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Chapitre 3 : L’ascétisme dans le bouddhisme

3.2 Les Jatakas

Pour ce qui est des Jatakas, il s’agit de différents contes racontant les épisodes des vies antérieures du Bouddha. Alors qu’il était un bodhisattva sur la voie de la libération, celui qui allait devenir le Bouddha prit différentes incarnations. Son comportement illustre dans chaque histoire des vertus (parami) à développer pour se rapprocher de la libération finale (Ohnuma, 2004, p. 401). Les dix parami encouragées sont la générosité (dana), l’amour bienveillant et désintéressé (metta), l’équanimité (upekkha), la sagesse (panna), la détermination (adhitthana), la vérité (sacca), la tolérance (khanti), l’effort (viriya), la moralité (sila), et le renoncement (nekkhamma). Les textes illustrent donc comment le développement de ces vertus dans les vies antérieures permit au Bouddha de poursuivre son cheminement jusqu’à ce

qu’il puisse atteindre la libération (Gombrich, 2006, p. 122; Ohnuma, 2004, p. 401). Parmi ces textes, certains présentent l’ascétisme de manière plus évidente en soulignant des vertus associées. Les passages retenus ici seront Le vœu de Sumedha, Harita le Sage en proie au désir sensuel (Haritaka Jataka), L’ascète qui maîtrisa sa colère naissante (Culla-Bodhi Jataka), et Le vœu de renoncement du Grand Roi Janaka (Mahajanaka Jataka).

Le vœu de Sumedha constitue en quelque sorte une introduction à l’ensemble des Jatakas. Il s’agit du récit du jeune Sumedha qui, suite au décès de ses proches, entreprend une réflexion où il réalise que l’attachement aux biens matériels ne permet pas d’échapper à la souffrance et à la mort. Il renonce donc aux richesses pour entreprendre une quête spirituelle en suivant un mode de vie ascétique. Ce renoncement lui permet de se détacher des distractions et d’avoir l’espace de réflexion nécessaire à sa démarche. Sumedha cherche un moyen de se libérer des souffrances inhérentes à l’existence et tente par la même occasion d’aider les autres à se libérer également. En empruntant cette voie, il cherche ainsi à devenir un Bouddha dans une vie ultérieure. Il réalise qu’il devra développer plusieurs vertus pour se rapprocher de la libération. Ces vertus sont les dix parami mentionnées plus haut. En plus du renoncement qui occupe une place importante dans l’histoire de Sumedha et qui est l’une des vertus à développer, l’ascétisme est également illustré dans plusieurs autres Jatakas dont ceux qui seront analysés ici.

L’ascèse se retrouve aussi dans le Haritaca Jataka (Harita le Sage en proie au désir sensuel) où l’on peut lire l’histoire du jeune Harita. Suite au décès de ses proches, il réalise comment les biens matériels accumulés ne protègent pas de la mort. Il abandonne donc tous ses biens et

se retire dans l’Himalaya pour vivre l’ascèse et se consacrer à la méditation. Lors d’une descente en ville, il rencontre le roi Brahmadatta qui l’invite à habiter dans son parc. Il s’écoule douze ans avant qu’Harita se laisse aller aux plaisirs sensuels avec la reine en l’absence du roi. Lorsque confronté par le roi à son retour, Harita réalise les impacts négatifs des plaisirs sensuels « dont le poison est puissant et engendre de multiples souffrances » (Harita le sage en proie au désir sensuel, dans Contes des vies antérieures du Bouddha, 2014, p. 79)5. Il retourne alors dans l’ascèse et la méditation pour renaître plus tard dans un plan d’existence céleste suite à sa mort. L’ascèse est encore une fois présentée ici comme un moyen de s’éloigner des tentations susceptibles de faire trébucher l’individu dans son cheminement spirituel visant à sortir de la souffrance.

Dans le Culla-Bodhi Jataka (L’ascète qui maîtrisa sa colère naissante), on peut y suivre l’histoire d’un jeune sage et de sa conjointe qui pratiques tous deux l’ascétisme. Ils se retirent dans l’Himalaya et habitent dans un ermitage, pour ensuite se déplacer dans le jardin du roi de Bénarès. Ce dernier tombe amoureux de la belle ascète et la fait enlever. Face à l’absence de réaction du Jeune Sage, le roi le questionne sur ses motivations. C’est lors de l’échange entre eux que l’on peut observer que, tout comme il l’était indiqué dans le Dhammapada, l’ascèse ne se limite pas à un comportement vide de sens mais doit être incarnée. L’ascète explique ainsi au roi comment le détachement lui permet de bien comprendre les racines de la colère et d’en analyser les conséquences négatives (L’ascète qui maîtrisa sa colère naissante, dans Contes des vies antérieures du Bouddha, 2014, p. 100-101). Il explique donc au roi comment

le développement d’une attitude bienveillante permet d’atteindre un niveau de maîtrise de soi protégeant contre l’émotion de colère et ses conséquences.

L’importance de l’ascèse est présentée de manière différente dans le Mahajanaka Jataka (Le vœu de renoncement du Grand Roi Janaka). On y raconte ici comment le Roi Janaka prend conscience les bienfaits de l’ascèse en comparant deux manguiers. Alors que les habitants abîment un manguier en tentant tous d’en manger les fruits, le roi réalise que l’arbre sans fruits est resplendissant et n’a subi aucun dommage. Il interprète cette image comme le signe qu’il peut retirer des bénéfices spirituels en se détachant des fruits du monde pour plutôt se consacrer à l’ascèse (Le vœu de renoncement du Grand Roi Janaka, dans Contes des vies antérieures du Bouddha, 2014, p. 130).

Nous pouvons voir encore une fois comment l’ascèse est associée au progrès spirituel et à la fin de la souffrance dans ces différents contes. Le renoncement permet de réduire les distractions et ouvre la voie à différents niveaux de perspicacité à travers les incarnations du Bouddha. Ces textes sont donc très pertinents pour notre analyse de l’ascétisme.