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3.1 Description des IBPC

Ces interventions sont issues du programme Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR) de Jon Kabat-Zinn (Kabat-Zinn, 1990). De façon générale, la pleine conscience consiste à porter une attention stable et dénuée de jugement sur le moment présent, une aptitude développée chez les participants par le biais de quatre pratiques méditatives : le balayage corporel, les mouvements conscients et la méditation assise et marchée (Kabat- Zinn, 1990). Le balayage corporel est pratiqué en position allongée sur le dos ou sur chaise. Il consiste à porter attention aux sensations présentes dans chaque partie du corps, une à la fois et de façon séquentielle. Le balayage exerce la capacité à contrôler la direction de l’attention et la durée de son maintien sur une partie donnée du corps et pose comme défi de combattre l’engourdissement mental et l’endormissement. Les mouvements conscients, pouvant être pratiqués sur chaise plutôt que sur un tapis de yoga chez les personnes âgées, impliquent l’observation des sensations corporelles ressenties lors de mouvements et d’étirement lents et doux. Cette pratique permet de prendre conscience de l’état et des limites du corps dans le moment présent et de travailler la capacité d’acceptation et de non-jugement de soi qui peut résulter d’une comparaison aux autres personnes présentes, aux habilités physiques antérieures, ou aux standards préalablement visés. La méditation assise, pouvant être réalisée sur chaise plutôt que sur un coussin au sol chez les personnes âgées, exerce la capacité à maintenir le plus longtemps possible une attention stable sur un objet interne (par exemple, la respiration, une sensation corporelle, une pensée, une émotion) ou externe (par exemple, un son, une scène visuelle). Cette forme de méditation confronte la tendance de l’esprit à rêvasser ou à vagabonder lorsqu’il n’est pas occupé à une tâche exigeante ou divertissante. Elle travaille la capacité à prendre conscience que l’esprit est parti ailleurs et à le ramener sur l’objet de méditation aussi souvent que nécessaire à l’intérieur d’une même séance. Finalement, la méditation marchée favorise la conscience des sensations corporelles, proprioceptives et vestibulaires générées par une marche lente et délibérée. Elle aide également à observer l’intention qui précède chaque composante d’action propre à la marche ainsi que la résistance mentale qui surgit face à l’imposition d’un rythme différent de celui

hautement automatisé adopté dans la vie de tous les jours. Ces pratiques guidées sont enseignées par des instructeurs formés à l’approche de pleine conscience lors de rencontres hebdomadaires en groupe de 10-15 personnes, d’une durée de 2h30 chacune, s’échelonnant sur huit semaines. En effectuant ces exercices de méditation, les participants sont invités à prendre conscience des habitudes de l’esprit (distraction, rêverie, jugement, réactivité, etc.) et à ramener l’attention vers l’objet de méditation prédéterminé (Kabat-Zinn, 1990). En plus des rencontres en groupe, les exercices de pleine conscience sont pratiqués à la maison six jours par semaine à l’aide d’enregistrements audio et de consignes écrites. Des attitudes et valeurs en lien avec la pleine conscience sont également enseignées lors des séances afin d’être mises en application lors des pratiques formelles de groupe et individuelles. Elles favorisent également la généralisation des bénéfices de l’approche à des situations de la vie quotidienne pouvant provoquer des affects négatifs (ex., conflits, maladie) ou instaurer la rêverie (ex., routine d’hygiène corporelle, conduite automobile). Les attitudes sont l’acceptation, la patience, l’esprit du débutant, le non-jugement, la confiance, le non-effort et le lâcher-prise. Ces attitudes représentent le fondement sur lequel la personne construit une pratique de méditation solide et ceci favorise l’émergence de nouvelles habitudes de l’esprit plus compatibles avec un état de bien-être (Kabat-Zinn, 1990).

3.2 Potentiel des IBPC pour prévenir la MA

Les IBPC sont intéressantes à considérer dans un contexte préventif puisqu’elles impliquent peu de risques d’effets secondaires indésirables2, sont peu coûteuses (Wells, Kerr

et al., 2013; Wells, Yeh et al., 2013) et ont démontré des effets encourageants sur plusieurs facteurs de risque modifiables de la MA, incluant les symptômes dépressifs (Goldberg et al., 2018; Hofmann, Sawyer, Witt & Oh, 2010; Khoury et al., 2013; Vøllestad, Nielsen & Nielsen, 2012), dont il sera question plus loin dans la sous-section 3.2.1, l’inflammation

2 Les IBPC, au même titre que d’autres interventions psychosociales et psychocorporelles, favorisent l’exposition à des expériences nouvelles et une conscientisation de l’expérience présente qu’elle soit agréable, désagréable ou neutre (Kabat-Zinn, 1990). Bien qu’il puisse sembler que l’intervention cause certains inconforts physiques ou psychologiques, il est plus probable que la pleine conscience permette de mieux ressentir les sensations et émotions déjà présentes. Les IBPC sont proscrites pour les populations souffrant de dépendances aux substances et de psychose active, deux conditions faisant partie des critères d’exclusion dans le protocole de recherche de ce mémoire doctoral.

périphérique (Pascoe, Thompson, Jenkins, & Ski, 2017) et les déficits cognitifs (Chiesa, Calati & Serretti, 2010; Marciniak et al., 2014). Un intérêt grandissant s’est développé pour ces interventions holistiques en tant que stratégie préventive chez des personnes âgées vivant un déclin cognitif (Hort, 2015; Larouche, Hudon & Goulet, 2015 ; Lenze et al., 2014 ; Sapozhnikov, 2015). La recherche à ce niveau n’en est qu’à ses débuts, mais la faisabilité de ce type d’intervention auprès de personnes âgées ayant des limitations physiques et cognitives a été démontrée, ainsi que l’efficacité pour la diminution de symptômes anxieux et l’amélioration de certaines fonctions cognitives telles l’attention, la mémoire, la flexibilité mentale et la fluence verbale (Lenze et al., 2014; Marciniak et al., 2014; Paller et al., 2015; Zanesco, King, MacLean, & Saron, 2018). Une étude pilote publiée sous la forme de deux articles (Wells, Kerr et al., 2013; Wells, Yeh et al., 2013) ainsi que trois études pilotes avec un devis clinique, randomisé et contrôlé (Chouinard, Larouche, Audet, Hudon, & Goulet, 2018; Larouche, Hudon, & Goulet, 2019; Siang-Ted et al., 2017) rapportent des résultats quant aux effets d’une intervention de pleine conscience chez des participants atteints d’un TCL. Celles-ci sont encourageantes puisqu’elles confirment que ces interventions sont tout à fait réalisables auprès de cette population. En ce qui a trait au bien-être psychologique, une tendance favorable qui pourrait s’avérer statistiquement significative auprès d’un plus grand échantillon de participants a été observée (Wells, Kerr et al., 2013). Par ailleurs, une baisse significative de la réponse cortisolaire à l’éveil (Chouinard et al., 2018) confirme que les IBPC peuvent engendrer des effets physiologiques appréciables, dans le cas présent en lien avec l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénal associé au stress. Finalement, au plan de l’inflammation dans le TCL, une étude montre une diminution significative post-IBPC des taux sanguins de la protéine C réactive, un médiateur de la réponse pro-inflammatoire (Siang- Ted et al., 2017).

3.2.1 IBPC et les symptômes dépressifs. La diminution de symptômes dépressifs par

les IBPC est un effet très souvent rapporté dans la littérature chez diverses populations, soit chez des individus sains ou atteints de problématiques de santé mentale ou de maladies physiques. Plusieurs méta-analyses rapportent des résultats en ce sens (Goldberg et al., 2018;

Hofmann et al., 2010; Khoury et al., 2013; Vøllestad, Nielsen & Nielsen, 2012). Il en est de même pour les personnes âgées : les IBPC sont efficaces pour améliorer leur bien-être en diminuant, entre autres, les symptômes dépressifs (Geiger et al., 2016).

3.2.2 IBPC et inflammation périphérique. Des chercheurs ont nouvellement débuté des

investigations sur les effets physiologiques des IBPC (Black & Slavich, 2016 ; Bower & Irwin, 2016; Pascoe et al., 2017). Étant donné leur efficacité pour amenuiser les symptômes dépressifs, l’effet des IBPC sur l’inflammation périphérique est d’un intérêt particulier. Puisque ces deux variables semblent associées, l’efficacité des IBPC sur l’une d’entre elles pourrait engendrer un effet sur l’autre. Selon deux revues de la littérature réalisées récemment sur le sujet (Black & Slavich, 2016 ; Bower & Irwin, 2016), il y aurait un nombre trop limité d’études cliniques pour tirer des conclusions solides pour l’instant. Les auteurs notent tout de même une tendance vers la diminution de l’inflammation périphérique par les IBPC et encouragent la réalisation d’études cliniques pour investiguer davantage cette relation. Pour faire suite, une première méta-analyse fut réalisée sur les effets des IBPC sur le profil immunitaire périphérique de diverses populations. L’étude regroupait des participants sains de différents groupes d’âge, généralement de l’adolescence au troisième âge, mais également des individus aux prises avec certaines difficultés physiques ou psychosociales tels des pairs aidants d’un proche atteint de démence, des patients atteints de douleur chronique et des adultes atteints d’hypertension artérielle, vivant un stress associé au chômage ou souffrant de dépression (Pascoe et al., 2017). Selon cette méta-analyse, les taux sanguins de TNF-α se voient diminués suite à une IBPC. La diminution de TNF-α suite aux IBPC serait donc un effet observé de manière robuste chez diverses populations. La méta-analyse ne rapporte pas de tels effets pour IL-6, toutefois, ce qui pourrait être dû à l’importante hétérogénéité entre les essais cliniques (le type de protocole, la population étudiée, etc.; Chacko, Yeh, Davis, & Wee, 2016; Creswell et al., 2013; Jedel et al., 2014; Oken et al., 2010). Les effets sur cette cytokine seraient donc sensibles aux disparités méthodologiques. Néanmoins, une diminution des taux sanguins de IL-6 à la suite d’une IBPC a été notée chez des adultes stressés d’être au chômage et activement en recherche d’emploi (Creswell et al, 2016) et des patients hypertendus (Birashk et al., 2018). Walsh, Eisenlohr-Moul et Baer (2016) ont également rapporté une baisse des taux salivaires d’IL-6 suite à l’administration d’une forme abrégée d’IBPC (c.-à-d. quatre séances de groupe d’une durée de 50 minutes) chez des jeunes femmes présentant une symptomatologie dépressive. Inversement, certaines études rapportent une hausse d’IL-6 suite à une IBPC, tel que chez des femmes atteintes du cancer

du sein (Reich et al., 2017) et des adultes sains (Cahn et al., 2017). Cette hausse était considérée bénéfique par les chercheurs. En effet, pour Reich et ses collaborateurs (2017), la hausse d’IL-6 serait signe d’une restauration du système immunitaire suite aux traitements contre le cancer (tomorectomie, mastectomie, radiation ou chimiothérapie). Selon Cahn et ses collaborateurs (2017), la hausse d’IL-6 et de plusieurs autres médiateurs pro et anti- inflammatoires (IL-10, TNF-α, IFN-γ, IL-1β et IL-8), serait souhaitable pour l’équilibre du système immunitaire. En d’autres mots, la pleine conscience encouragerait une hausse saine des niveaux de base de différents médiateurs de la réponse inflammatoire chez des individus sains, rendant le système prêt et efficace aux offenses subséquentes sur le corps. De façon générale, les IBPC auraient tendance à équilibrer l’inflammation périphérique en apportant des variations à la hausse ou à la baisse de médiateurs de la réponse immunitaire chez des populations saines ou souffrant de maux physiques ou psychologiques, un effet qui serait à investiguer plus en profondeur.

3.3 Mécanismes d’action des IBPC

Actuellement, la compréhension des mécanismes d’action des IBPC est limitée et plusieurs auteurs s’accordent à dire qu’ils devraient être étudiés davantage (Alsubaie et al., 2017; Bower & Irwin, 2016; Fjorback, Arendt, Ørnbøl, Fink & Walach, 2011; Khoury et al., 2013). Étant donné le lien étroit entre les symptômes dépressifs et l’inflammation, est-il possible que les effets normalisateurs d’une IBPC sur le profil inflammatoire soient associés à une réduction de symptômes dépressifs ? Pour l’instant, cette relation n’a jamais été examinée dans le contexte d’une IBPC chez des personnes âgées à risque de développer la MA. Toutefois, des interventions ciblant l’inflammation peuvent vraisemblablement avoir des effets au niveau de la symptomatologie dépressive. De fait, des interventions visant à normaliser le profil inflammatoire telles les AINS (Castanon et al., 2002; Köhler et al., 2014)

et les bloqueurs de cytokines pro-inflammatoires (ex : infliximab pour TNF-α; Shariq, Brietzke, Rosenblat, Barendra, Pan, & McIntyre, 2018) ont démontré des effets antidépresseurs chez des adultes déprimés.

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