrent, à travers les méthodes d'évaluation

ergonomique qu'ils intègrent, la possibilité d'évaluer également ces comportements humains reproduits.

Il s'agit d’évaluations qui tiennent compte de normes et critères ergonomiques liés à l'encombrement,

à l'accessibilité, au volume d'atteinte, à la visibilité, aux contraintes biomécaniques (postures, efforts,

répétitivité, durée d’activité,…) de l'humain.

Il nous semble important de définir ici "le critère ergonomique". Nous reviendrons plus loin sur les autres

notions qui lui sont liées. Ainsi, celui-ci est considéré comme "une relation entre la description objective

d'une situation constituant une contrainte pour l'Homme et l'expression de l'astreinte qui en résulte pour

l'Homme" [Verriest, 2000]. Nous faisons donc ressortir le but des évaluations ergonomiques à l'aide de

ces modèles anthropométriques qui permettent d'identifier la pénibilité des comportements simulés de

l'humain, donc des problèmes d'usage/d'exploitation posés par un produit à son utilisateur/opérateur.

plus en plus importante. Ils tendent à intégrer progressivement le processus et les résultats se montrent

satisfaisants. Malgré cela, leurs applications n'utilisent qu'une partie de leur vrai potentiel. En effet, la

plupart de ces mannequins numériques sont utilisés aujourd'hui dans la conception de produit

uniquement pour évaluer les pré-concepts, maquettes numériques déjà proposées pour le futur produit.

Ils reproduisent ainsi les comportements physiques que le futur utilisateur/opérateur pourrait avoir lors

de l'utilisation de ces "futurs produits", permettant par la suite leur évaluation ergonomique. Plusieurs

boucles itératives d'évaluation – optimisation - validation des pré-concepts sont ensuite nécessaires et

possibles en vue de retenir un pré-concept pour le futur produit. Une intervention ergonomique de

"correction" est alors réalisable à ce niveau de la conception par l'intermédiaire de ces outils et des

modules dont ils disposent. Cependant, il y a de la place pour mieux faire, c'est-à-dire pour faire

intervenir le futur utilisateur/opérateur avant la définition des maquettes numériques du futur produit. Il

s'agit d'une intervention ergonomique de "conception", point sur lequel nous reviendrons.

Prise en compte des critères ergonomiques pour la réalisation de maquettes physiques

Suivant le modèle proposé par Sagot (figure I.10) , nous arrivons à la phase d'études détaillées pour

laquelle nous mentionnons les travaux de doctorat réalisés par Zwolinski qui traitent de la conception

ergonomique d'un poste de conduite de TGV [Zwolinski,1999]. L'auteur a montré les apports de

l'ergonome à la conception par l'intermédiaire de la "simulation réaliste" de l'activité humaine. Dans

cette phase, de vrais utilisateurs, conducteurs de TGV, ont été appelés pour aider à choisir et optimiser

les pré-concepts, maquettes physiques et interactives du futur poste de conduite TGV. Des boucles

itératives de conception – évaluation – validation de ces pré-concepts réalisées avec ces utilisateurs ont

permis ainsi le choix d'un concept final.

Malgré cela, toujours dans le cadre de l'intervention ergonomique, nous constatons, à travers les

différents travaux antérieurs de conception de produits, que le passage de la phase des maquettes

numériques (études préliminaires) vers celle des maquettes physiques (études détaillées) se fait assez

brutalement, sans avoir une autre considération que celles des caractéristiques anthropométriques

humaines. En effet, il y a rarement une intervention ergonomique à ce niveau de la conception. Et les

effets en sont ressentis lors des tests réalisés avec les vrais utilisateurs, quand des modifications des

maquettes physiques deviennent nécessaires, traduisant des coûts et délais supplémentaires de

production. Il s'agit alors à ce niveau d'une deuxième lacune dans le processus de conception

ergonomique de produits. Ainsi, une meilleure intégration des caractéristiques humaines du futur

réalisation des maquettes physiques. Quoi faire dans ce cas? Comment résoudre cela? Avec quel

moyen, quel outil?

Les outils de réalité virtuelle face à ces difficultés de la conception

Plusieurs techniques et outils de réalité virtuelle se développent grâce au progrès technologique et

semblent offrir des fonctionnalités capables de résoudre ce "handicap" de la conception [Burdea,1993,

Richir,1997; Fuchs,2001; Chedmail,2002; Fischer,2002 ; Fuch et Richir,2003]. Parmi ceux-ci, les

plates-formes de réalité virtuelle semblent être les plus adaptées pour ce stade de la conception

ergonomique de produits. Plus précisément, ces outils assistés par divers accessoires (gants,

lunettes,..) peuvent permettre à des utilisateurs/opérateurs réels d'interagir avec le modèle numérique,

solution du futur produit/poste de travail proposé à l'aide des mannequins numériques pendant la phase

précédente de la conception. Les plates-formes de réalité virtuelle et les "interactions virtuelles" qu'elles

offrent peuvent ainsi contribuer à la mise en évidence des évolutions futures pour le préconcept étudié,

avant que ce dernier prenne la forme d’une maquette physique. Nous reviendrons sur ces aspects.

Revenant au modèle de Sagot et al, celui-ci montre une présence de l'ergonome même dans la

dernière phase du processus de conception, par l'intermédiaire des tests réalisables avec les vrais

utilisateurs sur le produit fini, mais sa contribution diminue en intensité [Sagot,1999].

Dans ce paragraphe, nous avons identifié les lacunes du modèle de conception anthropocentrée, liées

notamment à une mauvaise collaboration de l'ergonome et du concepteur. Il apparaît ainsi nécessaire

d’améliorer ce processus en vue de favoriser une meilleure articulation entre les tâches de ces deux

acteurs. C'est ce que nous allons montrer par la suite.

I.5 Besoin d'une meilleure articulation "analyse ergonomique –